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Tiers monde médical en France. Près de 6 infirmières sur 10 envisageraient de quitter la profession

Alors que de nouvelles fermetures de lits sont annoncées à l’hôpital cet été (source), la pénurie de soignants est devenue un enjeu de santé publique. Car désormais, tous les établissements sont concernés par le manque de personnel, y compris dans le privé .

Une des priorités : trouver des infirmiers et des infirmières. Leur présence fait cruellement défaut en France, par rapport aux autres pays européens. À titre de comparaison, une étude publiée par la revue The Lancet montre qu’il y a 211 infirmiers pour 10 000 habitants en Norvège… contre seulement 87,7 en France.

Et la situation va aller en s’aggravant ! Car aujourd’hui, les infirmiers jettent l’éponge…

La dernière étude réalisée par l’IFOP pour Charlotte K, le collectif d’infirmières qui aide les IDE à réussir leur reconversion professionnelle, jette un pavé dans la mare en révélant que 64% des infirmiers sont insatisfaits de leur situation professionnelle actuelle (vs 26% pour l’ensemble des salariés français).

“Aujourd’hui, les infirmiers ne cherchent même plus à se battre pour leur métier et pour réussir à travailler malgré les difficultés ! Ils veulent surtout fuir cette activité, en raison de sa perte d’attractivité et de sa perte de sens” explique Charlotte, la fondatrice de Charlotte K. Zoom sur les principaux enseignements de cette étude quantitative, qui a été adressée à l’ensemble des infirmiers IDE actifs qui suivent Charlotte K, Infirmiers.com… à laquelle 4183 infirmiers / infirmières diplômés d’Etat (IDE) ont répondu.

La représentativité de l’échantillon a été assurée par un redressement effectué sur la base des statistiques de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sur les critères de sexe, d’âge et de mode d’exercice (exercice en hôpital, hors structure hospitalière, en libéral ou mixte). Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 06 au 30 mars 2023.

Une situation de travail et un état d’esprit largement dégradés

Une expérience de travail qui se déprécie avec le temps

Seuls 36% des infirmiers et infirmières déclarent être satisfaits de leur situation professionnelle actuelle, dont 3% qui en sont très satisfaits. Ce premier score est inférieur de moitié à celui observé auprès de l’ensemble des salariés français (74%).

Une appréciation de la situation de travail qui a tendance à se déprécier :

  • Dans le temps : l’insatisfaction est plus marquée chez ceux qui ont 10 ans ou plus d’ancienneté dans le métier.

  • Selon la situation personnelle : les célibataires et les infirmiers qui exercent en libéral affichent un taux de satisfaction de 32% (soit -4 points par rapport à la moyenne des infirmiers), mettant ainsi en lumière l’impact d’une solitude plus marquée, au travail ou dans la vie privée.

De (trop) rares motifs de satisfaction

Sur 14 dimensions de satisfaction présentées, les infirmiers et infirmières n’en valident que 5 en majorité :

  • le sentiment d’être utiles (77%) ;

  • la reconnaissance obtenue de leurs patients (76%) ;

  • le niveau d’autonomie dans leur travail (75%) ;

  • l’ambiance de travail (66%) ;

  • leurs horaires (52%).

Ainsi, par rapport à la moyenne des salariés français, des écarts significatifs sont observés sur ces différents éléments, s’échelonnant de -7 points s’agissant du sentiment d’être utile à -38 points concernant l’accompagnement dans la gestion de leur parcours professionnel.

Seuls 14% des infirmiers et infirmières considèrent leur métier comme valorisant

En souffrance au travail, ils se sentent en majorité isolés (55%), incompris (73%), stressés (77%), non reconnus (84%) et fatigués (94%, soit la quasi-unanimité d’entre eux).

Ce qui les fait tenir ? La relation qu’ils développent avec leurs patients et la possibilité de mettre l’humain au centre de leurs priorités.

Mais dans l’ensemble, les infirmiers et les infirmières portent un regard très critique sur leur profession : 6 sur 10 ne choisiraient plus ce métier (dont 25% qui ne le referaient « pas du tout »).

