Le Parti socialiste espagnol (PSOE) avait remporté les élections législatives en avril 2019 sans pour autant réussir à dégager une majorité l’assurant de gouverner seul. Après d’interminables négociations avec les communistes de Podemos, le Premier ministre Pedro Sanchez a décidé de renvoyer les Espagnols devant les urnes pour le dimanche 10 novembre. Des sondages favorables lui annonçaient un deuxième succès et de meilleures possibilités d’alliances à gauche lui permettant enfin d’atteindre les 176 sièges dont il a besoin pour diriger le pays.
Pour s’assurer une victoire confortable, Pedro Sanchez a cherché à affaiblir les conservateurs du Parti populaire (PP) en encourageant la montée des ultra conservateurs de Vox par l’organisation de l’exhumation à grand spectacle de Franco du Valle de los caidos. À gauche, pour saigner les communistes de Podemos, Sanchez suscitait la création de Mas pais, un nouveau parti d’extrême gauche. Enfin, par une politique d’apaisement à l’égard des indépendantistes, il obtenait le soutien de la gauche catalane d’ERC.
Une douche froide pour les socialistes
Les résultats de dimanche soir ont été une douche froide pour le PSOE. Loin de se rapprocher de la majorité, il perd huit cent mille électeurs et trois sièges quand les communistes en perdent sept.
Une des raisons du désaveu des électeurs est le refus du PSOE et de Ciudadanos (Cs) de former un gouvernement de coalition. Cette décision des deux partis a eu des conséquences douloureuses. Il a empêché les socialistes de renforcer leur majorité relative au parlement et a conduit les libéraux à la mort politique en leur infligeant un effondrement brutal, en passant de 47 à 10 sièges. Les électeurs de ce parti qui avait la vocation de venir en appui des socialistes et leur évitant ainsi d’être les otages de l’extrême gauche et des séparatistes, ont fui en masse en direction des conservateurs du PP et de Vox.
Vox grand gagnant
Le grand gagnant de la soirée est Vox, le jeune parti dirigé par Santiago Abascal. Vox récolte près d’un million d’électeurs et 52 sièges, soit presque le double de ceux qu’il avait en avril. Il obtient un triomphe dans des régions comme Murcie ou l’Andalousie qui seront des points d’appui dans une stratégie d’élargissement de sa base électorale. Troisième formation politique au Parlement, il sera désormais un acteur important de la vie parlementaire, notamment avec sa toute nouvelle capacité de demander au Tribunal constitutionnel de se prononcer sur des lois polémiques comme celle de la « Mémoire historique » qui cherche à réécrire l’histoire d’Espagne du XXe siècle en faveur de la gauche.
Les indépendantistes progressent
En Catalogne, en dépit des lourdes condamnations de leurs chefs souverainistes, de plus d’un mois de manifestations massives, les indépendantistes obtiennent 23 sièges sur les 48 en jeu et 42,59 % des voix, soit un net progrès par rapport aux résultats d’avril dernier, mais loin encore convaincre la majorité des Catalans. La droite constitutionnaliste se redistribue les électeurs. Le PP décroche deux sièges, Vox deux autres et Ciudadanos passe de cinq à deux.
Une majorité impossible ?
Avec ce nouvel équilibre des forces, le PSOE ne peut gouverner qu’avec le soutien des communistes, des nationalistes basques du PNV et les indépendantistes d’ERC. Il est difficile de concevoir un projet politique commun entre des socialistes espagnols, la droite basque, la gauche catalane et les communistes.
Seule une grande coalition à l’allemande entre le PSOE et le PP est en mesure d’imposer une majorité stable avec un programme de gouvernement a minima. Mais cette option se heurte aux engagements souscrits par les socialistes avec les indépendantistes et à la crainte du PP de laisser l’opposition entre les mains de Vox.
Les jours qui viennent verront quelles sont les pistes qu’envisagent les différents partis. Les socialistes veulent à nouveau explorer une alliance avec les communistes tandis que les conservateurs du PP caressent l’idée de soutenir un autre socialiste, moins sectaire, comme le commissaire européen catalan José Borrell, au poste de premier ministre.
Une seule chose est certaine, le chaos politique espagnol n’est pas près de s’apaiser dans l’immédiat.
Balbino Katz
Crédit photo :Yann Droneaud/Flickr (cc)
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