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Pierre-Yves Cadalen (LFI) est un « ardent » défenseur de la langue bretonne

Porte-parole régional de la France insoumise, Pierre-Yves Cadalen est un homme important. Dans la circonscription de Brest centre, il est qualifié au second tour des élections législatives de 2017 ; il est battu par Jean-Charles Larsonneur (LREM) : 59,58 %/40,42 %, avec une différence de 5 900 voix (18 638/12 646). Même duel et même résultat au second tour de 2022 : 50,16 % pour Larsonneur (dissident LREM) et 49,84 % pour Cadalen (Nupes-LFI) ; cette fois la différence est de … cent voix (18 127/18 009). Aux élections régionales de 2021, il est tête de liste de « Pour la Bretagne insoumise » qui propose aux électeurs de « contribuer à la construction d’une Bretagne solidaire, écologique et démocratique » (« Ingalomp Breizh ! ») ; en deux petites lignes, on annonce vouloir travailler à la « promotion du breton et du gallo dans l’enseignement public ». Mais Cadalen n’arrive qu’à la septième place (5,57 %), sa liste n’est donc pas qualifiée pour le second tour et comme personne ne veut fusionner avec lui, il n’y aura pas d’élus.

Pendant ces années, celles et ceux qui sont attachés à la Bretagne ont appris à connaître Jean-Luc Mélenchon, ses partisans et ses députés. Des jacobins pur jus hostiles aux langues régionales. La preuve en fut apportée d’une manière éclatante lors de l’examen, à l’Assemblée nationale, de la « proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion » – dite loi Molac. En deuxième lecture (8 avril 2021), l’analyse du scrutin public montre que, sur les dix-sept membres du groupe La France insoumise, douze ont voté contre : Clémentine Autain, Ugo Bernalicis, Eric Coquerel, Alexis Corbière, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono, Mathilde Panot, Loïc Prud’homme, Adrien Quatennens et Sabine Rubin. Une seule avait voté « pour », Bénédicte Taurine, mais comme Mélenchon a dû l’engueuler sérieusement, elle a fait savoir ensuite qu’elle avait voulu « voter contre » (sic). Les quatre autres membres du groupe n’ont pas pris part au vote (en particulier François Ruffin).

Un triste jour pour l’école publique

Ce jour-là, Jean-Luc Mélenchon expliqua qu’il était « multiculturaliste », « Maghrébin européen étant né à Tanger », de ce fait il demandait à ses collègues de manifester « la même tendresse vis-à-vis de l’arabe ou de l’amazigh » que pour les langues régionales. Mais c’est à Bastien Lachaud (LFI), député de la circonscription d’Aubervilliers-Pantin (Seine-Saint-Denis), que « Méluche » avait confié la mission de démolir la proposition de loi. Pour Lachaud, « aujourd’hui est un triste jour pour l’éducation nationale et l’enseignement public des langues. Sous couverte de la préservation des langues régionales, notre Assemblée s’apprête à voter un nouveau recul grave de l’école publique. Vous vous apprêtez en effet à approuver un transfert massif d’argent public dans les caisses des écoles privées et à subventionner largement, avec l’impôt de tous les Français, l’aggravation de la ségrégation sociale, le séparatisme scolaire, l’exclusion sociale et le contournement de la carte scolaire »

On a l’impression que Lachaud mélange volontiers différents sujets. Ainsi lorsqu’il affirme : « Vous voulez inciter davantage de familles à déserter le public au profit du privé. Au lieu de renforcer l’école publique et de veiller à ce qu’elle propose un enseignement des langues régionales, vous voulez fermer les écoles publiques des villages, désertées au profit d’écoles privées. Vous organisez ainsi la marchandisation de l’apprentissage des langues régionales. » Paul Molac, qui est député d’une circonscription rurale située dans la Bretagne intérieure, a certainement apprécié cette sortie d’un type qui ne connaît rien à la question de la ruralité. Il ne faut pas confondre la Seine-Saint-Denis et Ploërmel…

Ou bien Lachaud méconnaît la situation en Bretagne ou bien il ment grossièrement. En effet les deux réseaux (public et catholique) qui pratiquent, dans certaines écoles, le bilinguisme dépendent de l’Education nationale – les écoles catholiques sont sous contrat. De ce fait, on comprend mal ses pleurnicheries sur un prétendu « recul grave de l’école publique ». Le seul problème concerne l’association non confessionnelle Diwan qui pratique l’enseignement immersif dans des écoles, des collèges et des lycées. Malgré différentes tentatives d’intégration dans l’Education nationale, l’association en question se débrouille comme elle peut. La conclusion de Lachaud est merveilleuse : « Nous aurions évidemment voté des deux mains un texte qui protégerait les langues régionales et organiserait leur apprentissage dans le cadre de l’Education nationale. Mais nous refusons catégoriquement de participer au dépouillement de l’école publique de ses moyens. C’est pourquoi nous voterons contre la proposition de loi.» (Assemblée nationale, Journal officiel de la République française, vendredi 9 avril 2021). On l’aura compris, le prétendu « dépouillement de l’école publique » n’est qu’un prétexte pour justifier l’hostilité des Insoumis à la loi Molac ; il faut bien trouver des arguments lorsqu’on veut voter « contre ».

