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2020 : la variété française grand-remplacée ?

Voici 2020, l’heure des bilans de l’année, de la décennie et le moment propice à un coup d’œil sur les goûts de la « génération 2000 ». Commençons par un état des lieux de la musique populaire de l’année 2019. Le syndicat national de l’édition phonographique vient de publier les meilleures ventes.

2019 : le triomphe d’une France Gall illettrée et sans voix

Le sommet du classement est tenu par une femme belge, Angèle, qui a déjà reçu nombre de distinctions décernées par les professionnels. Manifestement, elle a aussi rencontré son public. L’album s’intitule Brol, terme que nous supposerons issu d’un patois belge. Hélas, il y a très peu à dire sur ce disque incroyablement linéaire et soporifique. La musique est extrêmement molle et répétitive. La pauvreté harmonique aurait pu être un effet recherché mais le résultat est juste naïf. D’opportunistes tentatives d’accords de septième sont à noter. On sent la volonté de l’équipe de directeurs artistiques de donner une coloration jazzy. Le résultat sonne à la fois vulgaire et enfantin. Nous sommes loin du regretté Allan Holdsworth. Sur 12 titres, 10 commencent par un accord de synthétiseur sirupeux. Si vous aimez écouter la performance des musiciens, passez votre chemin, le batteur était en RTT, remplacé par une programmation sommaire au son standardisé. Il est possible de jouer des synthétiseurs, c’est même très facile, dans sa cuisine, son garage ou en studio. Hélas, en l’espèce, la production dénuée de toute dynamique (différences de volume entre les différentes parties de la partition) laisse penser que tout aurait pu être programmé, au besoin sur un simple téléphone. La linéarité, le manque d’énergie et de créativité sont abyssaux. La preuve : enchaînez une seconde des morceaux 8, 9 et 10 et vous obtiendrez la mélodie de votre propre morceau d’Angèle. Donnez-lui un titre grossier non assumé comme : « Gros p*** d’hommes blancs ». Écrivez des paroles qui dénoncent courageusement le racisme dont sont victimes les femmes voilées et vous avez votre propre tube d’Angèle. Vous l’aurez compris, les textes sont toujours issus des meilleures lignes des journalistes de France Inter ou des combats de Rokhaya Diallo contre le racisme des pansements blancs. Le pire de tout est quand même l’escroquerie de la voix. Vous connaissez tous le joujou préféré des rappers : l’autotune qui permet d’assigner des notes à leurs gargarismes. Si Angèle utilise aussi cette assistance, ce n’est pas à des fins stylistiques mais tout simplement parce qu’elle est incapable de chanter juste ou d’ajouter des nuances d’expression. On entend clairement les retouches de tonalité faites électroniquement. Cela s’appelle une faute professionnelle au mieux, une arnaque totale au pire.

Un top 10 à l’accent de banlieue

Angèle partage les dix premières places avec sept rappers, Johnny et Lady Gaga. Dans un souci d’objectivité, admettons l’axiome selon lequel le hip-hop est une musique populaire de qualité. Pour autant, il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas le cas du hip-hop « français ». Les sept « artistes » qui ont vendu le plus peuvent être classés dans cette catégorie parce qu’ils s’expriment dans une sorte de créole des cités, lointain dérivé de notre langue. De cette description, vous conclurez que les paroles ne nécessitent pas d’analyse approfondie.

« Au collège, j’étais cheum Mais déter’ comme un chleuh, J’volais des Playstation, j’les revendais et j’m’achetais des jeux ». Voici un extrait du génie de Nekfeu, deuxième meilleur vendeur de 2019. PNL, NINHO, SOPRANO, VITAA & SLIMANE, LOMEPAL et AYA NAKAMURA, les six autres artistes hip-hop trônant parmi les dix meilleurs vendeurs de musique de 2019 ne font pas mieux. Ne soyons pas trop sévères, rappelons que notre école est gratuite (si l’on fait abstraction de nos impôts).

Musicalement, comme d’habitude, il s’agit de synthétiseurs aux sons préformatés. Gageons que c’est plus facile et rapide à produire qu’un véritable orchestre. Les maisons de disque doivent aussi y trouver leur compte en termes de frais de studio.

