Victoire de Javier Milei lors des législatives de mi-mandat en Argentine. La remontada du Lion du Río de la Plata

Je me suis levé à quatre heures. La maison dormait, la mer aussi. Seul le vent de l’Atlantique Nord, se faufilant par l’arrière-port de Lechiagat, bruissait contre les vitres, et dans ce silence je percevais, à travers l’écran, un autre souffle, celui de la politique qui enflait là-bas, au sud du monde, sur les rives du Río de la Plata. À mesure que s’additionnaient les chiffres, il devenait évident que Javier Milei, l’homme au verbe de tempête, venait d’accomplir une de ces remontadas qui défient les lois de la pesanteur politique.

Quelques jours auparavant encore, tout semblait vaciller. L’Argentine doutait. L’économie, assainie à coups de sabre budgétaire, montrait ses cicatrices. Le peuple, fatigué du réformateur libertarien, soupçonnait chez lui une arrogance de vainqueur et une promiscuité douteuse avec des aventuriers d’affaires. Les marchés bruissaient d’inquiétude, les alliés macristes s’éloignaient, et jusqu’à Washington on chuchotait que Donald Trump, par intérêt ou fraternité idéologique, avait dû voler à son secours pour garantir la survie financière de Buenos Aires. Il fallait, pour retourner le vent, un miracle. Ou, du moins, une intuition politique fulgurante.

Ce miracle eut lieu. Dans les derniers jours, Milei s’est mué en bête de scène. Rock star plus que chef d’État, il a sillonné le pays d’un bout à l’autre, multiplié les meetings, électrisé les foules, harangué les caméras, et, surtout, renoué avec ceux qu’il avait blessés. Le vieil instinct de survie du fauve politique s’est réveillé. Il a reparlé à Mauricio Macri, son ancien allié qu’il avait publiquement malmené, et leurs retrouvailles, scellées dans le langage implicite des Argentins, ont pesé lourd. Dans cette effervescence, les libertariens de la première heure se sont mêlés aux macristes repentis, les anti-kirchnéristes aux simples lassés du chaos. De ce conglomérat improbable, est née une vague.

Pourtant, la victoire ne fut pas celle d’un peuple en liesse, mais d’un peuple inquiet. La participation, plus faible que jamais depuis 1983, révèle moins un engouement qu’un réflexe de survie. Ceux qui se sont déplacés l’ont fait par crainte d’un retour du kirchnérisme, non par ferveur pour un président entouré d’ombres. L’Argentine, en vérité, a voté contre la gauche, non pour Milei. Le rejet de Cristina Kirchner, figure crépusculaire dont l’influence pèse comme une malédiction sur le péronisme, a suffi à mobiliser les classes moyennes, les producteurs, les commerçants, et cette Argentine silencieuse des provinces intérieures qui préfère l’ordre à la rhétorique.

Le président sort de cette bataille grandi mais vulnérable. L’éclat du triomphe peut être trompeur. L’économie reste fragile, la pauvreté réelle, et la machine d’État sclérosée. L’homme des chaînes de télévision et des invectives devra, s’il veut durer, redevenir homme d’État. Pour survivre, il lui faudra composer, pactiser, négocier. Autrement dit, tout ce qu’il a jusque-là méprisé. Les réformes fiscales et du travail, restées en suspens faute de consensus, réclament une majorité parlementaire qu’il n’a pas. Ses insultes passées au Congrès, qualifié de « nid de rats », résonnent encore. Les alliances qu’il devra reconstruire seront des fiançailles d’intérêt, non d’amour.

Quant au kirchnérisme, il en sort moribond. Trois défaites consécutives, 2021, 2023, 2025, ont réduit ce mouvement jadis conquérant à une survivance idéologique sans nerf ni imagination. L’image d’une Cristina Kirchner recluse, lestée de condamnations et de rancunes, hante désormais un parti devenu orphelin d’avenir. Ce qu’il fut, une machine de pouvoir populaire et redoutable, s’est mué en relique d’un populisme usé. L’Argentine tourne peut-être la page de ce cycle qui aura mêlé corruption, messianisme et ruine.

Reste à savoir si Milei saura, lui, écrire la suivante. Sa brutalité verbale, son goût du défi, son anti-politique de conviction ne suffiront pas toujours. Il devra nettoyer les écuries, se débarrasser des personnages sulfureux qui l’entourent, et inventer un projet qui dépasse le geste inaugural du « no hay plata ». La politique, comme la mer que j’entends encore ce matin au large du Guilvinec, ne se laisse pas dompter par les cris, mais par la patience et le cap.

Dans la nuit, entre deux bourrasques, je pensais à cette étrange symétrie des vents : celui du Nord, glacé et constant, et celui du Sud, chaud, violent, imprévisible. L’un pousse les marées, l’autre les peuples. Et ce matin, sur la carte du monde, l’Argentine semble avoir retrouvé un souffle, fragile encore, mais libre.

Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Victoire de Javier Milei lors des législatives de mi-mandat en Argentine. La remontada du Lion du Río de la Plata”

  1. petitjean dit :

    joliment écrit !
    le fond et la forme
    merci

  2. Eschyle 49 dit :

    Argentine : élections législatives du 26 octobre 2025 : Milei : 40,65 % ; opposition : 24,31 % : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_l%C3%A9gislatives_argentines_de_2025

  3. Pschitt dit :

    Je croyais, sur la foi d’un commentateur bien informé (https://www.breizh-info.com/2025/09/03/250658/les-deux-pires-semaines-de-javier-milei/) que c’était fichu pour Milei. On dirait finalement que l’ultra-libéralisme ne marche pas si mal.

  4. Balbino katz dit :

    Merci

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