Alors que le ministère de l’Intérieur publie son bilan annuel des douze derniers mois — juillet 2024 à juin 2025 — une tendance lourde s’impose : la criminalité progresse dans la plupart des domaines, tandis que la confiance envers l’institution judiciaire continue de s’effriter. L’étude d’opinion réalisée par Elabe pour BFM confirme ce climat d’inquiétude générale, où s’entremêlent ras-le-bol sécuritaire, critique de la justice et demande massive de fermeté.
Une criminalité en progression continue
Plus d’un indicateur sur deux est orienté à la hausse selon les données officielles. Certaines évolutions frappent par leur ampleur :
– +13 % de vols d’accessoires sur véhicules,
– +11 % de tentatives d’homicide,
– +10 % de violences sexuelles,
– +14 % pour le trafic de stupéfiants,
– +9 % pour leur consommation, un phénomène accentué durant la période des Jeux olympiques.
Ces chiffres aggravent un sentiment déjà profond : l’insécurité n’est plus perçue comme circonscrite à quelques quartiers, mais comme un malaise diffus qui gagne l’ensemble du territoire. Près de 87 % des Français estiment désormais que les trafics de drogue « existent partout ».
Un quart de la population (25 %) dit vivre près d’un lieu de deal — un chiffre qui grimpe à 33 % dans les grandes agglomérations, mais qui touche aussi le rural (14 %), signe que le poison se déploie largement hors des grandes métropoles.
Une justice jugée trop lente, trop douce, trop inefficace
Le sondage révèle une critique sévère du système judiciaire :
– 77 % des Français considèrent que les peines sont insuffisamment sévères ;
– 82 % jugent que les décisions sont rarement appliquées pleinement ;
– 90 % dénoncent la lenteur des procédures ;
– 67 % estiment les conditions de détention « trop souples ».
Ce verdict traverse l’ensemble des catégories sociales, mais les clivages politiques apparaissent nettement.
Chez les électeurs de droite, la sévérité insuffisante des peines est presque un consensus. À l’inverse, une partie de l’électorat de gauche relativise davantage ce diagnostic, notamment sur les conditions de détention.
Quant à l’autorité des magistrats, seuls 19 % estiment qu’elle est réellement respectée.
Pour les policiers, ce chiffre tombe à 10 %, révélateur d’une société où l’autorité peine désormais à s’imposer.
Forces de l’ordre : haut niveau de confiance, mais fractures générationnelles et partisanes
Si la justice inspire peu, les forces de sécurité bénéficient d’un capital de confiance bien plus solide :
– 85 % pour l’armée,
– 82 % pour la gendarmerie,
– 78 % pour la police.
Cependant, cette confiance est loin d’être uniforme. Les électeurs les plus marqués à gauche affichent des réserves importantes, tandis que les plus âgés soutiennent massivement les forces de l’ordre.
Chez les 18-24 ans, la confiance envers la police peine à atteindre 70 %, quand les plus de 65 ans dépassent les 90 %. Une fracture générationnelle qui confirme la perte de repères d’une partie de la jeunesse.
Un appel à la fermeté : le pays veut des actes
Face à la montée de la délinquance et au manque de crédibilité du système judiciaire, les Français réclament des mesures nettes.
Les chiffres du sondage sont sans ambiguïté :
– 90 % veulent renforcer la présence policière ;
– 89 % demandent plus d’effectifs ;
– 87 % souhaitent durcir le Code pénal ;
– 85 % soutiennent l’extension de la vidéosurveillance ;
– 82 % réclament davantage de places de prison ;
– 73 % sont favorables à l’armement des policiers municipaux.
Sur le plan éducatif et social, l’opinion se montre également exigeante :
– 93 % veulent renforcer l’instruction morale et civique ;
– 82 % approuvent la suspension des aides sociales pour les parents d’enfants multirécidivistes ;
– 81 % souhaitent intensifier les actions sociales dans les quartiers difficiles.
Certaines de ces mesures divisent fortement selon les familles politiques. LFI et EELV restent les plus réticents concernant l’armement des policiers municipaux ou la suspension des aides sociales, quand les électorats de droite et identitaires y sont massivement favorables.
Une inquiétude grandissante dans toutes les strates de la population
64 % des Français se disent préoccupés pour leur sécurité personnelle — un chiffre en hausse.
Les catégories les plus inquiètes sont :
– les 18-24 ans (72 %),
– les femmes (72 %),
– les habitants des zones rurales (71 %) et des petites agglomérations (69 %).
Une donnée révélatrice : les territoires censés être les plus calmes ne sont plus épargnés par le malaise sécuritaire. Le sentiment d’insécurité progresse partout.
Les priorités : agressions, drogues, violences sexuelles
Lorsqu’on demande aux Français où doivent porter les efforts, trois priorités dominent :
- Les agressions contre les personnes (60 %),
- Les trafics de drogue (56 %),
- Les violences sexuelles (47 %).
Les plus âgés placent massivement la lutte anti-stupéfiants en tête, reflet d’une réalité : les trafics s’installent, les règlements de comptes se multiplient, et les territoires semblent se fragmenter sous la pression des réseaux criminels.
Malgré la sévérité du constat, une large majorité des Français estime qu’il est encore possible d’agir efficacement contre les trafics de drogue. Une lucidité mêlée de volonté : le pays n’a pas renoncé, mais il attend que l’autorité revienne, réellement, dans les faits et non plus dans les discours.
Échantillon de 1.000 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession, région et catégorie d’agglomération. Interrogation par internet du 18 au 19 novembre 2025.