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Placements, comptes en banque : ne cédons pas à la panique !

Sur le web des articles alarmants somment leurs lecteurs de vider leurs comptes en banque et de retirer tous leurs fonds des assurances-vie qu’ils possèdent ; en effet une gigantesque crise économique se profilerait et selon ces prophètes de malheur, les banques finiront tôt ou tard par proscrire tout retrait. Évidemment, pour éviter une ruine totale, les auteurs de ces articles inquiétants proposent le plus souvent d’investir dans un produit qu’ils fournissent ou d’acquérir de l’or (ils ont alors des adresses à vous fournir). Ceux qui se fient à ces augures économiques anxiogènes peuvent s’affoler et prendre des mesures qui pour finir se retourneront contre eux.

Rien ne dit que la crise qui vient sera pire que celle de 2008 ou celle de 1929

D’abord, une crise économique va fatalement arriver en 2020, en 2021 voire plus tard, dix ans d’expansion sans récession constituant déjà un record. Actuellement cohabitent plusieurs bulles (immobilières, sur les prêts étudiants américains, …) et un moment ou à un autre il sera nécessaire de les purger pour que l’économie reparte de l’avant. Cependant, rien ne dit que la crise qui vient sera pire que celle de 2008 ou celle de 1929. Les prophéties sont souvent démenties (dans les deux sens !)  On s’attend à une bourrasque et la situation se rétablit très vite ou au contraire, on estime que l’économie traversera un simple trou d’air passager alors qu’en fait, il s’agit d’une dépression gravissime qui s’éternisera.  En dehors d’un chômage massif qui fragilisera la société, les cassandres économiques craignent surtout une faillite généralisée des établissements bancaires. Ce type de cataclysme est rarement arrivé dans le passé, mais nous avons quelques exemples : les États-Unis, en 1933, Chypre, l’Irlande et l’Islande, en 2008, la Grèce, en 2015, le Liban actuellement. Comment ces crises ont-elles été résolues ? Les États-Unis ont fermé toutes leurs banques pendant une semaine. Comme aucun chèque n’était accepté, que les cartes de crédit n’existaient pas, seuls les chanceux possédant des espèces ont pu faire des achats dans les magasins pendant les 7 jours de fermeture. Le gouvernement du Président Roosevelt a pendant ce temps pris la seule mesure adéquate : le budget fédéral a recapitalisé et restructuré les banques en faillite au prix d’un déficit budgétaire important, mais les USA pouvaient se le permettre, car ils étaient alors peu endettés. En 2008, l’Irlande a procédé de même, son déficit atteignant le taux extraordinaire de 32% du PIB, avant de se résorber rapidement. L’Eire a dégagé en 2019 un excédent budgétaire et le chômage a considérablement baissé.

L’Islande a d’abord mis les banquiers en prison avant de confisquer les dépôts des étrangers (néerlandais et britanniques). L’île nordique est portée aux nues par les milieux de gauche, pour avoir prétendument résisté aux (affreux) capitalistes ; néanmoins sa politique se résume une extorsion de fonds. En effet, les contribuables des Pays-Bas et de la Grande Bretagne ont dédommagé leurs compatriotes lésés, au détriment des pauvres de ces deux pays : ceux-ci auraient été ravis de toucher le pactole ayant servi à maintenir le niveau de vie (confortables) des Islandais qui avaient pour la plupart largement profité dans le passé des investissements étrangers. La Grèce a, pendant 3 ans, limité les retraits et n’a levé que progressivement les restrictions. Le Liban suit la même politique qu’Athènes, mais la crise vient de débuter, on ignore donc son issue. Reste Chypre le modèle qui fait peur : on a confisqué, au-dessus d’un seuil assez bas, 20 % de l’argent placé sur les comptes de l’une des deux grandes banques du pays qui a été fermée. Or alors qu’autrefois l’État Français garantissait l’intégralité des dépôts bancaires, il vient sous l’impulsion de l’Europe de changer les règles : désormais ne sont garantis que 100 000 euros pour l’ensemble des comptes déposés dans une banque et 70 000 euros pour les assurances-vie.   Si on possède des comptes dans des établissements différents, chacun est garanti séparément et on n’additionne pas leur montant.  Enfin pas pour l’instant ! De toute façon en cas de crise bancaire, les règles existantes seront assouplies ou aggravées suivant la conjecture et la pression populaire.

