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Gastronomie. Filet de porc aux pommes à l’Apicius pour fêter la fondation de Rome

Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liée à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.

21 avril -753, fondation de Rome

Nous sommes le 21 avril et, comme tout habitant de Rome, cette date ne peut que rappeler la fondation de la ville éternelle, les Dies Romana. Il y a 2775 ans, en -753, Romulus fondait symboliquement sa cité en traçant à l’aide du socle d’une araire les limites de sa nouvelles cité. La suite est connue, son frère Remus franchissant le sillon tracé et ainsi se moquant des lois de la nouvelle cité, périra des mains même de Romulus. La ville qui influencera plus que n’importe quelle cité l’histoire de l’Occident est né d’un crime fratricide, la gloire de Rome passera avant tout, même les liens familiaux. Bien sûr, je ne désire pas dans cette chronique refaire l’histoire romaine mais plus prendre l’occasion de ces Dies Romana pour parler de quelques recettes et principes de la cuisine antique.

Commençons par préciser que la plupart des ingrédients phares de la cuisine méditerranéenne actuelle comme les tomates, les poivrons, les pommes de terre, les haricots n’étaient pas disponibles. En effet, ces derniers comme nous l’avons déjà écrit dans des articles précédents furent le résultats soit des contacts commerciaux avec l’Asie, soit avec l’Amérique. Les Romains ne mangeaient donc pas de pizza Margherita et encore moins de spaghetti à la bolognaise. Avec les conquêtes militaires en Asie et le développement des routes commerciales suite à la fin de la piraterie due à Pompée, de nombreux produits d’Asie mineure et d’Afrique arriveront sur les tables romaines notamment les poix chiches, certains haricots et des courges. On note aussi qu’un des délices des tables des riches romains sont les huitres de l’atlantique, notamment de Marennes que les Romains appelaient « callibléphares » (les belles paupières). Elles étaient transportées dans des viviers alimentés d’eau de mer et étaient consommées soit crues soit cuites. Elle n’était pas accompagnées de citron, cet agrumes n’étant pas encore importé de Chine. Autre précision de taille mais logique, il existe aussi une énorme différence entre les tables des riches sénateurs et celle des simples citoyens. Si l’huitre de Marennes fut dégustée à Rome ce n’était bien sur pas par le commun des mortels qui mangeait principalement des soupes de céréales ou du pain accompagnant du fromage ou quelques viandes bouillies.

Les riches Romains faisaient comme nous trois repas principaux : le Jentaculum, le prandium et la coena. Le premier correspond à notre petit-déjeuner. Consommé rapidement, il avait pour base du pain, du fromage, du lait, du miel mais aussi des fruits secs et du vin épicé. Le prandium, notre déjeuner, était lui aussi assez spartiate et en général froid. On y consommait du pain, des poissons en saumure ou dans le vinaigre, des fruits, des féculents, du vin. Même chez les plus riches le Prandium se consommait rapidement et en général debout pour ne pas perdre de temps pour régler les affaires quotidiennes. Toute l’énergie des artisans de la table romaine se concentrait en revanche sur le souper, la Coena, qui débutait en fin d’après-midi, après le traditionnel passage aux thermes et pouvait durer jusqu’à l’aube.

Le souper était consommé dans l’Atrium des villas romaines mais plus ces dernières étaient riches plus se multipliaient les pièces en fonction des saisons et des occasions. Ainsi, le « Triclinio » était meublé de « Triclinari », sorte de divan, où les invités pouvaient s’allonger et manger appuyés sur le bras gauche. La main droite servait pour manger. Les plats étaient disposés sur des tables basses ou des plateaux portés par les différents esclaves. L’invité d’honneur se plaçait en face de la porte d’entrée afin que d’éventuels messagers puissent facilement le retrouver. L’hôte se plaçait à la gauche de l’invité d’honneur. Dans les demeures les plus riches il existait un « Triclinio » d’été placé au Nord et un Triclinio d’hiver placé à l’ouest afin de profiter le plus longtemps possible de la chaleur du soleil.

