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STX Saint-Nazaire. L’embellie qui cache les doutes

05/07/2016 – 8H30 Saint-Nazaire (Breizh-info.com) –L’actualité alterne le chaud et le froid sur les quais de Saint Nazaire. Ainsi, après les récentes et importantes commandes de navires neufs passées auprès des chantiers navals de la ville, une nouvelle mise en vente de STX France alimente à nouveau les rumeurs et les bruits de coursive vont bon train dans le port de Loire-Atlantique. Explications et analyse.

Tout allait bien jusque-là et la sérénité semblait avoir repris place dans la construction navale nazairienne puisque le carnet de commande de STX France s’est rempli en ces premiers mois de 2016. 14 paquebots en commande pour un montant global de 12 milliards d’euros et une visibilité garantie jusqu’en 2026. De quoi retrouver un calme durable après plusieurs couacs et des inquiétudes au cours des dernières années.

Mais STX France, loin d’être une structure indépendante, est soumise aux choix de différents actionnaires dont le majoritaire est le groupe sud-coréen STX Offshore & Shipbuilding qui détient 66,66% des parts depuis maintenant huit ans. Or, ce dernier est placé sous administration judiciaire depuis le 9 juin dernier. Le groupe dispose d’à peine deux mois désormais pour présenter un plan de sauvetage tangible début septembre. A défaut, ce sera la liquidation judiciaire.

Les problèmes de l’actionnaire principal de STX France ne datent pas d’hier. Les ennuis ont débuté suite à la crise financière de 2008 et la chute du fret maritime. Chute qui a eu pour conséquence première la baisse drastique des commandes de navires neufs dans les chantiers asiatiques. Face à des endettements importants, le groupe STX est passé depuis 2013 sous le contrôle de ses principales banques créancières, notamment la banque KDB, déjà engagée par ailleurs dans le renflouement de Daewoo, autre chantier naval coréen qui connait de sérieuses difficultés.

La conséquence directe de ces difficultés pour Saint-Nazaire est donc la mise en vente très probable du site breton avant la fin de l’été ou à l’issue de la procédure de liquidation judiciaire. En effet, STX France étant l’un des rares actifs du groupe dégageant des bénéfices, sa mise en vente semble inévitable pour tenter de renflouer les caisses du groupe sud-coréen. Mais les acquéreurs potentiels ne seront pas forcément bien intentionnés : un risque de « pillage technologique », le savoir-faire de Saint-Nazaire étant mondialement reconnu, n’est pas à exclure et entraînerait une délocalisation de la construction navale vers des chantiers asiatiques par exemple, les coûts de production y étant nettement inférieurs.

C‘est donc dans ce contexte que l’État français intervient. Ou plutôt souhaite intervenir. Détenteur de 33.34% des chantiers de Saint-Nazaire via une entité dénommée Agence des Participations de l’Etat (APE), l’Etat cherche à  rassurer les différents acteurs locaux. Lors du rachat en 2008 du site de Saint-Nazaire par STX au groupe Aker Yards, l’État français était entré au capital des chantiers bretons en se dotant d’une minorité de blocage et d’un droit de veto concernant les principales décisions. Ajouté à cela, il est bon de rappeler que STX France fait juridiquement partie des sociétés dites « stratégiques » et une cession à un acquéreur qui porterait préjudice aux intérêts français peut être empêchée par l’État. Cette volonté de contrôle a d’ailleurs été confirmée par l’intermédiaire du président de la région des Pays de la Loire, Bruno Retailleau, qui a récemment rappelé que « STX est un fleuron industriel et il n’est pas question de le laisser tomber entre de mauvaises mains. L’Etat a les moyens juridiques de s’opposer à une reprise indésirable ».

Cependant, le gouvernement et les pouvoirs publics français ne pourront rester dans une simple posture d’opposition bien longtemps et devront aussi faire des propositions d’offres pour contrer certains acquéreurs, au risque de vite tomber dans la surenchère et de jouer au-dessus des moyens du pays, Saint-Nazaire attirant probablement les plus gros portefeuilles du secteur naval. Et pour l’heure, la volonté d’intervention de l’État en reste au stade des paroles. Du côté des syndicats FO et CFDT des chantiers, la demande d’intervention du gouvernement se fait aussi pressante.

Ce sentiment d’ «urgence» est conforté par la liste des repreneurs potentiels qui s’allonge. Parmi les prétendants, nous retrouvons les Chinois qui, justement, seraient à même de rapatrier les savoir-faire techniques et technologiques nazairiens vers leurs chantiers nationaux  pour se lancer dans la course à la construction de paquebots, construction jusqu’alors mal maîtrisée par les Asiatiques. Du côté de Hong Kong, c’est Genting, déjà acquéreur de quatre chantiers allemands en deux ans et demandeur en compétences de pointe, qui pourrait lorgner sur STX France.

Mais les européens ne sont pas en reste et le groupe néerlandais Damen, détenteur de 32 chantiers navals de navires divers, a des vues sur le secteur très rentable des paquebots de croisière. Saint Nazaire pourrait ainsi répondre aux ambitions de Damen, qui détient par ailleurs des aires navales à Brest et à Dunkerque. C‘est d’ailleurs en collaboration avec l’ouest breton que le projet de Damen devient particulièrement cohérent puisque plusieurs cales sèches brestoises viendrait suppléer les espaces nazairiens qui risquent la saturation. La cohésion bretonne apparaîtrait également au niveau de la sous-traitance, les divers acteurs travaillant déjà ensemble sur les ports de Saint Nazaire, Lorient et Brest, via les chantiers Piriou ou le constructeur militaire DCNS.

Autre facteur pouvant sembler surprenant et qui ne facilite pas le travail de la puissance publique française : le manque d’intérêt des industriels du pays pour STX France. En dépit d’une diversification accrue de Saint-Nazaire vers les énergies marines ou la construction militaire, les grands noms nationaux de l’énergie ou encore DCNS justement ne se bousculent pas sur les rangs des acquéreurs. Malgré les liens étroits dans plusieurs domaines entre ce dernier et STX France, DCNS (dont 65% des parts sont détenues par l’État français) ne semble pas intéressé outre mesure par la navale civile.

Du côté de la région, les Pays de la Loire via leur conseil régional ont adopté le 24 juin dernier un vœu précisant que l’entité  « se tient prête à participer au futur tour de table financier et donc à entrer au capital si la situation l’exigeait », vœu soutenu par la totalité des élus régionaux. Et Bruno Retailleau de préciser au sujet d’une possible prise de participation : « les modalités et les montants de cette contribution seront naturellement fixés une fois que les besoins financiers seront précisément déterminés, que les conditions d’un vrai projet industriel de reprise seront réunies mais également que la position de l’Etat sera arrêtée puisqu’il dispose d’un droit de véto sur l’entrée de nouveaux repreneurs ». 

« Nous pouvons déplorer qu’une coopération entre les conseils régionaux des Pays de la Loire et de la Bretagne administrative n’ait pas lieu sur le sujet » nous confie un élu du Morbihan. « Et il serait absurde de ne pas souligner que les expertises brestoises ou lorientaises ne seraient pas moins utiles au dossier que les vœux d’élus sarthois ou mayennais, aussi bien intentionnés soient-ils, sur des enjeux et des questions qui sont, il est bon de le rappeler, avant tout maritimes. Après avoir connu trois actionnaires principaux en dix ans, la collaboration de l’ensemble des acteurs de la façade maritime bretonne n’aurait pas été de trop pour tenter de maintenir durablement le beau temps dans les radoubs nazairiens.»

Crédit photos : DR
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