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Après le raté d’Autolib à Paris, qu’en est-il de l’autopartage à Nantes ?

Lancé en 2011 par le maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë, le service de partage de voitures électriques Autolib (groupe Bolloré) s’arrête brutalement avec un trou de 300 millions d’euros. Selon le contrat initial, Bolloré ne pouvait supporter que 60 millions d’euros de pertes. Le trou se creusant, il a adressé la facture au syndicat réunissant Paris et les communes environnantes ; ce dernier a refusé de payer et le conflit pourrait se régler devant les tribunaux. À Nantes, il y a aussi un service d’auto-partage, qu’en est-il après le fiasco d’Autolib ?

Autolib couvrait 102 communes avec 3907 véhicules électriques, 1100 stations et 150.000 abonnés, en régression constante. A Nantes, il existe Marguerite (Nantes autopartage) qui a été lancé en 2008 par Nantes Métropole et le groupe Europcar (Sepamat). Privé et sans subventions, il ne bénéficie que de places de parking gratuites et de l’accès aux zones piétonnes pour ses usagers. Et fonctionne, même s’il reste très modeste et qu’il a mis longtemps à décoller : 2000 utilisateurs en juin 2018 avec 55 véhicules et 47 stations toutes sur Nantes. A comparer aux 300.000 habitants de Nantes…

Le réseau en a eu une sur Rezé (Trentemoult) qui a fermé faute d’utilisateurs en 2015. L’objectif des 1500 abonnés n’a été atteint qu’en 2017 avec cinq ans de retard. En mars 2017, alors qu’étaient introduits la facturation à la minute (et non plus à l’heure) et le forfait 8 h (29€) pour les abonnés, le service comptait 1400 abonnés, 54 véhicules et 44 stations.

En 2016, il y avait 36 stations, 43 véhicules et 950 abonnés ; Sepamat prenait la décision de diviser par deux les frais d’inscription (50 au lieu de 100 € et de les ramener même à 40€ pour les étudiants et les abonnés Libertan. La facturation était alors de 5€ par heure et 50 centimes du kilomètre pour les abonnés, 10€ de l’heure et 50 centimes du kilomètre sans engagement. En 2014, le service ne comptait que 35 véhicules, 28 stations et 800 abonnés.

L’absence de subventions et le souci de fiabilité ont pousser Sepamat à refuser le tout-électrique. Les véhicules qui roulent sont des Megane, Clio ou Twingo. Tony Lesaffre s’en explique en 2014 : « Ceux qui s’abonnent à Marguerite (ils sont plus de 800 actuellement), le font très souvent parce qu’ils ont décidé d’abandonner leur propre voiture. 70 % de nos clients nous annoncent avoir revendu au moins leur deuxième auto. Cet usager nous fait confiance. La Marguerite peu polluante que nous lui confions doit être parfaitement fiable. Il doit n’avoir aucune mauvaise surprise. À notre sens, le tout électrique ne répond pas à ce cahier des charges ».

L’avenir de l’auto-partage : sans subvention, coopératif ou mondialisé ?

Quant aux villes où le système d’auto-partage s’appuie sur le tout-électrique, Paris, Bordeaux et la Rochelle «  À Nantes, l’auto-partage ne coûte rien à la collectivité, c’est-à-dire aux contribuables. Cela n’est pas le cas dans ces trois villes, où le service est largement subventionné. On atteint même des sommets à Paris. Les pouvoirs publics, la Région, l’Europe même, y ont considérablement aidé Autolib ». Ce qui ne l’a pas empêché de s’effondrer, dans un nouvel échec cinglant du capitalisme de connivence.

À Lyon cependant, le service d’autopartage Bluely assuré par Bolloré fonctionne. Sans subvention et libre de fermer les stations non rentables – qui étaient 200 selon Bolloré à Paris et son agglomération – il a aussi des stations mieux réparties. Résultat, les abonnements sont moitié moins chers qu’à Paris (48€ par an et 6.30€ la demi-heure contre 120 et 6.90€ à Paris). Mais trop souvent, les systèmes s’appuient encore sur la subvention, comme le lancement fin 2017 de l’autopartage à Épernay (51), trois voitures et un utilitaire pour 86.000 € de coût dont 80% attribués par une subvention de l’État.

