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[Insolite] Quand les zadistes font du profit, les esprits s’échauffent

09/09/2017 – 08h00 Notre-Dames-des-Landes (Breizh-Info.com) – Les zadistes sont tous unis et refusent d’être divisés entre « paysans », « militants », « politiques », « soutiens », « habitants » historiques de Notre-Dame-des-Landes des Landes, etc. Cela, du moins, c’est le discours officiel. Mais quand il s’agit de partager l’oseille, c’est autre chose. Illustration avec la sortie du jeu de plateau de la ZAD.

Annoncé par une souscription en 2013, le jeu de plateau de Notre-Dame-des-Landes est enfin sorti. Il s’agit évidemment de sauver la ZAD, en mettant en place une confrontation pour s’opposer au pouvoir (en l’occurrence, à Valls), et aux forces de l’ordre pour empêcher que les bulldozers ne ratiboisent la ZAD. Les ressorts du jeu sont forcément très politisés et mettent en évidence les combats de la gauche alternative, notamment contre l’ordre et le capitalisme de connivence.

Le jeu peut être téléchargé et imprimé directement depuis le site du jeu – ou même carrément sur Dropbox. Néanmoins la ZAD conseille, dans une liste de diffusion à destination de soutiens de la lutte, de l’acheter, puisque « L’intégralité des bénefices iront dans les caisses de la ZAD ». Comme d’habitude, le prix est « libre », mais pas tout à fait : « Pour information, le prix de production est autour de 12€50 ».

Au-secours : l’ultra-gauche devient rentable !

Surtout, un petit passage de la circulaire intrigue : « On vous conseille de passer directement par l’adresse mail plus bas et/ou la zad, et pas par la boutique militante en ligne de X. Renou. Celui ci participait au projet au départ mais en a été exclu car il souhaitait conserver pour son entreprise la plus grande part des bénéfices. On ne sait toujours pas s’il reversera une partie des bénefs des jeux qu’il vend en ligne. Méfiance, donc, et ça vous fera une excuse pour passer sur la zad ! »

Ledit X. Renou n’est autre que Xavier Renou. Né en 1973, diplômé de Sciences Po Paris (SP 94), il a été chargé de campagne à Paris, et a participé à divers réseaux militants dont Sortir du Nucléaire. Il est l’auteur de La privatisation de la violence (Agone, 2006), de Désobéir : le petit manuel (Le passager clandestin, 2012). Depuis 2009, la même édition accueille sa collection Désobéir : des petits livres pour désobéir à n’importe quoi, des grands projets inutiles à l’école, la guerre, le service public, la voiture… et même par le rire ou avec les sans-papier. On trouve aussi dans sa boutique militante, à côté de keffiehs et de T-shirts aux slogans très classiques pour l’ultra-gauche, le fameux jeu Zone à Défendre… à 29 euros. Une belle marge.

Dans sa boutique, on trouve aussi les magnets d’inspiration gauchiste, anar ou vegan, anti-consommation, désobéissant ou pro-Palestine. Pour 1,80 ou 2 euros, on s’invente un passé militant – bien pratique pour briller dans un dîner ou parader dans les premiers rangs de la manif (ne pas oublier sa cagoule). Pour un T-shirt, ce sera entre 21 euros (I’m a refugee) et 30 euros (Revolution), mais le Tibet libre est en solde (12 euros), la cause ne semble plus d’actualité. Et ainsi de suite avec les pin’s, les produits alimentaires (Palestine, Burkina Faso, bio, commerce équitable etc.) qui laissent clairement voir que la cible de la boutique militante, ce ne sont pas les militants eux-même, ni les précaires, jeunes etc. mais les bobos.

Un vibrion mis à l’index par ses ex-camarades

En 2009, le Monde peinait à recenser l’ensemble de ses actions : contre les jeux à Pékin, la pollution automobile – lors de la venue de Sarkozy au Salon de l’Auto, contre la pub avec le collectif Jeudi Noir, contre le nucléaire… « Les moyens traditionnels s’épuisent. Pour redonner du plaisir à la politique, il faut théâtraliser les luttes et pousser à leur convergence »,affirmait alors ce fils unique d’une famille socialiste de la région de Caen. Parce que le FN lui fait « très peur », il milite un peu partout : à l’UNEF d’abord, puis « le PCF de loin, puis le trotskisme par les livres au lycée, l’anarchisme un peu, jusqu’à se retrouver dans un groupe libertaire antifasciste, Scalp-Reflex ». Ce qui ne l’empêche pas d’étudier à Assas, bastion du GUD par le passé, puis part en coopération en Afrique du Sud puis en Algérie pour suivre ses idées tiers-mondistes.

