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Lecture. Oswald Mosley, du fascisme au nationalisme européen

Les éditions Ars Magna viennent d’éditer une anthologie des écrits d’Oswald Mosley, intitulée Du fascisme au nationalisme européen.

Oswald Mosley (1896-1980) devint la figure centrale du fascisme britannique après avoir été successivement député conservateur puis travailliste et membre du gouvernement de Ramsay MacDonald. Fondateur, en 1932, de la Bristish Union of Fascists, il en fut aussi le doctrinaire, la dotant d’un véritable projet pour un Royaume-Uni impérial et conquérant. Emprisonné durant la Deuxième Guerre mondiale, il reprit ensuite le combat et fut alors un des théoriciens du nationalisme européen.

Cette anthologie reprend des textes d’Oswald Mosley publiés durant une période de plus de quarante ans. Elle montre ainsi tant l’évolution de sa pensée que l’existence en son sein de thèmes persistants.

Il s’agit d’un témoignage historique de premier ordre – mais parfaitement méconnu en France – sur une période qui fascine toujours autant en Europe notamment.

Du fascisme au nationalisme européen – Oswald Mosley – Ars Magna – 36 €

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Voici ci-dessous la préface du livre, ainsi que le sommaire :

Oswald Mosley, la préface

Oswald Mosley (1896-1980), figure centrale du fascisme britannique, n’est pas aussi connu que les autres acteurs européens de cette doctrine, ayant tâché de l’acclimater au tempérament politique de leurs pays respectifs. Mosley ne semble ainsi pas bénéficier de la célébrité d’un Degrelle en Belgique ou d’un Doriot en France. Cela n’est pas forcément juste historiquement, car la pensée de Mosley paraît politiquement beaucoup plus construite. Elle est un véritable projet pour un Royaume-Uni impérial et conquérant : la « Plus Grande-Bretagne » (Greater Britain) dont sa British Union of Fascists, qu’il fonde en 1932, se veut le porte-étendard.

Cet ouvrage revient dans le détail sur la nature du programme politique et social théorisé par Mosley dans le cadre de la BUF. Très au-delà des clichés sur l’antisémitisme, le racisme et l’antiparlementarisme habituellement accolés à l’extrême droite européenne de l’entre-deux guerres, la BUF de Mosley développe une vision complète et argumentée d’un contre-projet de société — ou d’un projet de contre-société — opposé à celui dominant des Conservatives et du Labour, la droite conservatrice et la gauche travailliste qui charpentent la vie politique du Royaume-Uni, et auxquelles il appartient d’ailleurs successivement, entre 1918 et 1931.

L’on peut résumer cette pensée originale de Mosley (largement présentée dans le livre) en deux points saillants, par lesquels la BUF et ses hommes, les Blackshirts (chemises noires) se distinguent fortement du reste des fascismes, dans le même temps qu’elle est intrinsèquement fasciste pour le reste : dans sa volonté d’un État total, forge d’un homme nouveau, son projet impérial et expansionniste, l’exaltation des corporations et son souci de l’action comme but, notamment. Ces deux points de divergence avec la matrice des fascismes semblent avant tout son rapport au parlementarisme et son projet économique.

Ainsi, Mosley oppose initialement un parlementarisme rationalisé et modernisé aux tentations fascistes habituelles de dictature d’un seul, et de cessation de la démocratie, politique comme syndicale. Il n’en reste pas moins favorable à une monarchie dictatoriale, l’associant comme guide de la nation à la Couronne, au sujet de laquelle il rappelle son « respect ». Ainsi, le fascisme de la BUF n’est ni républicain, ni complètement révolutionnaire, puisque respectueux de la monarchie. Tous les fascismes britanniques, au reste, le seront, de l’Imperial Fascist League aux British Fascists.

