Rien ne nous sera épargné. Les larmes, comme à Reims (en 1914), comme à Strasbourg auparavant (en 1870), comme à Nantes (juin 1944 et janvier 1972), comme à Chartres (en 1836)… Mais cette fois, nous voilà touchés au cœur, au chœur. Et ça me rappelle ce qu’il advint de la vieille église des Ponts-de-Cé, l’église de la paroisse Saint-Aubin, qui datait du temps de Foulques Nera (ce qui ne nous rajeunit pas). Un jour de 1973, les « monuments historiques » entreprirent de « soigner » la charpente. Ils envoyèrent sous les ardoises une équipe de manœuvriers qui répandirent une solution très inflammable sur les solives et les chevrons (c’était l’époque) pour en chasser les vilains vers « mangeurs de bois ». Le feu fut instantané, sitôt retirée la prise d’une prolonge d’artillerie électrique. Il y avait eu une étincelle… Et tout disparut dans les flammes et la fumée.
15 avril 2019. L’émission C dans l’air venait de se terminer sur la 5. Sautant les questions toujours niaises des auditeurs, je passai (vieille habitude de 18 h 48) sur la 4 où se donne « l’Info du vrai », d’Yves Calvi – très bonne d’ordinaire mais qui cette fois me lassa car il était question de ce qu’allait dire le petit roi… Puis je sautai sur BFM avant de… Je n’en crus pas mes yeux ? Le feu grignotait le toit de Notre-Dame… Il avançait en se régalant. Il y avait les flammes dans la flèche en plomb et sapin de Viollet-le-Duc. Ça n’allait pas durer. Faites quelque chose ! Le feu (on ne l’entendait pas) grondait d’évidence comme dans une cheminée d’usine. Et je me dis qu’on n’allait quand même pas nous montrer la catastroff attendue. Une demi-heure plus tard, CNews, BFM, LCI la passaient et repassaient… Tout le monde avait eu le temps de réaliser. La flèche avait basculé, trouant la voûte.
Les larmes me sont monter aux yeux. Je chialais en silence, vu que plus personne ne m’accompagne dans ma vieillesse, sauf aux heures ouvrables. Et comment oublier ce qu’on raconte de Hitler, posant fébrilement la question à von Choltitz : « Brennt Paris ? » (« Paris brûle-t-il ? ») – ce pourquoi il l’avait envoyé au Gross Paris (le « Grand Paris »… tiens tiens…). Le Paris de 1944 ressemblait-il, vu des drones, à Dresde ou bien Köln, ou encore à Berlin… tss. J’allais, à l’époque sur mes dix ans. Personne n’est en droit de me dire que c’est le plus bel âge de la vie.
La charpente de vieux chênes (qui avaient eu le temps de sécher, vu qu’ils avaient déjà vécu trois siècles avant de finir en poutres) « faisait » l’admiration de mon grand-père, lui-même charpentier depuis des générations. Il était lui-même petit-fils d’un reconstructeur de moulins, en Vendée, sa patrie, ayant aussi tâter de la construction navale du côté des Sables. Ça se passait au temps où dans ce pays tout était à « reconstruire »… avant, il y avait eu les colonnes à Turreau. Dans la famille on est très « bâtisseurs », comme le réclame maintenant le petit roi. Mon grand-père était charpentier pareil à saint Joseph, mais comme il n’avait plus guère de charpentes à monter, il était aussi charron. Alors là, c’était un artiste… taillant à la main et au tour à bois les moyeux, la jante en 16 pièces et les rayons.
Bien sûr que Notre-Dame va être reconstruite. Les milliards nécessaires vont être rassemblés. Les riches, toujours en « premiers de cordée », montrant l’exemple – ce qui est leur rôle. Et, pour un don minuscule, les gueux et manants dont je suis, sans porter le moindre gilet sinon celui de velours acheté chez Hollington… Comme me dit mon ami Jean Heurtin : « J’aurais préféré que le feu détruise le Sacré-Coeur de Montmartre, cet hideux fromage ! » Ça me console…
MORASSE
Crédit photo : LeLaisserPasserA38/Wikimedia (cc)
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