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Féminicide : les Européennes représenteraient environ 1 % des victimes

Née d’une émotion sincère, la mobilisation anti-féminicide actuelle est basée sur des statistiques partielles, purement franco-françaises ou à la rigueur européo-européennes. Deux rapports des Nations unies donnent un angle de vue plus large.

Si on additionne les chiffres fournis par pays par Eurostat (organisme officiel de l’Union européenne), 27 pays du continent ont totalisé 770 féminicides en 2017. Une agence de l’ONU donne le chiffre de 66 000 féminicides par an sur la planète en 2012. Donc autour de 99 % des féminicides ont lieu ailleurs qu’en Europe.

Le rapport de l’OMS de 2012 sur le féminicide : une fenêtre ouverte sur la condition des femmes extra-européennes

Ce rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé liste les types de féminicides dans le monde, selon les circonstances qui les accompagnent. Outre le féminicide intime (qui a lieu à l’intérieur d’un couple), il décrit 3 autres circonstances meurtrières :

  • « Les crimes liés à “l’honneur” impliquent une fille ou une femme qui est assassinée par un membre masculin ou féminin de sa famille parce qu’elle a ou est censée avoir commis une transgression sexuelle ou comportementale, notamment un adultère, des relations sexuelles ou une grossesse hors mariage – ou même parce qu’elle a été violée […] On estime à 5 000 le nombre de meurtres commis au nom de “l’honneur” chaque année dans le monde, mais il est probablement sous-estimé. Ces crimes ont lieu principalement dans certaines régions du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, mais aussi parmi certaines communautés de migrants, par exemple en Australie, en Europe, et en Amérique du Nord. D’après les études, les crimes “d’honneur” sont commis à l’aide d’armes à feu, de haches et d’outils tranchants ; par étranglement, coups de couteau, ou brûlures ; et en forçant une femme à prendre du poison, ou en la jetant par la fenêtre.[…] Les meurtres de femmes pour “sauver l’honneur de la famille” sont parmi les conséquences les plus tragiques et illustrent de façon la plus criante la discrimination profondément ancrée et admise dans certaines cultures, à l’encontre des femmes et des filles. Ils sont souvent commis en toute impunité du fait de l’acceptation largement répandue de cette pratique, et des statuts juridiques et judiciaires qui protègent le meurtrier. Dans certains cas, le meurtrier peut être encouragé, voire même motivé par les désirs d’autres membres de la famille, y compris des femmes. Au Royaume-Uni et en Suède, la recherche montre que les services sociaux et le secteur de la justice pénale ont souvent considéré ces crimes comme des “traditions culturelles” plutôt que comme des formes extrêmes de violence à l’égard des femmes. »
  • « Une autre forme de meurtre de femmes lié aux pratiques culturelles est le meurtre lié à la dot. Il se produit principalement dans certaines régions du sous-continent indien, et implique des jeunes mariées qui sont assassinées par des membres de leur belle-famille pour des conflits liés à la dot, par exemple pour avoir apporté une dot insuffisante à la famille du marié. Les données disponibles sur l’incidence des décès liés à la dot sont très variables. Par exemple, en 2006, le National Crime Records Bureau en Inde (l’agence gouvernementale indienne responsable des statistiques de la criminalité) a enregistré environ 7 600 décès liés à la dot, tandis que d’autres estimations avancent un chiffre annuel égal à plus du double. Certaines sources ont estimé qu’au moins 25 000 jeunes mariées sont tuées ou mutilées chaque année des suites de violences liées à la dot. »
  • « Le féminicide commis par une personne qui n’est pas en relation intime avec la victime est connu sous le nom de féminicide non intime, et le féminicide impliquant une agression sexuelle est parfois désigné sous le nom de féminicide sexuel. De tels crimes peuvent être commis au hasard, mais il existe des exemples inquiétants de meurtres systématiques de femmes, en particulier en Amérique latine. Par exemple, au moins 400 femmes ont été sauvagement assassinées ces dix dernières années dans la ville de Ciudad Juárez, à la frontière Mexique/États-Unis. En 2008, plus de 700 femmes ont été assassinées au Guatemala ; plusieurs de ces meurtres ont été précédés de sévices sexuels d’une grande brutalité et d’actes de torture. […] Aux États-Unis, on a pu assister en 2006 à deux fusillades de masse dans des écoles, conduites par des hommes armés visant particulièrement les fillettes et les institutrices. Dans certains endroits, le féminicide non intime frappe majoritairement les femmes engagées dans des professions marginalisées et stigmatisées, comme les travailleuses du sexe et les employées des bars et des boîtes de nuit ».

« Comprendre et lutter contre la violence à l’égard des femmes », OMS, 2012.

Les femmes d’Europe préfèrent regarder vers l’Espagne

Ces exemples nous mènent loin de l’expérience de la femme européenne moyenne. Cette dernière ne veut cependant pas comparer sa condition au reste du monde, mais a plutôt les yeux fixés sur le pays d’avant-garde dans la lutte anti-féminicide : l’Espagne.

Pays méditerranéen traditionnellement plus machiste que l’Europe celte ou scandinave, l’Espagne a misé sur une répression sans indulgence contre les violences faites aux femmes. Fichage systématique, éloignement des hommes violents, consignes de fermeté données aux juges, renforcement de la police (nécessité évoquée par le rapport de l’OMS)… Les meurtres de femmes dans le cadre d’un couple ont baissé spectaculairement en Espagne (de 71 en 2003 à 47 en 2018). La répression paye !

Cependant, les femmes d’Europe ne peuvent totalement ignorer le monde, car il s’invite chez elles. À moyen terme la démographie mondiale joue en effet contre l’Europe et contre la condition féminine. Par hypothèse, on peut en effet supposer que c’est dans les cultures où les femmes sont les plus infériorisées que la natalité est la plus forte. Plutôt qu’une relique d’un passé barbare, le féminicide pourrait être un concept d’avenir.

Enora

  • NDLR : dans certains pays, sous le nom de « crime d’honneur », le féminicide lié à la protection de la virginité des filles de la famille est en effet traditionnellement une circonstance atténuante dont les tribunaux doivent tenir compte. Au Maroc par exemple, l’actuel ministre de la Justice Mutapha Ramid prévoit une indulgence pour les meurtriers en cas d’adultère dans sa réforme du code pénal. Au Pakistan, les crimes d’honneur sont peu réprimés : en 2016, plus de 1 000 féminicides ont été recensés par les militants des droits de l’homme, soit plus que dans le continent européen. Ces évaluations sont d’ailleurs vraisemblablement incomplètes. Les statistiques pour les autres continents sont manquantes et floues.

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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