En 2005, il revient comme chargé de campagne contre le nucléaire militaire pour Greenpeace. Mais ne fait pas souche. Bruno Rebelle, ancien président de Greenpeace, l’allume dans le Monde : « C’est son irresponsabilité que nous avons sanctionnée. Renou est un charlot qui s’active beaucoup et ne produit pas grand-chose ». Depuis, Renou a créé son propre réseau, les Désobéissants, et vivait en 2009 aux crochets de sa compagne : « Il a lâché tout travail salarié. “J’ai pas envie de retourner au chagrin”, dit-il. Le chagrin, c’est sa compagne qui s’en charge. Elle pourvoit aux besoins, lui se contente de quelques indemnités chômage ».

Yannick Jadot, ex-de Greenpeace et ex-candidat EELV raté à la présidentielle, n’est pas bon camarade non plus à son sujet : « Il récupère ce que font les autres et on a toujours l’impression qu’il est au centre ». Pas plus que le militant alter-mondialiste Nicolas Haeringer : « Il roule tout seul comme un mercenaire de la désobéissance civile sans tenir compte des décisions collectives prises par les organisateurs ». Pendant ce temps, Renou a fortifié son réseau – 4000 contacts d’après lui en 2009, 9000 en 2012 – grâce aux stages de désobéissance civile qu’il réalise un peu partout, notamment auprès de SUD-Solidaires, Amnesty International, RESF ou la Confédération Paysanne, ses livres… et donc sa boutique.

Un pro de la contestation marketing dans la ligne de mire des antifas et libertaires

Renou a surtout réussi à se faire de solides ennemis au sein des antifas et libertaires. Ils dénoncent le mercantilisme, et lui transforme leurs idées en argent sonnant et trébuchant. Ils dénoncent le système médiatique, et lui passe à la télé ou à la radio. Ils fonctionnent selon des grilles de pensée qui tournent en rond et ne sont pas souples, et lui affirme qu’il s’agit de « pensée magique » et écrit « la pensée magique n’est d’ailleurs pas une véritable pensée, puisqu’elle ferme le champ de la réflexion aux innovations, aux remises en question, aux doutes ».

En plus, il dénonce la violence politique. Dans Télérama, par exemple : « Le recours à la violence participe à la construction de l’identité virile, le mythe du révolutionnaire qui sent la poudre, on a l’impression de faire la révolution, mais on “fait” surtout “de la construction de soi” ». Et d’enfoncer le clou : « On allait sur les marchés pour dire à la population de ne pas voter FN, mais avec nos docks, c’est nous qui faisions peur aux gens alors que les gens du FN, eux, avaient déjà compris qu’il fallait s’habiller normalement, pour ne pas faire peur. La violence ne sert à rien ».

Ils n’étaient pas faits pour s’entendre

Anars et antifas désignent comme ennemis tous ceux qui ne pensent pas et ne fonctionnent pas comme eux. Renou, lui,  « évoque la nécessité d’une pensée stratégique. Les objectifs doivent être clairs, précis et atteignables. Ensuite un adversaire doit être clairement désigné […] Le soutien du plus grand nombre de personne apparaît comme un élément décisif dans la construction d’un rapport de force », analyse l’Alternative libertaire Montpellier (9/2012).

Pourtant pour ceux-ci, les Désobeissants suivent les structures du capitalisme en s’appuyant sur les médias et en exigeant des objectifs et de l’efficacité : « les désobéissants incarnent les nouveaux militants, mais aussi leurs limites. Ce nouveau militantisme s’attache à la contestation markettée. Il tente d’interpeller les autorités à travers les médias sans construire un véritable rapport de force. Il semble se conformer aux évolutions du capitalisme. Le bureaucrate est remplacé par le manager. Plus libertaire, il insiste sur l’autonomie et la responsabilité individuelle. Mais il impose les normes du capital avec l’efficacité, la rentabilité, la performance ». Le système de valeurs binaires de l’ultra-gauche les désigne donc clairement comme des social-traîtres, et donc des ennemis.

Et l’AL Montpellier d’enfoncer le clou : « Pour les nouveaux militants, toute analyse politique devient « ringarde » et « prise de tête ». L’action devient une fin en soi. L’activisme occulte toute forme de réflexion ou de stratégie sur le long terme. Les désobéissants naviguent aux grès des luttes à la mode. Sans s’implanter durablement, sans construire un véritable rapport de force. Le règne du zapping, de l’urgence et de l’immédiateté colonise également la sphère militante. Il devient possible de passer d’une action à l’autre, d’une lutte à une autre, sans le moindre lien entre les différentes initiatives. Les militants se conforment à la logique du capital. La rentabilité immédiate ».

Au cas où on n’aurait pas compris, les antifas se sont invités dans la valse des règlements de compte militants en allumant, en 2016, tous les « errements » de Nuit Debout, dont ceux de Lordon, Ruffin, Julien Bayou ou Renou. Ce dernier est en effet un camarade de lutte de Frédéric Lordon et de François Ruffin, créateur du journal Fakir (copieusement allumé par les antifas aussi qui le traitent de… « productiviste, nationaliste et étatiste » ainsi que « sexiste » !), du film Merci Patron et qui a été élu député de la Somme avec le soutien des Insoumis – il siège avec eux – et du PCF – il leur reverse son indemnité parlementaire.