Il serait intéressant de demander l’avis d’Eddy Penven, le président de Div Yezh Breizh, l’association de parents d’élèves apprenant le breton dans l’enseignement public. « Nous représentons 103 associations locales, 1 700 familles et 10 000 élèves, sur les 20 000 qui apprennent le breton. Le nouveau contrat de plan Etat-Région prévoit 30 000 apprenants à l’horizon 2027, autant dire que la marche est haute (…) Nous allons continuer à réclamer des moyens à l’Education nationale, qui doit répondre à la demande des familles et revaloriser le métier d’enseignant », explique-t-il (Ouest-France, Bretagne, jeudi 7 juillet 2022). Que pense-t-il du cinéma du sieur Lachaud ? Que pense-t-il du mauvais coup qui serait porté à l’école publique avec le vote de la loi Molac ?

Avec LFI, Diwan est en danger

Bien sûr, les problèmes existent et le ministère traîne volontiers les pieds. Un exemple récent à Vern-sur-Seiche (près de Rennes) : ouverte en 2016, la classe bilingue français-breton de l’école Noël-du-Fail est en danger, faute d’enseignants. « Mestr a gonz brezhoneg’meus c’hoant (« Je veux un maître bretonnant »), disent les enfants. La convention Etat-Région prévoit qu’un enseignant sur deux recruté dans le premier degré devrait être bilingue au terme de la convention, soit d’ici six ans (Ouest-France, Rennes, vendredi 8 juillet 2022). Il n’y a pas que dans l’enseignement public que les choses ne s’arrangent pas. A Perros-Guirec, un projet d’annexe du collège Diwan de Plésidy au centre du Quinquis est soutenu par les autorités locales mais le conseil départemental ne bouge pas. « Où est la politique linguistique du Département ? Où est la volonté d’accompagner le développement de l’enseignement en breton ? », interroge War-Sav (gauche indépendantiste) ; ce groupe se permet même d’interpeller le président du conseil départemental : « M. Coail, c’est avant de partir en vacances qu’il faut donner une réponse aux parents. » (Ouest-France, Côtes-d’Armor, mardi 5 juillet 2022). On remarquera qu’à aucun moment il n’est question ici et là de « donner aux riches un moyen supplémentaire de déserter l’école publique » (sic)…

Les élections législatives offraient une excellente occasion de mettre sur la table la question de l’enseignement de la langue bretonne. « Le collectif national Pour que vivent nos langues (PQVNL) a diffusé auprès des candidats aux législatives un questionnaire sur la thématique des langues régionales. En Bretagne, 84 candidats ont répondu. A l’approche du second tour, le collectif Ai’ta ! et Kevre Breizh, coordination des associations culturelles bretonnes, constatent « l’absence de réponses de la très grande majorité des candidats LFI en Bretagne – malgré quelques réponses argumentées – contrairement aux autres grandes composantes de la Nupes mais aussi d’Ensemble ! ou des Républicains, qui répondent à cette demande de transparence démocratique » (Ouest-France, Bretagne, jeudi 16 juin 2022). Embêté par cette offensive des partisans de la langue bretonne, Pierre-Yves Cadalen affirme que la position de la LFI est « très claire ». « Nous sommes pour un soutien direct et important au développement de filières bilingues dans l’enseignement public et l’ouverture d’un débat sur l’intégration de l’immersif dans celui-ci », répond-il. On demande à voir… Quant au vote des députés LFI contre la loi Molac, elle est la conséquence du « sursubventionnement du secteur privé » (sic) qu’autoriserait le texte (Ouest-France, Bretagne, jeudi 16 juin 2022) Chez Diwan, on a dû apprécier la plaisanterie… Du foutage de gueule, devaient penser ses responsables.

Bernard Morvan

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “Pierre-Yves Cadalen (LFI) est un « ardent » défenseur de la langue bretonne”

  1. annavreizh dit :

    il peut tout dire , tout faire , impossible pour moi d’adhérer même une seconde au discours de ces gens là ! comment des bretons peuvent t’ils servir ou voter pour LFI représenté par un Robespierre aux petits pieds ? faut être maso ou être ennemi de la Bretagne pour le moins

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