Pendant longtemps, le débat sur la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) aux États-Unis a été présenté comme une simple correction d’injustices passées, un rééquilibrage mesuré dans des milieux historiquement dominés par les hommes blancs. Mais une analyse attentive de ces quinze dernières années réalisée par Jacob Savage (The Lost Generation) révèle une réalité plus brutale : une génération entière, celle des hommes blancs nés dans les années 1980, a vu ses perspectives professionnelles se refermer méthodiquement, sans jamais être reconnue comme telle.
Ce scénariste installé à Los Angeles raconte comment une opportunité professionnelle lui a été refusée en 2016 pour éviter une équipe d’écriture composée uniquement d’hommes blancs. Il décrit une baisse marquée des recrutements d’hommes blancs de la génération Y dans les médias, l’université et Hollywood, liée aux politiques de diversité, équité et inclusion. Plusieurs témoignages évoquent un ralentissement de carrière systémique pour cette cohorte. L’auteur conclut sur son propre parcours interrompu et son désenchantement professionnel.
Cette dynamique ne concerne ni les baby-boomers ni, dans une large mesure, la génération X. Elle touche un groupe précis : les millennials masculins blancs, entrés sur le marché du travail au moment même où les politiques de diversité devenaient structurelles, normatives, puis impératives.
Le tournant des années 2014-2016
Le point de bascule est clairement identifiable. Jusqu’au début des années 2010, la promotion de la diversité restait largement incitative. À partir de 2014, elle devient institutionnelle, intégrée aux critères de recrutement, de promotion et d’attribution du prestige symbolique.
Dans les médias, le cinéma, l’université, la culture et même les professions dites “méritocratiques”, l’identité devient un critère déterminant, parfois explicitement assumé, parfois dissimulé derrière des formulations euphémisées. Il ne s’agit plus seulement d’élargir les opportunités, mais d’éviter à tout prix de recruter “encore un homme blanc”, surtout aux niveaux débutants et intermédiaires.
Les chiffres sont éloquents :
- Dans les rédactions américaines, les hommes blancs passent de près de la moitié des postes juniors au début des années 2010 à environ 12 % en 2024.
- À Hollywood, ils représentaient près de 60 % des scénaristes de télévision en 2011 ; ils tombent sous les 12 % quinze ans plus tard, concentrés presque exclusivement parmi les profils déjà établis.
- Dans l’enseignement supérieur, les postes “tenure-track” attribués à des hommes blancs américains s’effondrent, parfois sous les 10 %, alors même qu’ils restent fortement représentés parmi les candidats.
Une exclusion silencieuse, mais systémique
Le mécanisme est d’autant plus efficace qu’il est rarement formulé ouvertement. Officiellement, il n’existe pas de quotas. Dans les faits, les recrutements sont orientés par des impératifs identitaires, souvent assumés en interne : maintenir ou accroître certains pourcentages, éviter toute “régression” symbolique, réserver des postes à des profils jugés “sous-représentés”.
Résultat : lorsque les opportunités se raréfient — ce qui est le cas dans les médias, l’université ou la culture depuis une décennie — ce sont toujours les mêmes qui sont écartés en premier. Les hommes blancs nés après 1980 se retrouvent coincés entre deux mondes :
- trop jeunes pour avoir profité de l’ancien système,
- trop “visibles” pour être intégrés dans le nouveau.
Beaucoup racontent la même expérience : des candidatures innombrables, des entretiens interminables, des tests réussis, puis une éviction finale au profit de profils correspondant mieux aux priorités idéologiques du moment. Non pas par manque de compétence, mais parce que leur identité est devenue un handicap structurel.
Médias, universités, culture : même logique, mêmes effets
Dans les rédactions, la transformation est radicale. Après 2020, sous l’effet conjugué de Black Lives Matter et des “réévaluations” internes, les recrutements privilégient massivement les femmes et les personnes issues de minorités. Dans certaines grandes rédactions, jusqu’à 75 % des nouvelles recrues appartiennent à ces catégories.
À l’université, les procédures sont encore plus sophistiquées : lettres de motivation “DEI”, filtres administratifs en amont, commissions chargées de vérifier l’“alignement” idéologique des candidats. Les statistiques montrent un effondrement spectaculaire des recrutements d’hommes blancs américains, en particulier dans les sciences humaines.
À Hollywood enfin, la situation est presque caricaturale : les postes d’entrée (scénaristes juniors, assistants, programmes de formation) sont devenus de facto inaccessibles, tandis que les hommes blancs déjà installés continuent d’occuper les postes de pouvoir, créant une fracture générationnelle durable.
Une génération qui se retire
Face à cette réalité, beaucoup ont cessé de postuler. Dans le journalisme, dans l’université, dans la culture, les jeunes hommes blancs ont progressivement déserté les viviers de recrutement, convaincus que le système n’est plus fait pour eux. Cette auto-exclusion est aujourd’hui visible dans les chiffres : internats, bourses, résidences artistiques ou programmes de formation ne comptent parfois plus que quelques pourcents d’hommes blancs.
Loin de se réorienter massivement vers d’autres secteurs prestigieux, beaucoup se replient vers des espaces où les barrières institutionnelles sont faibles : entrepreneuriat indépendant, plateformes numériques, crypto, auto-édition. Non par choix idéologique, mais par nécessité.
Le paradoxe est là : alors même que les données sont abondantes, toute interrogation sur cette évolution reste taboue. La moindre remise en question est disqualifiée comme réactionnaire, plaintive ou mal intentionnée. La génération concernée a appris à se taire, par crainte de représailles professionnelles ou symboliques.
Pourtant, une question demeure : ces institutions — médias, universités, industries culturelles — sont-elles réellement devenues plus solides, plus crédibles, plus performantes depuis qu’elles ont sacrifié une partie de leur principe méritocratique sur l’autel de l’ingénierie identitaire ?
Rien n’est moins sûr. Car au-delà des individus, c’est la confiance dans le système lui-même qui s’est effondrée. Une génération à qui l’on avait promis l’égalité des chances a découvert, trop tard, que les règles avaient changé — et qu’elle n’était plus du bon côté.
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