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Balance ton rap : tout en douceur Angèle attaque la misogynie des rappeurs

Balance ton quoi, la dernière chanson de la chanteuse belge cartonne mais porte un titre ambigu. Ce quoi est vague, alors que les paroles dénoncent le courant musical le plus influent dans la jeunesse. Décryptage d’une chanson inspirée par la biographie de la vedette.

Angèle : une belle jeune femme sensible qui connait de près la scène rap

A priori, Angèle n’a pas à se plaindre de l’existence. A cette artiste de la deuxième génération, née il y a peine 24 ans, ses parents, comédien et chanteur bruxellois, ont offert l’éducation la plus riche possible. Elle a ainsi appris ses premières gammes sur un piano, tout ce qu’il y a de plus classique.

C’est par son frère Roméo Elvis qu’elle découvre le rap. Celui-ci a percé dans ce genre musical, elle le suit dans ses tournées et découvre alors un univers assez différent du cocon de son enfance. Elle tombe de haut. Sa beauté flamande et sa finesse intellectuelle deviennent un handicap.

Dans une interview à Télérama, elle reste assez évasive : « Dans le monde musical, je sens un sexisme encore très fort ». Elle évoque plus précisément ses premiers concerts avec Damso, rappeur congolo-belge : « une expérience très formatrice, dans des conditions techniques compliquées et avec un public pas toujours hyper accueillant avec mes petites chansons ».

Le mentor d’Angèle, Damso, a manifestement un problème avec la liberté des femmes

Pour comprendre le décalage d’Angèle avec les attentes du public de Damso, voici quelques vers de ce délicat poète :

Elle suce pas très bien, n’a pas profonde gorge
La trap française, moi j’l’éjacule sur le torse
Salope ferme ta gueule, pour le prix d’un j’te mets deux doigts
Connexion Bruxelles jusqu’à Aulnay Sous Bois
(Pinocchio, en collaboration avec Booba)

Dévergondée, la tepu est mal vêtue
J’la baiserai direct sans mettre de doigt

(Que de la vie)

Cachoteries dans parking souterrain
J’m’en vais et je viens entre tes reins
Loin des menottes, genoux au sol

(Signaler)

Décryptage des paroles de Balance ton quoi : une explication biographique

La chanson d’Angèle mêle rage contenue et finesse féminine, virilité des scansions rap et douceur acidulée d’une mélodie pop. Sa voix aux vibrations légèrement voilées sonne juste sans avoir à abuser du logiciel correcteur Auto-Tune, comme le font la plupart des rappeurs. Autre différence : les paroles ne sont pas aussi cash qu’un poème de Damso. C’est plus allusif, en clin d’œil, du style vous voyez de quoi je veux parler.

Ils parlent tous comme des animaux
De toutes les chattes ça parle mal

Dit-elle en attaque, allusion aux paroles dégradantes des chansons, à l’atmosphère de chambrée malodorante de la scène rap, voire à l’esprit tournante entre potes.

J’ai vu qu’le rap est à la mode
Et qu’il marche mieux quand il est sale

C’est la phrase clé de la chanson, celle qui explique le reste des allusions

Une fille qui l’ouvre ça serait normal

Les mères, les sœurs, les épouses, les maîtresses, les filles des rappeurs ne l’ouvrent pas. Alors quand Angèle a voulu causer d’homme à homme dans ce milieu, elle a suscité une grande rigolade.

Tes parents et ton frère ça aide

Allusion au ressentiment des rappeurs qu’Angèle a cotoyés. L’éducation et le réseau de la famille d’ Angèle ont aidé sa carrière artistique. Les rappeurs sont des cyniques et des réalistes. Ils connaissent l’importance des relations interpersonnelles. La jalousie est le moteur de leur critique sociale.

Y a plus d’respect dans la rue

Allusion à l’influence supposée des rappeurs sur la conduite des jeunes gens à l’égard des femmes dans les rues de Bruxelles et d’ailleurs. En fait, ce harcèlement insistant existe depuis des années dans nombre de pays musulmans et a largement contribué à y populariser le voile totale couverture comme protection. Rap ou pas rap, c’est une réalité à laquelle les femmes européennes sont maintenant confrontées.

C’est quoi ton problème ? J’ai écrit rien qu’pour toi le plus beau des poèmes

Dialogue de la narratrice avec un pervers narcissique inconnu qui inverse les responsabilités, qui fabule et manipule sa victime.

Même si tu parles mal des filles je sais qu’au fond t’as compris

Illusion classique de la victime qui croit qu’elle peut changer un pervers.

Pudeur de la chanson, mensonge du clip

Le message d’Angèle sera d’autant moins reçu qu’il arrive emballé dans un clip mensonger, d’esprit totalitaire.

On n’y voit aucun rappeur. Aucune scène de rue non plus. Par contre, le problème de l’épilation comme stratégie de domination patriarcale occidentale est courageusement évoqué dès le début – les poils sont une obsession des féministes belges. Le scénario nous emmène ensuite dans un univers cauchemardesque qui fait penser à la série british le Prisonnier : d’abord un tribunal à perruque anglaise, puis un campus américain soumis aux codes de comportement de la Political Correctness. C’est en fait un camp de redressement pour les misogynes condamnés par le précédent tribunal. Les agresseurs sont incarnés par des métrosexuels blancs inoffensifs, repentis, fayots qui acceptent docilement les leçons d’Angèle. En conclusion, ils se plient à un traitement dégradant : histoire de les rééduquer, on les fait courir affublés de faux seins.

Bien avant Angèle, les Rita Mitsouko avait lancé l’alerte sur la misogynie des rappeurs

De manière plus claire qu’Angèle, à une époque où c’était tabou, Fred Chichin des Rita Mitsouko, un groupe pop des années 80, avait brisé l’omerta, dans son ultime interview testament à Télérama. Quelques mois avant sa mort en 2007, il n’avait plus rien à perdre :

« On s’est trompé grave. Maintenant, on en arrive à du rap islamique, antifrançais, raciste…Aujourd’hui, quand je discute avec des rappeurs et que je prononce le mot travail, ils partent en courant. Au bout d’une heure d’enregistrement, ils sont fatigués, en plus ils passent le plus clair de leur temps au téléphone. Ils sont là pour la thune, point barre. C’est hallucinant. Je préfère travailler avec des types de 18/20 ans qui font du rock, au moins on a des choses à se dire, pour eux la musique est une passion […] La musique, c’est un vrai travail et c’est dur. Mais en France, on ne travaille pas, on se contente d’un tout petit niveau musical. Je trouve terrible qu’on accorde moins de crédit à Daho qu’à des types comme Doc Gynéco ou JoeyStarr. Le discours d’un Gynéco peut se résumer ainsi : « Si j’étais riche, je m’achèterais une Porsche et je t’emmerderais, bâtard. » Je les connais bien ces types, j’ai travaillé avec eux. Je suis resté deux mois avec une quarantaine de rappeurs. C’est édifiant sur le niveau et la mentalité… Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale française. C’est une véritable catastrophe, un gouffre culturel. La pauvreté de l’idéologie que ça véhicule : la violence, le racisme anti-Blancs, antioccidental, antifemmes… C’est affreux. »    

De la chanson aux comportements misogynes : le rap n’adoucit pas les mœurs

Selon Fred Chichin, il y a une idéologie du rap et elle s’exprime par des comportements concrets.

Peut-être Zineb el Rhazoui compte-t-elle davantage sur la police que sur le show-business ou les féministes conventionnelles pour protéger les femmes qui veulent encore l’ouvrir.

Enora

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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