Le vent se levait sur Lechiagat. Les premières lueurs de l’aube filtraient à travers les vitres embuées du bar des Brisants. J’avais passé la nuit à suivre les élections argentines. En commandant mon café, j’ouvris sur mon téléphone un article du blogueur britannique Richard North, intitulé Politics: White Sin. Et soudain, les rumeurs du Sud s’effacèrent devant la grande folie du Nord : celle d’un monde où l’homme blanc n’a plus le droit d’exister qu’en s’excusant d’être né.
North y raconte avec son ironie habituelle cette étrange affaire qui, dans un pays pourtant las de ses remords, a fait l’effet d’un blasphème. Une députée du parti Reform, Sarah Pochin, avait osé remarquer, chiffres à l’appui, que les publicités britanniques regorgeaient de visages noirs et asiatiques, bien au-delà de leur proportion réelle dans la population. Son crime ? Avoir dit ce que tout le monde voit sans oser le dire. Les spots télévisés où l’on ne croise plus qu’une humanité bigarrée, post-raciale, où l’homme blanc, père de famille, devient une curiosité d’un autre âge. Le plus frappant, écrit North, n’est pas le phénomène, mais le silence qui l’entoure : ni la presse, ni les milieux d’affaires, ni les annonceurs n’ont voulu toucher à ce sujet, tant la peur de passer pour “raciste” fige désormais toute parole.
Ce que North décrit pour l’Angleterre, nous le vivons ici avec la même servilité mimétique. Dans les publicités françaises aussi, l’on ne voit plus la France. Les visages de nos campagnes, les accents du terroir, les rides des anciens ont disparu sous les injonctions des agences de communication qui vivent au rythme des séminaires de “diversité inclusive” et des quotas officieux. On ne vend plus un savon ou une automobile, on vend une morale. Ce n’est plus du marketing, c’est du catéchisme. Les apôtres de ce nouveau culte ont remplacé la croix par le logo, et la rédemption par la «représentation».
Le plus consternant est la lâcheté des grands patrons d’industrie, ces messieurs poudrés du capitalisme mondialisé, qui se prosternent devant la sensibilité des minorités tout en piétinant la majorité silencieuse. Ils savent que cette religion du “woke” dessert leurs marques, qu’elle irrite les consommateurs, qu’elle mine la confiance du public. Mais ils persistent, prisonniers des agences de publicité et des consultants en vertu, incapables de briser le cercle de la peur morale. Ces gens qui se disent libres pensent désormais sous surveillance : celle de Twitter, des syndicats de la bien-pensance et des communicants des grandes écoles.
North cite aussi la revue The Spectator, qui ose poser la question taboue : « Est-ce la fin de la surreprésentation noire dans la publicité ? » L’article rappelait qu’en Grande-Bretagne, les Noirs représentent environ 4 % de la population, mais apparaissent dans plus de la moitié des publicités. Les plus de 70 ans, qui forment 15 % du pays, ne sont visibles que dans 2 % des spots. Les femmes enceintes et les handicapés n’y figurent guère davantage. Cette distorsion n’est pas accidentelle : elle traduit un projet d’ingénierie symbolique, une entreprise de rééducation visuelle où l’on efface le réel pour fabriquer un monde désirable, conforme au dogme.
La France n’est pas en reste. Les campagnes de la SNCF, de Renault ou de la Sécurité sociale ressemblent désormais à des catalogues de propagande où tout est métissé, souriant, urbain, docilement conforme au progressisme ambiant. Les vieillards, les paysans, les ouvriers, les familles blanches y sont bannis, comme jadis on rayait d’une photo les visages tombés en disgrâce. Cette manipulation douce produit une forme d’aliénation silencieuse : la majorité se voit privée de son reflet, remplacée par un peuple imaginaire. C’est le triomphe du «blanchiment par absence».
J’entends d’ici les objections : «ce ne sont que des publicités». Non, c’est bien davantage. La publicité, disait jadis Guy Debord, est la prière la plus sincère du monde marchand. Ce qu’elle montre, c’est ce qu’elle veut faire advenir. Elle prépare les esprits à consentir à leur effacement. Il y a là, sous une forme anodine, une entreprise d’auto-destruction culturelle. Ernst Jünger avait écrit que la modernité avancée se reconnaît à ce qu’elle célèbre ses propres fossoyeurs. Nous y sommes.
Quand j’ai quitté le bar des Brisants, le jour s’était levé tout à fait. Au large, les filets des chalutiers s’étiraient sur l’eau grise. L’Argentine reprenait espoir, la France s’enfonçait dans le songe moral de ses communicants. On pardonne aux publicitaires leurs mensonges, jamais leurs vérités.
Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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