Pourtant, hormis Bolloré qui développe son modèle hors de France – ce qui pérennise l’usine d’Ergué-Gaberic même si la filiale électrique Blue Solutions avait des résultats en baisse en 2017 (-26% pour le chiffre d’affaires en un an, -39% pour la vente de batteries, 19 millions de résultat négatif), – d’autres acteurs se développent.

Ainsi de Citiz, douze réseaux actifs dans 90 villes, 1100 voitures, 30.000 abonnés. S’appuyant sur l’économie sociale et solidaire, Citiz se voit comme une « coopérative de coopératives » et parmi ses réseaux, on compte une régie, une société publique locale (SPL), une société d’économie mixte… le modèle s’appuie donc aussi sur les subventions, – 8000 € à Strasbourg, 150.000 à Toulouse de 2014 à 2017 (61 véhicules et 2000 abonnés), etc. Citiz envisage un modèle alternatif pour les communes de plus de 1000 habitants – l’auto-partage était jusque là cantonné aux grandes et moyennes villes.

Nombre de constructeurs se sont aussi lancés dans l’auto-partage (Renault, Mini, Opel, PSA, BMW, Volkswagen…) depuis les années 2012-2013. A l’échelle européenne, plusieurs services existent aussi pour organiser l’auto-partage entre particuliers. Et en Chine, il existe une grande alliance internationale, DiDi alliance, qui regroupe le groupe VTC Didi Chuxing et les constructeurs Volkswagen, Toyota et Renault-Nissan, sans oublier une co-entreprise entre le chinois Dongfeng Motors et le coréen Kia Motors avec comme objectif de développer une flotte de 10 millions de voitures électriques en autopartage d’ici 2028. Le tout pour un futur marché mondialisé de la « non-propriété automobile » qui reste encore à inventer.

Fiasco d’Autolib à Paris : trois questions à Serge Federbusch

Fondateur de Delanopolis – le site d’information parisien qui dénonce depuis des années toutes les coûteuses bêtises des municipalités Delanoë et Hidalgo, Serge Federbusch est diplômé de l’IEP de Paris, maître en droit public, titulaire d’un DEA d’histoire. Libéral, engagé en 2014 sur la liste Paris Libéré de Charles Beigbeder (dissidents UMP, 4.85% sur son nom dans le 10e dont il fut conseiller municipal de 2008 à 2014), entend faire basculer Paris à droite en 2020 sans le concours de la République En Marche.

Breizh Info : comment expliquez vous le fiasco d’Autolib à Paris ?

Serge Federbusch : C’était un test grandeur nature de Bolloré, avec les batteries au lithium, qui a été financé d’abord par des subventions européennes, puis par les contribuables parisiens. Il a fait signer à la Ville de Paris un contrat qui le garantissait contre les pertes, la ville n’avait pas la maîtrise des enjeux mais l’a signé quand même, uniquement préoccupée par la com’. Maintenant ça lui explose à la figure.

Breizh Info : cet échec était-il prévisible ?

Serge Federbusch : La ville s’est faite arnaquer mais était complice, elle savait bien que rien n’était solide. Les prévisions de trafic étaient démentielles et irréalistes, il y avait des problèmes techniques. L’échec, je l’avais prédit dès 2012 dans un article pour Atlantico, et sur Delanopolis évidemment. La concurrence des VTC n’a rien arrangé – bref, le marché a été encore une fois plus intelligent que le politique, plus proche de la demande réelle que le politicien, bloqué par la reproduction des schémas et le conformisme de la bureaucratie.

Breizh Info : Encore un échec donc pour la socialiste Anne Hidalgo. Peut-elle commencer à s’inquiéter pour 2020 ?

Serge Federbusch : Je vais la battre, je serai maire de Paris en 2020. Vous pouvez le dire à vos lecteurs, vous parlez au futur maire de Paris.

Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : wikipedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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