À l’heure où la France découvre tardivement la brutalité d’un narcotrafic structuré autour de la cocaïne latino-américaine, un documentaire en deux volets revient sur l’histoire longue d’un phénomène que les Pays-Bas et la Belgique ont affronté dix ans avant nous. Une fresque glaçante, qui éclaire la montée de ces organisations capables de défier l’État, d’assassiner avocats et journalistes, et de remodeler les équilibres criminels européens.
Aux origines : un petit royaume devenu géant du commerce… et laboratoire du trafic
Le premier volet remonte très loin, jusqu’au XVIᵉ siècle. Les réalisateurs Christophe Bouquet et Mathieu Verboud rappellent que les Pays-Bas ne doivent pas seulement leur puissance à la navigation et au commerce mondial : le pays a aussi bâti sa fortune sur l’opium colonial et sur une zone grise permanente entre légalité et illégalité.
Derrière les belles façades des canaux d’Amsterdam, ce passé a façonné un paysage économique où les flux licites et illicites se croisent depuis des siècles. Les fumeries d’opium d’époque, le haschich marocain arrivé dans les années 1970, puis l’industrie des drogues de synthèse ont préparé le terrain à une nouvelle forme de criminalité. Au début du XXIᵉ siècle, une jeunesse des quartiers populaires, plongée dans un capitalisme urbain dérégulé, s’intéresse à la drogue du moment : la cocaïne.
Ce changement va donner naissance à une nébuleuse criminelle que les médias ont baptisée « Mocro Maffia », un terme trompeur selon les auteurs : le phénomène est moins une mafia structurée qu’un écosystème éclaté, hyper-violent et incroyablement mobile.
Rotterdam, porte d’entrée de la cocaïne en Europe
Le deuxième volet s’attache à la riposte européenne. Après la chute des grands cartels colombiens dans les années 1990, les narcotrafiquants réorganisent leur chaîne logistique en direction de l’Europe. Le port de Rotterdam, premier hub d’importation du continent, devient le point d’entrée idéal des cargaisons latino-américaines.
Dans les années 2000, des gangs de rue néerlandais s’allient aux Colombiens. Ils profitent d’un territoire favorable et de réseaux plus anciens, notamment ceux issus du trafic de cannabis lié au Rif marocain. La demande explose, l’argent afflue, la violence bascule dans une nouvelle dimension : assassinats en pleine rue, armes de guerre, menaces directes contre les institutions, et attaques ciblées contre des serviteurs de l’État.
Le procès Marengo : quand les polices européennes infiltrent la pègre 2.0
Face à cette montée en puissance, les autorités néerlandaises et belges, rejointes par plusieurs services européens, déclenchent une offensive d’un genre nouveau. Les enquêteurs infiltrent des systèmes de communication cryptée, récoltant des millions de messages internes des trafiquants.
Entre 2019 et 2024 a lieu le spectaculaire procès Marengo, décrit comme l’un des plus grands coups de filet de l’histoire criminelle européenne. Au cœur du dispositif, figure un nom longtemps insoupçonné : Ridouan Taghi, cerveau discret du réseau, finalement arrêté à Dubaï. Des dizaines de trafiquants tombent, tandis que deux personnes liées au procès — un avocat et un journaliste — sont assassinées, signe que l’État affrontait une criminalité prête à tout.
Malgré l’ampleur de l’opération, les réseaux se reconstituent presque immédiatement. De nouveaux acteurs reprennent les circuits, ailleurs, autrement, avec d’autres méthodes. Les réalisateurs montrent que cette criminalité est devenue mondiale, déterritorialisée, fluide, portée par la logique du capitalisme global : des flux légaux et illégaux constamment entremêlés, une recherche de profit maximal et un refus absolu de toute régulation.
L’avertissement est clair : ce narcotrafic 2.0, qui a frappé les Pays-Bas et la Belgique avant la France, met directement à l’épreuve les démocraties occidentales. Il s’inscrit dans un climat où les États se retrouvent souvent débordés par des organisations criminelles capables de muter, de se disperser et de renaître à l’identique.
Narcotrafic, le poison de l’Europe s’impose comme un travail de fond. Pendant plus de dix ans, les réalisateurs ont interrogé policiers, magistrats, douaniers, chercheurs et journalistes. Tous dressent le même constat : l’Europe a laissé se développer, à sa porte, un phénomène criminel d’une ampleur historique. Et la France, confrontée aujourd’hui à l’explosion de la violence liée au trafic de cocaïne, arrive dans cette histoire avec une décennie de retard.
Ce reportage, dense et documenté, éclaire les racines de ce poison qui s’est désormais installé partout, des ports du Nord aux quartiers marseillais.
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