Mais ce maintien d’un parlement minimal, loin d’une volonté de dictature du parti unique, s’appuie ceci étant sur une réforme de fond en comble du système bicaméral britannique. Puisant dans une pensée corporatiste, Mosley et les siens y ajoutent un élément non strictement fasciste, mais que l’on retrouvera à l’envi, dès l’entre-deux guerres, notamment chez les planistes français, et plus encore sous l’autorité de Vichy, à partir de 1940 : la volonté d’une approche technicienne de la politique. Mosley déclare ainsi vouloir « un parlement technique et non politique ». Dans son programme, la BUF prône l’idée de ministres et parlementaires techniciens, et vise en particulier la Chambre des lords, son aristocratie « d’automates héréditaires » qu’il juge surannée et impotente. « Le fascisme remplacerait l’actuelle Chambre des lords par une seconde chambre de spécialistes. », souhaite-t-il ainsi, pour éviter la possibilité d’une chambre composée « de vendeurs de sucre ». On est assez loin de l’approche idéologue de la politique parfois concédée aux mouvements fascistes, et plus encore au national-socialisme allemand, qui ont tendance à réprouver la technicisation du politique.

Sur le plan économique, Mosley s’écarte de l’anticapitalisme et de l’antilibéralisme habituellement associés au fascisme authentique — celui de l’Italie mussolinienne — mais selon, finalement, une certaine logique, compte tenu du fort attachement des Britanniques à la propriété privée et au libre-échange. Son capitalisme reste bien sûr modéré. La BUF le conçoit avant tout selon une acception populaire et entrepreneuriale, loin des excès de la finance, que le parti associe au monde juif. De même, le capitalisme « national » selon la BUF, s’inscrit dans une volonté d’autarcie économique, normale en régime fasciste. Dans le cas britannique, le premier empire colonial de la planète, et ses vastes possessions (Inde, Afrique) aussi bien que des États-clients (Égypte, Soudan) viendraient logiquement nourrir cette dynamique d’autarcie : véritablement, une « autarcie des grands espaces », selon la formule consacrée.

Mais Mosley est aussi beaucoup plus classiquement fasciste, en ce qu’il veut la création de l’« homme nouveau », principe prométhéen partagé d’ailleurs par le national-socialisme et le communisme stalinien. Comme corollaire à la mise en place de l’homme nouveau, Mosley ne fait pas mystère de son souhait que soit créée « une nouvelle civilisation », la civilisation fasciste qui, sensément, engloberait les anciennes civilisations italienne, britannique, et d’autres, dans la même inclination impériale.

L’homme nouveau mosleyien, s’il aura un nouveau droit de vote de représentation, devra s’extirper du système politique à l’ancienne. Pour justifier son analyse sur le caractère dépassé de la politique britannique, Mosley effectue un comparatif entre l’évolution exponentielle des sciences et la stagnation du système parlementaire. « Notre système politique date essentiellement de 1832. », rappelle-t-il, indiquant que le XIXsiècle « a vu l’intervention et le développement du télégraphe, du téléphone et de la radio. ». C’est ce hiatus entre réalités socio-économiques mouvantes du XXsiècle et système politique figé du XIXsiècle que Mosley veut résoudre.

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Sur la classe politique britannique et l’alternance relative Labour-Conservatives, Mosley adopte rapidement un jugement définitif. Pour lui, les partis du système politique ne sont que l’«Old Gang », la « vieille équipe ». D’autres pourront dire après lui, dans d’autres pays, « la bande des Quatre » ou « le Système », notions qui affirment toutes l’érosion du clivage entre droite et gauche et lui préfèrent la double séparation politique et d’attitude suivante : nationaux/mondialistes, radicaux/modérés.

S’exprimant sur la nature du fascisme, Mosley assume les origines de gauche de cette doctrine, à partir du socialisme. « Dans tous les pays, le fascisme a été dirigé par des hommes qui venaient de la gauche. », constate-t-il, ce que prouve le premier concerné : Benito Mussolini (1883-1945), ancien meneur de la fraction maximaliste au sein des socialistes italiens. Encore le fascisme, selon Mosley, est-il toutefois plus une fusion qu’une dérivation, associant ceux qui sont à ses yeux les meilleurs éléments de la gauche et de la droite, combinant « les éléments conservateurs et patriotiques de la Nation avec des ex-socialistes, des ex-communistes et des révolutionnaires ». En cela, il affirme un fascisme idéal, loin d’être un « serviteur de la réaction ». C’est, avant tout, la « gauche du travail » liée à la « droite des valeurs ».

Comme Mussolini le théorisera, Mosley voit dans le fascisme non une doctrine figée, mais une pensée en perpétuelle conception. « L’essence du fascisme est le pouvoir d’adaptation aux faits nouveaux. » selon lui. En cela, il ne peut être qu’une pensée agile, en continuelle écriture, comme voudra l’expliquer paradoxalement le livre en figeant quelque peu l’essence, la Doctrine du fascisme, en 1932, signée par le Duce par nécessité de propagande, mais probablement écrite par le philosophe Giovanni Gentile (1875-1944), philosophe néo-hégélien.

