L’épidémie de Coronavirus se diffuse dans plusieurs endroits de la planète, et arrive notamment en France. En Chine, il est déjà largement installé depuis plusieurs semaines, et a fait des dégâts sanitaires et économiques (conséquences du virus). Mais comment les autorités gèrent-t-elles la crise ? Quelles mesures sanitaires sont prises ? C’est ce que nous explique Jean-Claude, l’un de nos correspondants présent sur place, à Shanghaï, à 840km de Wuhan.
« Tout le monde porte un masque dès qu’il quitte son domicile. Ce n’est pas une obligation pour marcher dans la rue mais la pression sociale opère. L’accès aux transports en commun, aux entreprises, aux lieux touristiques (ex : la promenade sur le Bund) et aux rares magasins ouverts est en revanche interdit aux personnes ne portant pas de masque. Des écriteaux et des messages sonores le rappellent.
Lors de mon embarquement à l’aéroport de Phnom Penh, les hôtesses de l’air m’ont demandé si j’avais un masque. J’en avais un dans mes affaires. Elles m’en auraient fourni un sinon car il est obligatoire d’en porter un à l’aéroport de Shanghai.
A l’entrée de tout lieu public, la température est prise au moyen d’un thermomètre infrarouge. Parfois (notamment pour entrer dans des centres commerciaux ou des immeubles d’habitation), il est demandé d’inscrire ses coordonnées et sa date d’arrivée à Shanghai sur un registre. Souvent du gel hydroalcoolique est distribué. Le personnel porte des gants en plastique. Dans les ascenseurs, les boutons des étages sont recouverts d’un film plastique.
Chaque immeuble est géré par un comité qui définit les règles sanitaires en vigueur. Elles peuvent être assez souples comme dans mon immeuble (coordonnées à mon retour du Cambodge + prise de température à une seule reprise) ou draconiennes comme pour certains de mes amis qui vivent dans des quartiers résidentiels fermés d’expatriés ou des résidences luxueuses (quarantaine de 14 jours à réaliser chez soi à compter de son arrivée à Shanghai. Une sortie tous les 3 jours autorisée pour 1 seul membre de la famille).
Dans tous les cas, c’est le gardien qui réceptionne les colis. Les livreurs ne sont pas autorisés à pénétrer dans les immeubles. Les résidents vont chercher leurs colis auprès du gardien.
Chaque jour, les Chinois changent de masque (ce sont les recommandations sanitaires qui ont été faites par le gouvernement). Le besoin en masque est donc immense et cela a donné lieu à une course effrénée pour répondre à cette demande. Les notables locaux font régulièrement don de façon ostentatoire de plusieurs milliers de masques, certains expédient depuis l’étranger des masques et récoltent des louanges sur les réseaux sociaux chinois. A l’aéroport de Phnom Penh, dans la file d’attente de l’enregistrement des bagages, des Chinois de la diaspora confiaient des cartons remplis de masques aux passagers n’utilisant pas tout leur quota de bagages. J’ai dû refuser ne sachant pas avec certitude ce que contenait le carton qui m’était proposé »
En quoi ce nouvel an chinois a-t-il été différent des autres ?
Ce qui a changé – les réseaux sociaux s’en font largement l’écho – c’est le cloisonnement chez soi. Une vraie inquiétude vis-à-vis de ce virus s’est installée et même si, légalement, la plupart des habitants pouvaient sortir, ils ne le faisaient pas.
Cette crise est survenue à une période particulière de l’année où tout le monde est réuni en famille. C’est le seul moment où la quasi totalité de la Chine s’arrête de travailler. C’est un peu comparable à ce qu’était la période de Noël en Europe il y a quelques décennies. Pendant plusieurs jours on prépare en famille les plats puis les festivités commencent et s’étalent sur presque une semaine. C’est un moment de grande convivialité. Il est cependant redouté par une partie des jeunes Chinois partis travailler dans une grande métropole éloignée de leur ville natale. Car traditionnellement, les oncles, tantes, parents et grands-parents profitent de ce moment pour dresser un bilan sans concession de la vie professionnelle et sentimentale des plus jeunes. L’ambiance peut donc être pesante lorsque le salaire gagné est jugé trop faible ou qu’aucun mariage ne se profile alors que l’on a franchi le cap des 25 ans.
Cette année, non seulement la bouffée d’air frais n’était pas possible mais cette promiscuité a en outre été prolongée d’une à deux semaines. Néanmoins, deux amis chinois m’ont confié que, pour leur plus grand bonheur, les sujets de conversation ont essentiellement gravité autour de ce virus.
Qu’est-ce qui a changé pour les habitants de Shanghai dans leur quotidien?
Le quotidien est marqué par les contrôles sanitaires évoqués précédemment et par la fermeture des principaux lieux de socialisation. En outre, Il n’est pas possible de recevoir des gens extérieurs à son immeuble. Cette pratique est cependant rare en Chine puisque l’on préfère se retrouver au restaurant.
Afin de rattraper les journées de travail perdues il est question qu’après la crise plusieurs samedis soient travaillés (c’est une pratique courante en Chine notamment pour rattraper certains ponts). Il a été envisagé que les vacances estivales des écoliers et étudiants soient raccourcies.
Le prix de la viande a bondi avec la crise et ce alors que la viande de porc était déjà chère à cause de l’épidémie de peste porcine qui frappe le pays depuis 2019. C’est probablement une bonne nouvelle pour nos éleveurs bretons.
Quelques restaurants ont l’autorisation d’ouvrir. Ils réduisent leurs horaires d’ouverture (dernier service à 20h) et interdisent souvent les tables de + de 4 personnes. Les tables sont davantage éloignées qu’à l’habitude. Les restaurants étant peu fréquentés, il n’est pas rare que les restaurateurs laissent une table vide entre deux groupes de clients. Des menus temporaires sont imprimés pour faire face aux difficultés d’approvisionnement. Considérées comme étant moins hygiéniques, les tireuses à bière sont condamnées et seules sont servies les bières en bouteille (à mon plus grand regret). Par prudence également, beaucoup de restaurateurs évitent d’utiliser le chauffage (ce sont principalement des climatiseurs inversés). Il fait donc froid dans les restaurants.
Tous les déplacements dans le pays sont compliqués et l’organisation d’événements est interdite.
2 exemples :
- ma femme de ménage a dû reporter le mariage de sa fille prévue à la fin du mois.
- Une amie chinoise ne s’est pas rendue à l’enterrement de son grand-père dans le Hunan. Elle aurait pu y aller mais à son retour on lui aurait de nouveau imposé une période de quarantaine. Cela risquait de mécontenter son employeur et de menacer son emploi.
Il ne faut pas oublier les animaux de compagnie qui sont privés de sortie et souffrent également lors de la quarantaine de leurs maîtres.
Jean-Claude
Illustration : DR
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