Macbeth, nouveau chef d’œuvre des frères Brizzi (bande dessinée)

Macbeth, de William Shakespeare, dénonce l’ambition dévorante dans une Écosse médiévale déchirée par les guerres. L’adaptation des frères Brizzi est un chef d’œuvre de la bande dessinée.

Ecosse, en 1040. Macbeth et Banquo, généraux de l’armée de Duncan, roi d’Écosse, viennent de remporter une grande victoire. Sur le trajet de retour, par une nuit de tonnerre, trois sorcières maléfiques leur annoncent une prophétie mystérieuse : Macbeth deviendra Roi et Branquo aura des descendants qui le seront. Peu de temps après, Macbeth invite le roi Duncan et ses fils dans son château pour le remercier de l’avoir désigné seigneur de Cawdor. Mais Lady Macbeth est obsédée par la prophétie des trois sorcières. Poussé par l’ambition de sa machiavélique épouse, Macbeth assassine le roi pour accéder au trône. Rongé par les remords, Macbeth sombre dans la folie. Il devient un tyran sanguinaire. Mais les soupçons qui l’accusent du meurtre s’accumulent. Malcolm, l’héritier naturel du royaume, organise une armée pour le destituer. Lady Macbeth sombre dans la démence avant de se suicider. Les trois sorcières livrent une nouvelle prophétie : Macbeth sera destitué lorsque la forêt se mettra en mouvement ! Effectivement, déguisés derrière des arbres coupés, les soldats de Malcolm s’approchent du château de Macbeth…

Le célèbre dramaturge anglais William Shakespeare (1564-1616) écrit sa tragédie Macbeth en s’inspirant de la vie du roi d’Écosse Macbeth, qui régna de 1040 à 1057.

Ce chef d’œuvre avait déjà été adapté plusieurs fois en bande dessinée. Philippe Marcelé publie sa première version de Macbeth sur un scénario d’Anne Bellec, dès 1979. Puis, en 2004, Daniel Casanave, par un graphisme en noir et blanc particulièrement expressif, restitue l’esprit de ce drame même s’il réalise de nombreuses coupes dans le texte (Macbeth, Editions 6 pieds sous terre). En 2017, Marcelé redessine entièrement cette œuvre en réalisant également le scenario (Macbeth, Editions Mosquito). Puis, en 2019, c’était au tour du scénariste Thomas Day de retracer les grandes étapes de Macbeth. Son récit est fidèle au texte de Shakespeare, malgré les coupes importantes. Il offre à la fourbe Lady Macbeth un rôle bien plus important que dans la pièce d’origine. Le dessin sombre et majestueux de Guillaume Sorel a une force visuelle caractéristique (Macbeth roi d’Écosse, 2 tomes, Glénat).

La nouvelle adaptation des frères Brizzi est un chef d’œuvre. Gaëtan et Paul Brizzi, frères jumeaux nés en 1951, après avoir suivi des études à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, ont l’opportunité de devenir en 1976 pensionnaires à la villa Médicis à Rome, pendant deux ans. Ils commencent leur carrière dans l’animation. En 1977, ils remportent le César du meilleur court métrage d’animation pour Fracture. Une curiosité au milieu des années 1980 : ils dressent le storyboard du film Pirates de Roman Polanski. Puis ils réalisent Astérix et la surprise de César, et rejoignent même Disney pour La bande à Picsou, l’Oiseau de feu dans Fantasia 2000…

Mais en 2015, leur carrière prend une nouvelle direction. Ils sortent leur première bande dessinée, consacrée à Louis-Ferdinand Céline : La cavale du docteur Destouches, aux Editions Futuropolis. C’était courageux de leur part. Le somptueux crayonné expressif en noir et blanc des frères Brizzi se conjugue parfaitement avec le ton apocalyptique du récit. Puis les frères Brizzi adaptent un roman de Boris Vian (L’automne à Pékin) et les Contes Drolatiques de Balzac. Après leurs superbes adaptations de L’Enfer de Dante (chroniqué sur Breizh-info) et Don Quichotte de Cervantès, chefs-d’œuvre de la littérature européenne, ils s’attaquent à un autre classique : Le Fantôme de l’Opéra, célèbre roman de Gaston Leroux, paru en feuilletons en 1910. Ce romancier reste connu pour les enquêtes du journaliste Rouletabille (Le Mystère de la chambre jaune, Le Parfum de la dame en noir…).

Pour bâtir le scenario de cette nouvelle adaptation, Paul et Gaëtan Brizzi font ressortir les moments les plus forts de la tragédie. Dans la préface, ils annoncent que « c’est au Royaume-Uni que nous transportons nos lecteurs, dans le sillage de William Shakespeare et plus particulièrement en Écosse, terre de légendes fabuleuses et d’histoires farouches » comme « la présence inquiétante des sorcières et de leurs pratiques ésotériques, nées d’un obscurantisme redoutable ». L’attraction tient à l’art de Shakespeare d’explorer « les esprits tourmentés et les déchirures de l’âme ». Transposer Shakespeare en images revient pour eux à traduire cette intensité par le dessin et la lumière, là où « l’auteur, à travers sa prose oratoire, exprime les tourments intérieurs de ses héros ». Mais on peut regretter que le format d’un seul album ne permette pas de reprendre toute la richesse de cette pièce de théâtre.

Paul et Gaëtan Brizzi réalisent une somptueuse bande dessinée expressionniste, d’une grande finesse, au crayon à papier à graphite noir et au fusain. Mais les hallucinations et visions des Macbeth, lorsque ceux-ci sombrent dans la folie, sont traduites en bichromie rouge et noire. Les landes désolées, les salles pleines d’ombre du château, les scènes de combat créent une atmosphère morbide.

Comment se répartir le travail ? Paul, qui réside aux Etats-Unis, croque les personnages, en créant une expressivité exacerbée. Gaëtan, qui vit dans le Gard, s’occupe des décors. On admire sa maîtrise des ombres et de la lumière. Leur somptueux crayonné expressif en noir et blanc se conjugue parfaitement avec le ton sombre du récit. C’est magistral.

Gaëtan révèle que « comme la peinture, le cinéma est une source d’influence. Nous avons une formation de cinéastes mais nos maîtres nous font remonter carrément au cinéma muet : Murnau, l’expressionnisme allemand de Fritz Lang. Puis, plus tard, le film noir. Le dénominateur commun de ces films, c’est une lumière, la photographie, c’est le haut contraste, la dramatisation, la théâtralisation des choses. Mais la peinture et le dessin nous inspirent aussi. Notre maître, on le voit, on le reconnaît très nettement, surtout dans L’Enfer : c’est Gustave Doré. Lui, il a tout compris. Je ne vais pas critiquer Gustave, je l’adore… mais nous différons de Doré – sans lui arriver à la cheville – dans la manière de traiter ces personnages. Lui le fait d’une manière peut-être un peu trop passive quand nous – surtout Paul – tentons d’amener plus d’expressivité. Parfois, à la limite du cartoon, parce que nous sommes dans la caricature » (branchesculture.com, 10 déc. 2023).

Chaque planche est une œuvre d’art.

Kristol Séhec

Macbeth, 132 pages. 25 euros. Editions Daniel Maghen.

Illustrations : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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