Ce que l’on sait surtout des recettes antiques, on le doit principalement à Apicius qui nous aurait laissé un traité de cuisine. Ce riche romain, contemporain d’Auguste et de Tibère, selon la légende dépensa des sommes colossales pour ses repas allant des langoustes géantes de Smyrne ou des homards d’Alexandrie, qu’il nourrissait des truies avec des figues pour engraisser leur foie, qu’il considérait les langues de flamand rose comme ayant un gout exquis. Plus qu’écrit par lui-même, ce qui nous est arrivé des recettes d’Apicius seraient des traités de cuisines placés sous son patronage dont les premières traces remontent au IIème siècle. C’est seulement Saint Jérôme au IVème siècle qui évoque ouvertement un traité de cuisine attribué à Apicius. Ce dernier finira par se donner la mort, ruiné par ses extravagances culinaires et son amour du luxe en général. Il nous laisse, ou nous fut légué en son nom, le « De re coquinaria », précieux traité de cuisine antique. On retrouve des recettes qui ne correspondent pas vraiment aux goûts contemporains où se côtoient des saveurs très contrastés comme le sucré et le piquant ou le sucré et les épices. On utilisait énormément le garum à la place du sel, saumure de têtes d’anchois ressemblant au nuoc mam vietnamien, le miel, le poivre, le cumin, le fenouil sauvage, l’orge, le farro, les lentilles, les pois chiches. La viande était rare chez les plus modestes et généralement de porc. Selon les périodes la frugalité ou l’abondance primait chez les plus riches. Ainsi Virgile et Sénèque rappelaient que les ancêtres légendaires des Romains, Enée et ses compagnons se contentaient de quelques gruaux et de petits poissons péchés lors de leur sept années d’errance. Cette sobriété était considérée comme une vertu. Avec la richesse et la puissance, à partir d’Auguste, les tables se raffinèrent en particulier avec l’arrivée de produits des quatre coins de l’empire, du vin gaulois aux épices orientales.

Enfin avant de conclure et de vous proposez une recette antique, faisons une parenthèse sur les repas des fameux légionnaires romains. Dans la Guerre des Gaules , César dit que ses soldats mangeaient du farro, de l’orge et du froment. Certains historiens affirment que Rome a fait plus avec le farro, sorte de blé rustique, qu’avec le fer (ferro en Italien). Chaque légionnaire se voyait attribuer une portion mensuelle qui était déduite de sa paie, il n’était ainsi pas rare qu’ils se contentent de le mastiquer durant les longue marche afin de se donner un peu d’énergie. Arrivés au camps, les céréales étaient broyées puis bouillies dans un mélange d’eau et de lait ou de fromage. A cette bouillie pouvait être ajoutée des morceaux de porc, un peu de vin, du sel et du poivre. C’est ce que l’on appelait le « Puls » du légionnaire. La farine obtenue pouvait être aussi mélangée à des fromages frais et des herbes puis cuits dans des fours un peu comme les modernes foccacia, c’est le « libum ».

La recette : Filet de porc aux pommes à l’Apicius

Ingrédients : un filet mignon, 2 pommes, nuoc mam, cidre de pommes, poivre, cumin, beurre, miel.

Epluchez et taillez en dés les pommes. Taillez votre filet mignon en tronçons de 4 cm environ puis pratiquez une incision au centre en prenant soin de ne pas tailler complètement puis aplatissez vos morceaux de viande. Poivrez vos morceaux.

Dans une poêle bien chaude faire fondre le beurre (les romains auraient utilisé du gras de porc) et faite dorer votre viande des deux cotés, ajoutez vos pommes afin qu’elles commencent elle-aussi à colorer. Ajoutez le cumin et déglacez avec le nuoc mam et le cidre (l’équivalent d’un verre en tout), ajoutez deux cuillères à soupe de miel, baissez le feu et laissez cuire une dizaine de minutes le temps que la sauce se réduise et enrobe la viande.

Pierre d’Her

Crédit photo : DR

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