Pascal Ferron, associé Walter France (réseau de cabinets d’expertise comptable) nous adresse une tribune sur la réussite d’entreprise, notamment la réussite de reprise d’entreprise. Nous la reproduisons ci-dessous.
La reprise d’entreprise est une formidable aventure, où rien n’est écrit d’avance. Pour réussir, il faut avant tout avoir envie. Mais aussi être un battant, ne rien lâcher, garder le moral en toutes occasions.
Le chiffre du marché de la reprise d’entreprises de type PME/PMI n’est pas celui qu’on annonce généralement dans les médias. Il est communément affirmé qu’il y aurait entre 700 et 800 000 entreprises à reprendre en France sur les dix ans à venir, parmi les plus de 4 millions d’entreprises existantes, si l’on extrapole les départs à la retraite prévisibles en fonction de l’âge des dirigeants. Mais si l’on soustrait les entreprises qui se vendent à l’intérieur du cercle familial, les « grosses » PME qui sont reprises par des groupes, les auto-entrepreneurs (1,3 million), le million d’entreprises sans personnel ainsi que les très nombreux artisans et les commerçants, dont la problématique est assez différente… et tous ceux qui ne sont pas vendeurs, ce sont dans les faits entre 1000 et 3000 PME qui sont reprises chaque année par des personnes physiques qui veulent changer d’environnement et devenir entrepreneurs après un autre parcours.
Et la concurrence est dure. Pour un dossier en vitrine, c’est-à-dire une entreprise qui s’affiche ouvertement comme étant à vendre, ce sont 10 à 15 postulants qui espèrent signer. En revanche il y a aussi, côté repreneurs, un certain nombre de « touristes »; tant mieux pour les repreneurs sérieux qui ont un vrai projet.
Repreneur et chef d’entreprise : deux nouveaux métiers
Se lancer dans la reprise d’entreprise est un métier à part entière. Le processus est long, en moyenne au minimum entre un an et demi et deux ans, parfois plus; on connaît la date de début, jamais la date de fin. Il faut avoir du temps devant soi, et les réserves financières qui vont avec pour ne pas entamer le montant dédié à l’apport personnel que tout le monde considérera déjà comme trop faible. S’il ne vous reste que deux mois d’indemnité chômage, recherchez vite un emploi !
Le parcours n’est pas fléché. Il est difficile de savoir où s’adresser, par quoi commencer. Le premier réflexe est de s’adresser aux intermédiaires. Leur première question concernera votre apport. Entraînez-vous à ne pas le dévoiler si vous voulez éviter que des portes se ferment immédiatement. Pour Pascal Ferron, si vous voulez multiplier vos chances de trouver une entreprise à reprendre, intéressez-vous au marché caché. Comment ? En parlant de votre projet à tout le monde, même aux personnes qui, selon vous, ne peuvent rien vous apporter a priori. On a vu un repreneur se voir proposer une entreprise… chez son coiffeur ! Quand on sait le provoquer, le hasard fait parfois bien les choses. N’hésitez pas à approcher directement des chefs d’entreprise, cela vous évitera d’être en concurrence.
Votre engagement personnel sera très important. Financièrement bien sûr, mais surtout humainement. Vous aurez des périodes de découragement, un dossier prêt à aboutir qui tombe à l’eau, vos proches qui doutent de vous. Savoir rebondir et retrouver son optimisme fera la différence.
Reprendre une entreprise est plus contraignant que se marier : c’est pour la vie, l’amour en moins et on ne peut pas divorcer ! Mieux vaut ne pas se tromper. Une fois que vous aurez signé, impossible de revenir en arrière.
Ensuite, lorsque vous serez à la tête de votre entreprise, il vous faudra apprendre le métier de dirigeant. Si vous étiez cadre dans un grand groupe, oubliez les organigrammes compliqués et bienvenue dans le monde du râteau biscornu. Dans la PME, vous serez au quotidien sur le terrain et peu en réflexion stratégique. Vous devrez appréhender les risques rapidement et les réévaluer en permanence, et les effets de vos prises de décision seront immédiats.
Pourtant à la clé, la joie d’avoir réussi. Selon Pascal Ferron : « La plupart de mes clients repreneurs, quelques mois après avoir repris, me confient : « Si j’avais su, je l’aurais fait plus tôt ».
