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Avenir de la filière pêche : l’heure des choix

13/05/2016 – 06H00 France (Breizh-info.com) – Le secteur de la pêche doit actuellement jouer sur deux tableaux : satisfaire une consommation de poisson toujours plus importante tout en respectant ses engagements environnementaux et le concept de « pêche durable » en vigueur depuis plusieurs années au niveau européen.

En effet, après un développement extrêmement fort à partir de la fin de la seconde guerre mondiale et un contexte économique euphorique, les années 1970 voient apparaître les premières mesures de contrôle des volumes de pêche, prises par plusieurs pays de l’Union européenne. L’objectif était déjà à l’époque la durabilité de la filière pêche. Cette réglementation du secteur ne concernait pas uniquement son aspect environnemental mais aussi les approches économique et sociale.

C’est dans cet état d’esprit que se tenait les 3 et 4 mai derniers à l’Institut océanographique et à la Maison de la Chimie à Paris une conférence organisée par France Filière Pêche et ayant pour thème «Le monde de la pêche face à de nouveaux défis : environnementaux, sociaux et économiques ». On retrouvait notamment parmi les participants des professionnels du secteur, des chercheurs mais également des parlementaires et des conseillers ministériels. L’objectif est d’obtenir une équation plus ou moins parfaite entre pêche durable et développement économique du secteur.

Auteur renommé dans le domaine de la pêche mais aussi scientifique et professeur canadien, Ray Hilborn a prouvé qu’il existait une corrélation entre une gestion réglementée des quotas de pêche et des stocks de poissons stables pour le moins, voire parfois en augmentation et ce, depuis le début des années 2000 dans les eaux de l’Union européenne. Mais cette relation apparaît comme fragile, notamment pour la sénatrice de Vendée Annick Billon, par ailleurs présidente du groupe d’études « Mer et Littoral », qui précise qu’ « il s’agit d’une équation difficile entre la préservation des ressources et le développement d’activités économiques ».

Au-delà des différentes approches du concept de « pêche durable », c’est bien sur l’implication des professionnels du secteur et particulièrement des pêcheurs que se trouvait le consensus entre les participants. Ainsi, une gestion rigoureuse des pêcheries est la meilleure garantie pour permettre le maintien de l’économie halieutique dans l’avenir selon Annick Le Loch, députée socialiste de la 7ème circonscription du Finistère.

Car c‘est bien d’avenir dont il question, dans une France qui a traditionnellement tourné le dos à la mer et à ses métiers, trop souvent méconnus voire décriés. Le président du Cluster maritime français (regroupant plus de 300 entreprises et fédérations professionnelles du monde maritime) Frédéric Moncany de Saint-Aignan a rappelé la quatrième place de la France au sein de l’UE en nombre de navires avec 7 000 unités et 21 000 emplois indirects. Une flotte qui pèserait ainsi 9 milliards d’euros. Et d’affirmer ensuite qu’il s’agit de « tout un écosystème qui va de la conception des bateaux, l’ingénierie, en passant par la construction navale, la pêche et la poissonnerie. La pêche, ce n’est pas que les pêcheurs. Un emploi en mer, ce sont trois emplois sur terre ».

Malgré tout, le métier peine à recruter des élèves dans les 15 lycées maritimes situés tout au long du littoral français. La Bretagne reste d’ailleurs fidèle à sa tradition maritime avec ses 5 établissements (Saint Malo, Paimpol, Le Guilvinec, Etel et Nantes) mais la jeunesse bretonne ne s’y bouscule pas. Sans compter les nombreux cas de jeunes fraîchement diplômés qui débarquent définitivement et changent de voie après quelques semaines de mer.

Autre enjeu important des années à venir : la hausse de la consommation moyenne de poissons sur la planète. Alors que les 3 milliards d’habitants consommaient annuellement 10 kg de poisson en 1960, les 6 milliards et quelques des années 2010 en consomment désormais 20 kg. Une augmentation exponentielle de la demande pour une offre naturelle qui, elle, n’a pas changé. Ajouté à cela les enjeux financiers et l’appétence qui en découle chez les professionnels, l’encadrement strict et la législation de l’activité halieutique apparaissaient comme une urgence. Ray Hilborn a rappelé pour sa part que « sans la pêche, nous aurions 18 millions de tonnes de produits alimentaires en moins ».

Cependant, la mise en place des différentes mesures pour assurer la pérennité du secteur de la pêche ne permet pas de faire oublier une concurrence mondiale de plus en plus importante et compétitive. Il est bon de rappeler, comme l’a fait la députée Le Loch, que la France importe 75% de la quantité de poissons consommés sur son territoire mais aussi que la filière pêche va devoir se montrer innovante et se doter des moyens suffisants pour affronter cette concurrence. Mais, comme l’a noté très justement la sénatrice de Vendée, la pêche française est face à un réel paradoxe, puisque « les Français aiment la mer, mais s’intéressent peu à son économie, et nous n’avons pas de ministère de la mer ».

L’Union européenne sera-t-elle quant à elle d’une aide précieuse pour les professionnels du secteur ? La Commission, dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche,  avait annoncé il y a un peu plus d’un mois qu’un investissement de 7,5 millions d’euros serait réalisé dans l’innovation, la technologie, et l’emploi de « l’économie bleue ». Nous avions déjà évoqué plus généralement le programme du FEAMP ici .

Enfin, la question du développement de la pisciculture en mer pour pallier une pêche traditionnelle insuffisante en termes de quantité devra être posée, avec, pour des raisons différentes, d’autres risques environnementaux indéniables.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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Une réponse à “Avenir de la filière pêche : l’heure des choix”

  1. An dit :

    La sénatrice fait bien de relever que la France n’a même pas un ministère de la Mer. Elle oublie, pour donner du poids à cet argument, que cet État a pourtant le 1er ou 2e territoire maritime au monde.
    Voilà la République française. Ça ne date pas d’hier ce rejet de la mer. Déjà à l’époque des grands navigateurs, la France avait accumulé un retard considérable, obsédée par son nombril et ses conflits internes et contre ses voisins.
    Aujourd’hui, une personnalité politique relève activement cette incongruité dangereuse : Mélenchon, un pied-noir marocain. Même une natio petite-fille de patron pêcheur n’en pipe mot. Pour dire à quel point le logiciel français est en décalage avec la réalité.

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