L’hérétique désigné, Xavier Renou, est habillé pour l’hiver : « Véritable entrepreneur du spectacle militant, Xavier Renou, le chef des Désobéissants (traduction française du mouvement italien inspiré par Negri), compte tellement de casseroles à son actif qu’il était parvenu dans les années 2000 à lasser jusqu’à Greenpeace et José Bové, mais à séduire le très subversif Wall Street Journal ».

Les antifas ont une autre bonne raison de lui en vouloir : en 2012, il a confisqué le mouvement Copwatch, lancé par des antifas d’Ile de France à son profit médiatique. Dans Télérama – la presse bourgeoise par excellence pour l’ultra-gauche – il expliquait que l’objectif était de filmer les forces de l’ordre en cas de heurts, alors qu’il était venu avec une dizaine de ses désobéissants, à une manifestation anti-aéroport.

Au passage, Xavier Renou avouait qu’il jouait avec les peurs pour faire avancer ses combats : « Notre stratégie, c’est la pédagogie par électro-chocs. Pour cela, on utilise souvent le théâtre invisible. On joue avec la peur sans créer la panique. On a simulé un accident nucléaire, un faux barrage routier avec de faux uniformes où nous annoncions une fuite. Un deuxième barrage informait les gens que ce n’était pas vrai. Mais entre les deux barrages, les gens réfléchissaient ».

Que lui reprochent les antifas ? « Il suffit pour s’en rendre compte de visiter les sites de la Boutique militante. Au catalogue de la première, de quoi ravir la complosphère : vente de produits Europalestine, nombreux livres du catalogue des éditions Demi-Lune (dont Webster Tarpley, Peter dale Scott; Christophe Oberlin), le célèbre film Loose Change, le fameux Israël, parlons-en de Michel Collon, les DVD fiévreux d’Inform’Action, mais aussi d’authentiques théoriciens d’extrême droite : David Cronin, Gilles Lartigot et le « marxiste » proche de la Nouvelle Droite Denis Collin. Au catalogue également, de quoi ravir la sphère écolo-mystique : Vandana Shiva, Marie-Monique Robin, Pièces et Main d’Oeuvre… sans oublier un catalogue très complet de livres édités à la Fabrique, par Les Mutins de Pangée, Fakir ou Acrimed ou un livre d’André-Jacques Holbecq préfacé par Etienne Chouard, et même un livre de l’historien stalinien Domenico Losurdo, le tout noyé sous un fatras de références altermondialistes ». Ils ont oublié au passage une autre référence assez polémique au sein de l’ultra-gauche : Houria Boutedja.

Sa web-télé l’AlterJT ne trouve pas non plus grâce aux yeux des censeurs : « Couverture des événements BDS organisés par Europalestine, promotion du Mouvement du 14-Juillet, émission complotiste sur les réseaux pédocriminels, interviews des chouardeux des Profs ignorants, de l’ex-militant de ReOpen911 Vincent Liegey devenu un leader du mouvement décroissantiste ».

Et enfin on en arrive à la question principale : le pèze, le blé, l’oseille. Parce que les antifas ont beau être anti-capitalistes, l’argent, c’est quand même le nerf de la guerre : « Outre sa propension à s’auto-proclamer porte-parole ou médiateur auprès des médias et des flics quand personne ne l’a mandaté pour, on peut aussi s’interroger sur l’usage faits des bénéfices de la Boutique militante, qui sont censés être reversés à diverses organisations ».

La FAQ n’est pas très nette, mais « La page « A propos » du site est plus claire :« En achetant ces articles, vous contribuez au fonctionnement de différents projets (alterJT) et collectifs (les désobéissants, Roundup non merci, Non au missile 51, etc.) », soit uniquement des projets gérés par ou liés à… Xavier Renou, pour certains complètement endormis sinon morts (Non au Missile M51) quand ils ne sont pas largement virtuels (Collectif Round Up Non Merci) ».

Le soutien à la Palestine ou la présence de livres de personnalités contestées au sein de l’ultra-gauche (Chouard, Cronin, Collin, Lartigot, Boutedja) ne sont que des prétextes. Tout comme la dénonciation de son activisme politique, de son refus des « orgas » collectivistes ou de ses soutiens politiques proches des Insoumis ou de Nuit Debout. Les antifas reprochent à Renou ce dont ils n’ont jamais été capables : rendre leurs combats rentables, faire du fric en vendant leurs idées aux bobos.

Il reste à savoir pourquoi, malgré tout ça, les zadistes se sont associés avec Renou.

Louis Moulin

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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