Avoir envie, convaincre et identifier sa valeur ajoutée
Ce sont trois clés de la réussite d’une reprise d’entreprise. Le plus important : avoir envie, foncer, ne pas se laisser décourager par les déceptions ni les Cassandre et autres oiseaux de mauvais augure. Avoir la foi, « y croire », être soi-même convaincu que le succès est au bout du chemin. Se lancer dans la reprise d’entreprise par défaut est souvent voué à l’échec.
Convaincre. Un repreneur d’entreprise passe son temps à convaincre. Convaincre les intermédiaires de présenter son dossier, convaincre sa famille d’accepter quelques sacrifices passagers, d’envisager un éventuel déménagement. Enfin, et surtout, convaincre le cédant de l’entreprise de ses rêves que c’est à lui qu’il doit transmettre… avant de convaincre les banquiers.
Identifier sa valeur ajoutée. Un repreneur qui rachète une entreprise doit rembourser l’emprunt. Il est donc condamné à faire mieux que le cédant. Pour cela il doit faire différemment, en ayant préalablement identifié ce en quoi il est bon et les domaines où il doit savoir s’entourer.
Oublier les dogmes
En matière de reprise d’entreprise, il n’y a pas de dogmes. Par exemple, « il faut un tiers d’apport financier ». C’est faux et ne tient pas d’un point de vue scientifique, mais cela rassure et permet de rentrer dans des cases prédéfinies. A vous de faire en sorte que la manière dont vous présentez votre dossier incite le banquier à se dégager de sa check-list.
« Il faut commencer petit et se faire la main ». Pas forcément, cela dépend. Si vous n’êtes pas un commercial hors pair, mieux vaut racheter une entreprise avec une force de vente existante. Autre exemple : si vous rachetez un salon de coiffure, il faut être coiffeur, si vous en rachetez trente, il faut être manager. Ce n’est pas le même métier même si c’est la même activité.
« Il faut reprendre dans un secteur d’activité qu’on connaît bien ». Pas nécessairement, il faut surtout en profiter pour faire ce qu’on aime, dans un secteur où vos qualités personnelles (bon commercial, ou bon manager, ou bon technicien…) seront des atouts. Lâchez-vous et faites-vous plaisir avant tout !
« Vous êtes trop jeune, ou trop vieux »: il n’y a pas d’âge. Il faut juste être en forme ! Mais effectivement, si on attend trop, on finit par ne rien faire.
« Vous venez d’un grand groupe, vous ne connaissez rien à la PME ». Même si ce n’est pas totalement faux, un repreneur digne de ce nom saura vite s’adapter, comprendra rapidement le marché et prendra du plaisir à pouvoir prendre rapidement les décisions et décider des actions à mener, sans attendre un lourd processus de validation.
Les bonnes pratiques pour réussir
- C’est vous, c’est votre projet et celui de personne d’autre. Sachez vous entourer, mais c’est à vous de trancher et sachez prendre des décisions.
- Sollicitez plusieurs canaux de financement. Les banques classiques, mais aussi les fonds d’investissement y compris de petits fonds régionaux, les réseaux qui peuvent accorder des prêts d’honneur, la love money, le crédit vendeur. De l’argent, il y en a, beaucoup plus que de beaux projets à financer.
- Formez-vous. Même si on pense savoir beaucoup de choses, la reprise d’entreprise, ça s’apprend. Il existe plusieurs organismes spécialisés. Et cela vous permettra de nouer des relations avec d’autres repreneurs comme vous.
- Rédigez votre fiche de cadrage. Il s’agit d’une fiche synthétique qui présente vos atouts et votre projet. Valorisez vos spécificités. C’est votre « flyer » publicitaire !
- Faites-vous aider. Vos conseils sont des techniciens, mais ce sont aussi des coachs, des sparring partners. Ils vous aideront à trouver le bon argument, à rebondir dans une négociation…
- Restez motivé quoi qu’il arrive.
Si vous êtes convaincu que la reprise d’entreprise est faite pour vous, que vous avez mûrement réfléchi à vos points forts, que vous avez un vrai projet de développement pour l’entreprise repérée, que votre force de conviction est inébranlable (tout en restant modeste…), vous trouverez toujours le financement. Et vous deviendrez un chef d’entreprise épanoui, voire vous prendrez goût à la reprise d’entreprise et ne vous contenterez pas d’une seule !
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