Sur la troisième place du podium, Johnny Hallyday consolide le succès des artistes belges en France. L’album est semble-t-il une compilation « symphonique » de tubes du chanteur. Ses qualités n’ont pas à être commentées, elles sont connues. Un constat amer vient malgré tout à l’esprit : le rock français, ce n’est pas du rock, c’est de la variété.

Enfin, en septième place est classée la seule artiste non « francophone » parmi les meilleures ventes : Lady Gaga avec la bande originale du film A star is born. Ce film était médiocre, une sorte de gigantesque publicité pour Lady Gaga. Le scénario de ce chef-d’œuvre est simple. Le vieux rocker blanc était alcoolique et dépressif, il nous débarrasse heureusement le plancher en se suicidant. Le seul point positif de sa vie a été de nous faire découvrir Lady Gaga la flamboyante. Cette dernière a la présence d’esprit de laisser tomber le folk-rock-country trop blanc pour la merveilleuse musique automatique « dance » qui a assuré en son temps le succès de l’album The fame monster.

S’agissant de la musique, l’univers est largement plus respirable que nos rappers nationaux. La bande originale commence très folk-rock, comme le film, puis les choses dégénèrent entre dance vulgaire et ballades habituelles. La voix de Lady Gaga est superbe de même que celle de Bradley Cooper dont le talent est énervant. L’ensemble s’écoute sans vomissements. Il s’agit de musique aux standards américains, bien jouée et bien produite. Il n’y a AUCUNE originalité, AUCUNE créativité. Les accords I, IV, V et VI de la gamme majeure sont bien présents. Comme ils sont à l’origine de 80 % des plus gros succès américains, ils sont probablement imposés aux compositeurs par contrat. Les maisons de disques n’ont pas d’argent à perdre avec de véritables créations musicales. Ici, les notions de plagiat et de composition s’entremêlent, voire se confondent. Bienvenue dans la musique débitée comme du jambon de dinde halal. 

Une culture américaine impérialiste mais relativement protégée

Alors, la France est-elle seulement victime du « soft power » américain ? Subissons-nous la même culture populaire ? Il semble peu probable que nos sept meilleurs artistes hip-hop français connaissent le même succès aux États-Unis. C’est même pire que cela. Si l’on s’en tient au célèbre site billboard, dans les 5 meilleures ventes de la décennie aux US, seul un artiste est hip-hop. Les quatre premières places sont tenues par Adèle, Taylor Swift, Ed Sheeran et la bande originale d’un film Disney. Les Américains préfèrent donc la pop music au hip-hop. Certains esprits chagrins pourraient faire remarquer que les dealers de drogue ont la même règle d’or : ils vendent le poison mais ne le consomment pas.

Une culture populaire française dévastée par le cosmopolitisme

Revenons en France. Un article du Parisien nous apprend que « dans le top 200, 3 albums sur 4 sont chantés en français ». Cela est parfaitement en accord avec nos constatations sur les dix meilleurs vendeurs de 2019.

Le site du Dauphiné dans une rétrospective 2000-2020, estime que « le rap se porte très bien en France, au point de doper la croissance de l’industrie musicale. De nombreux rappeurs battent de nouveaux records, (…). Le genre musical s’est imposé ces vingt dernières années, au point de supplanter le rock ».

En conclusion, en 20 ans, notre chanson française a été remplacée par le rap, mais pas un rap américain, bénéficiant de standards techniques élevés. Nous sommes abreuvés d’une adaptation frelatée d’un produit déjà nocif.

En effet, nous subissons l’impérialisme de la culture américaine mais celle-ci entre en résonance avec nos problèmes spécifiques d’enclaves ethniques. Nous avons créé notre propre sous-culture américaine et elle est d’un niveau catastrophique. Comment la « génération 2000 » peut-elle éviter l’abêtissement avec une telle culture populaire faite de tout ce que l’Amérique et notre immigration ont fait de pire ? Une résistance culturelle existe-t-elle ? Est-elle encore possible ?

Frank Gentil

Photo d’illustration : DR
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