À mon sens, si le pire se produit, le gouvernement français garantira, malgré Bruxelles, tous les dépôts : en effet seuls 20 000 particuliers (sur 20 000 000) perdraient de l’argent du fait des mesures actuelles pour un total proche de 6 milliards d’euros (alors que l’ensemble des dépôts se montent à 2 000 milliards d’euros !). Spolier « les riches » coûterait pour finir bien plus cher que les 6 milliards en jeu, les déposants lésés (à haut potentiel fiscal) fuiraient par la suite notre pays. D’autre part, les comptes des entreprises poseront problème : ils sont souvent largement approvisionnés (au-delà de 100 000 €). Or aucun gouvernement responsable ne prendra le risque de provoquer un chômage massif en ne remboursant pas intégralement les dépôts des entreprises. Mais comment les séparer de ceux des particuliers ? Surtout serait-ce constitutionnel de le faire ? J’en doute fort. Pour toutes ces raisons, j’estime qu’en cas de crise bancaire, l’État français renflouera systématiquement les banques en difficultés d’autant plus que la France a encore de la marge pour emprunter : la dette d’un pays devient vraiment insoutenable lorsqu’elle atteint 150 % du PIB. Nous pourrions donc lever encore 1 000 milliards sur les marchés. Cette somme serait rapidement couverte, car dans le désastre général les investisseurs rechercheront des placements sûrs. Enfin, seule une minorité d’établissements bancaires feront faillite allégeant d’autant la facture.

En fait que doivent redouter les Français ?

Retirer ses fonds des banques est donc à mon sens une mesure désespérée et inopportune, car que faire ensuite de l’argent récupéré ? Garder des espèces chez soi ? Au vu des innombrables cambriolages, je déconseille fortement cette solution surtout que nous sommes sous la menace d’une hyperinflation mondiale (cf supra) qui toucherait toutes les monnaies du dollar au yuan en passant par l’euro et le yen. Toutes les devises sans exception risquent de perdre rapidement de la valeur d’achat. Contrairement aux crises passées, aucune ne peut servir de refuge, toutes les banques centrales ou presque ayant augmenté la masse monétaire d’une manière excessive. En 1924, l’impression d’un trop grand nombre de billets a conduit à l’effondrement du mark allemand. Acheter de l’or pour se protéger est-il une bonne idée ? Certes ce métal est une valeur-refuge depuis la nuit des temps, mais l’acheteur de lingots paiera (à fonds perdus) 11,8 % de taxes lors de la vente sans compter que ses éventuelles plus-values seront imposées à 36,2 % !  Autre question essentielle où va-t-il par la suite garder son stock d’or ? Chez lui ? Le risque de cambriolage est bien trop important. En outre, les lingots d’or doivent être stockés dans des conditions particulièrement strictes, sinon ils perdent une bonne partie de la valeur. Les mettre dans un coffre à la banque les expose à être confisqués, en cas de grave crise bancaire. Je déconseille évidemment d’acheter des bitcoins ou autres monnaies électroniques, vu leur volatilité. En outre, il semblerait que des aigrefins manipulent les cours pour obtenir des profits juteux au détriment des investisseurs lambdas. En outre de nombreux vols de Bitcoin ont eu lieu dans le passé et des investisseurs trop confiants ont été intégralement dépouillés. Acheter des biens immobiliers ? Ils sont sans doute surévalués : on parle d’une surcote de 30 % due au taux d’emprunts trop bas. Reste les forêts et les terres agricoles : hélas l’offre est faible, ils sont soumis en outre à des taxes importantes et ne rapportent rien ou presque.

Casser ses assurances-vie risque de coûter très cher à celui qui s’y risquerait, l’état étant gourmand et se servant largement au passage. Et que faire ensuite des fonds récupérés ? Les laisser sur un seul compte n’aurait aucun sens. Les disperser sur plusieurs banques pour ne jamais dépasser 100 000 euros pourrait se justifier. Mais le nombre de banques indépendantes est limité et toutes ne présentent pas le même degré de solidité selon les crash-tests (mais je rassure mes lecteurs, toutes les banques les ont passés avec succès !). En outre, si l’État refuse de rembourser au-dessus d’un certain seuil les dépôts bancaires, tolérera-t-il qu’un particulier échappe à la ponction, car il a fractionné ses avoirs ? Celui qui aurait ouvert 5 ou 6 comptes dans des établissements différents risque donc d’être perdant, car on additionnera pour finir le montant de ses dépôts et que la dispersion de ses fonds a un coût important.

En fait que doivent redouter les Français ? Dans le pire des cas (mais ne nous affolons pas cette éventualité a très peu de chances de se produire), un prélèvement de 20 % ou 30 % sur les avoirs financiers se mettra en place sous forme d’un emprunt forcé. Cela peut paraître une lourde ponction, mais son montant serait moindre que les sommes perdues en vendant son or, que les frais de notaire ou les inévitables décotes sur les biens immobiliers.  Il se peut aussi que l’État nationalise une partie du foncier, impliquant de verser un loyer pour le terrain à l’État (si le contribuable n’a pas les fonds nécessaires, la note sera réglée lors de la vente du bien). Mais, plutôt que de prendre ces mesures, la BCE préférera sans doute favoriser une forte inflation de l’ordre de 50 %. C’est par ce biais que notre pays s’est débarrassé, en 1920 et en 1945 des dettes des 2 guerres mondiales.

Hélas il n’existe guère de moyens de se protéger préventivement contre d’éventuelles pertes dues à une crise économique gravissime. On peut juste noter que les assurances-vie libellées en fonds euros ou basées sur des SCPI suivront plus ou moins l’inflation. Cependant, le seul conseil que je donnerai est de diversifier ses placements en espérant que l’un d »entre eux passera à travers les gouttes.

Christian de Moliner

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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