On le sait, Mosley et ses Blackshirts n’ont pas le temps ni l’occasion d’appliquer les mesures théorisées dans le manifeste de la BUF. Malgré quelques succès d’estimes et un appui discret par le patronat anticommuniste, le fascisme ne prend en effet pas vraiment au Royaume-Uni, même s’il ne manque pas de persévérer. Dès avant la guerre, et l’internement préventif de Mosley comme de ses partisans, le mouvement des Chemises noires subit un premier coup sur la nuque qui le laisse hagard : après la bataille de Cable Street, en 1936, il ne pourra plus prétendre à d’importantes victoires électorales et d’opinion.

Ce moment-charnière de l’histoire du parcours politique de Mosley s’inscrit très au-delà de la simple histoire interne de la BUF. In fine, l’épisode de Cable Street — rue du quartier ouvrier et immigré de l’East End londonien — fait partie intégrante de l’histoire contemporaine britannique. Au Royaume-Uni, le récit national ne manque pas en effet de magnifier cet épisode opposant trois mille Blackshirts de Mosley, protégés par la police, à vingt mille antifascistes et dockers irlandais, plaque commémorative rouge officielle à l’appui : « Le peuple de l’Est de Londres a rallié Cable Street le 4 octobre 1936 et forcé à faire reculer la marche d’Oswald Mosley et de ses Blackshirts dans les rues de l’East End. Ils ne passeront pas. »

L’une des conséquences pratiques du recul dans la rue des Blackshirts est que le gouvernement durcit sa répression des mouvements fascistes. Ainsi, est adopté le Public Order Act (Loi sur l’ordre public), entraînant l’interdiction du port d’uniformes politiques en public.

La guerre, en 1939, et surtout le ministère churchillien, se chargent du reste. Mosley, interné avec ses principaux lieutenants, n’est politiquement plus audible. La BUF s’éteint. Elle renaîtra bien sûr, sous d’autres formes, après la libération de son chef en 1943.

Mosley embrasse alors plus distinctement le combat pour « l’Europe nouvelle » pris à bras-le-corps par les collaborateurs durant la guerre, au rang desquels, donc, trois années de prison et la résistance du Royaume-Uni face à l’Axe l’auront empêchées de figurer. Ce livre y revient dans le détail, à travers, notamment, l’histoire de la formation politique portant cette idée novatrice d’un nationalisme paneuropéen, à partir de 1948 : l’Union Movement.

Maurice Courant

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Sommaire

Préface

Discours de démission du Parti travailliste, extraits, 1930.

Mosley Manifesto (Le manifeste de Mosley), extraits, 1930.

The Philosophy of Fascism (La philosophie du fascisme), 1933.

The Greater Britain (La plus grande Grande-Bretagne), extraits,1934.

Fascism: 100 Questions Asked and Answered (Le fascisme : réponses à 100 questions), 1936.

The 10 Points of Fascism (Les dix points du fascisme), 1936.

Toward a Fascist Europe (Vers une Europe fasciste), 1936.

Tomorrow we Live (Demain nous vivrons), extraits, 1938.

The British Peace (La paix britannique), extraits,1939.

The Alternative (L’Alternative), extraits, 1947.

The Government’s Machine (La machine du gouvernement), 1955.

Europe : Faith and Plan (L’Europe : foi et plan), extraits, 1958.

The Last War (La dernière guerre), entretien, 1961.

Attack and Counterattack (Attaque et contre-attaque), entretien, 1965.

Hitler and Mussolini (Hitler et Mussolini), entretien, 1965.

About Races, Jews and Other Things (Au sujet des races, des juifs et d’autres sujets), entretien, 1967.

My Life (Ma vie), extraits, 1968.

Interview with Firing Line (Entretien avec Firing Line), 1972.

About Antisemitism (Sur l’antisémitisme), sd.

The Right of Ireland to Unite (Le droit de l’Irlande à s’unir), sd.

A Policy for Europe (Une politique pour l’Europe), sd.

Annexe : Oswald Mosley et la conférence de Venise (1-4 mars 1962)

Crédit photos : DR
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