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Il escroquait les petites vieilles : 6 ans dont 5 ferme

23/07/2014 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Voilà une affaire peu courante qui illustre bien l’enracinement de certains individus dans le crime, l’impuissance de la société à les en tirer et la solitude des victimes. M. V se tasse dans le box. Né en 1956 à la Rochelle, il a l’air éprouvé par la vie. Entre mai et fin novembre 2013 il a escroqué 24 personnes âgées entre Nantes et la Roche sur Yon, leur soutirant entre 500 et 2 700 euros chacune.

L’histoire est à peu près toujours la même, comme l’explique la déposition de l’une des victimes, M. H, né en 1923 : “l’individu sonne à ma porte, il dit qu’il est le fils d’un voisin, explique qu’il s’est fait casser sa voiture et voler tout l’argent et ses papiers. Il demande de l’argent pour faire les réparations et promet de rembourser le soir même“. La suite varie : soit les victimes donnent de l’ordre de 2000 euros en liquide à l’escroc, soit elles lui donnent leur carte bancaire et le code. 

Le mode opératoire est fixé, quasi immuable. Comme le dit la magistrate, “il y a des constantes qui reviennent sans cesse“. Ancien poissonnier, V. plonge dans le crime en 1997. Depuis, neuf affaires émaillent son casier, toutes pour vol et/ou escroquerie, souvent sur personnes vulnérables : 18 mois avec sursis en 1998 à Caen, 3 ans dont 1 avec sursis à Paris en 1999 (dont il fera 6 mois), 6 mois ferme pour deux affaires en 2000 et 2001, 4 ans ferme en 2006, 6 mois ferme en 2009 alors qu’il était à peine sorti, 4 ans encore à Paris en 2010. Il sort de Fleury en décembre 2013, fait un CDD de 4 mois comme poissonnier dans un supermarché en Gironde, puis replonge dans l’escroquerie.

A la barre, il parle. Beaucoup. Explique ses tuyaux comme s’il faisait ses courses. Mais reste silencieux sur la façon dont il baratinait ses infortunées victimes. Selon le fils de l’une d’elles, il n’a pas hésité à secouer comme un prunier sa mère octogénaire. Mais en l’absence de certificat médical… L’audience est presque le manuel du parfait escroc : “avant de sonner, je regarde toujours les noms sur les interphones“, détaille celui qui frappe toujours en ville et “plutôt dans des immeubles cossus“. Il gare sa voiture un peu plus loin, dans une autre rue. C’est d’ailleurs par son Opel Corsa grise qu’il a été filé et logé par les policiers. “Puis je regarde sur les boîtes à lettres l’étage où vit celui pour le parent de qui je me fais passer“, relate-t-il, tout en refusant de convenir qu’il le fait surtout pour repérer les noms des personnes âgées de l’immeuble. Et ce même si toutes ses victimes connues ont entre 65 et 96 ans. 

Une fois qu’il a la carte, il la regarde “le plafond de retrait à la Banque Postale est de 450 euros par semaine; si c’est écrit Visa, c’est de l’ordre de 1500“. Ce sont effectivement les seuils par défaut. Chacun peut demander à son banquier de les changer mais la plupart de ses victimes – dont certaines ne sortent plus de chez elles – ne le savaient évidemment pas. Presque arrogant, le détenu prétend “je pensais que ces personnes m’avançaient de l’argent pour me rendre service“. Le juge rétorque “dites donc, il y a un sacré nombre de personnes qui veulent vous rendre service, ça marche bien tout de même !“. L’accusé répond : “oui, ça fonctionne“. Tout est dit.

Et pour justifier ses actes, il explique être accro au jeu. Grattage, PMU, Casino, une addiction qui lui coûterait entre 600 et 2 000 euros par mois; tout en lui rapportant parfois gros. Et beaucoup d’adrénaline. A l’appui de ses dires, pas un ticket dans le dossier, rien, nada, walou. Seule une expertise psychologique établie sur la foi de l’escroc relate “une auto-érotisation du jeu qui donne le sentiment que le prévenu joue pour jouir“. Et note au passage que le prévenu est très isolé : ses quatre soeurs ont rompu avec lui; sa mère, Vendéenne,  85 ans, a l’âge de ses victimes. Le prévenu se verse des cendres sur la tête – en paroles bien sûr – et implore une injonction de soins.

Pas dupe, le procureur réclame de la sévérité : 6 ans de prison ferme. “On s’apitoie sur ce prévenu qui au bout de son 10e séjour en prison réclame des soins. C’est un escroc, on peut le définir comme ça. Je l’écoute avec intérêt, mais comme on écouterait un artiste.” Pour le procureur, le train de vie suffit à justifier les forfaits : “il va au restau, dort à l’hôtel, se paie des vacances. Faut de l’argent pour ça. Pas besoin de brandir le prétexte du jeu“. 

De quoi faire bondir l’avocate du prévenu, maître Bignan, qui dénonce une peine “extrêmement lourde” pour ce “bel escroc” (sic!) “comme on n’en voit plus que dans les films” (re-sic !). Elle en profite aussitôt pour ferrailler sur la vulnérabilité de certaines victimes et se fait d’ailleurs sèchement renvoyer dans ses cordes par le procureur, qui cite l’arrêt de la Chambre criminelle du 14 novembre 2013. La vulnérabilité s’apprécie par l’âge et l’isolement de la victime, pas par son état psychique – et c’est une circonstance aggravante si elle est retenue. Pour l’amour de l’art, elle réclame 3 ans ferme, 2 avec sursis et une injonction de soin.

Le délibéré n’en finit pas. Mais une fois n’est pas coutume, le procureur sera entendu. Le prévenu est condamné finalement à cinq ans ferme, un avec sursis et maintenu en détention. Les personnes âgées et leurs proches pourront dormir tranquilles : “tant qu’il sera en prison, il n’escroquera pas“, avait estimé en son temps le procureur de Paris. C’était lors de sa précédente condamnation en 2010…

Photo : DR
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