Les infirmiers tirent la sonnette d’alarme : ils sont près de 8 sur 10 à témoigner de difficultés dans leurs conditions de travail, 72% au niveau de l’organisation.  Ils sont aussi près de 7 sur 10 à relater des conséquences physiques et psychologiques dues aux conditions dans lesquelles ils exercent leur profession, et cela concerne même 8 jeunes IDE sur 10 âgés de 18 à 24 ans.

Les problèmes les plus difficiles à vivre concernent :

  • la surcharge de travail (58%), dont la charge administrative, le rythme de travail très soutenu, les pauses réduites, voire inexistantes ;

  • la déshumanisation du soin et de la prise en charge des patients (47%) ;

  • la dégradation de leur état de santé psychologique (46%) : stress, burn-out, dépression, manque de sommeil ;

  • le manque de respect de la part des patients, des institutions et des pairs (33%) ;

  • le manque de personnel (33%).

Un niveau de bien-être qui se dégrade

Seule une petite moitié de soignants (54%) se révèle dans une situation de bien-être général.

Exception faite des éléments relatifs à leurs relations sociales et au plaisir qu’ils prennent dans leur quotidien en dehors du travail, ils ne sont plus que 42% à se révéler en situation de bien-être, soit à peine plus de 4 infirmiers et infirmières sur 10.

Un niveau d’absentéisme deux fois plus élevé que la moyenne des salariés français

60% des infirmiers et infirmières déclarent avoir été arrêté depuis début 2022 (+10 points par rapport à la moyenne des salariés français), avec un nombre moyen de 17 jours d’arrêt (vs 9,7 jours). Et cet indicateur pourrait être sous-évalué, puisque certains sont contraints de travailler, par manque de remplaçants (ex. : infirmiers libéraux) alors qu’ils devraient ou souhaiteraient s’arrêter.

À noter que 26% s’arrêtent en raison de risques psycho-sociaux comme les situations de stress, mais aussi les burn-out et dépressions liés à l’épuisement professionnel, le surmenage et la fatigue accumulée.

Des secteurs précis particulièrement touchés

Parmi tous les infirmiers et infirmières, certains sont plus impactés que d’autres :

  • les 18-24, qui viennent de commencer leur carrière, sont davantage sujets à des souffrances psychologiques : 80% rencontrent des difficultés PHYSIQUES ET PSYCHOLOGIQUES dans leur TRAVAIL, inquiétant quand on sait qu’ils commencent à peine leur carrière

  • les infirmières libérales (32 % sont satisfaites de leur travail) à cause des difficultés dues à leur statut ;

  • les femmes en général, puisqu’elles sont plus nombreuses que les hommes à exercer ce métier.

  • les infirmiers en situation d’aidant. Ils sont 36% à être aidant dans leur vie personnelle, en cumul de leur emploi

Les solutions au mal-être infirmier : comment éviter la fuite des métiers de soin ?

Aucune des mesures déjà prises par le gouvernement n’est jugée efficace par la majorité des infirmiers et infirmières.

Les solutions jugées prioritaires par plus des deux tiers des répondants ont en commun l’amélioration des conditions de travail :

  • 95% attendent une augmentation des effectifs,

  • 89% une augmentation de la rémunération,

  • 75% attendent un changement des méthodes de management,

  • 72% une réduction de la charge administrative,

  • et 69% une augmentation des moyens matériels.

En dehors des structures médicales, trois solutions principales émergent pour un mieux-être infirmier : 39% évoquent des compensations matérielles (garde d’enfant, heures de ménage…), 33% l’accompagnement pour l’évolution professionnelle et 32% des avantages associés au statut d’infirmer (priorité d’accès aux soins, participation aux frais de transports, etc.).

Un manque d’accompagnement partent alors que 57% envisagent de s’éloigner de la profession

Au cours des deux dernières années, moins de la moitié des infirmières et infirmiers (44%) a connu au moins une forme d’accompagnement dans leur évolution professionnelle : 22% ont été informés de leurs possibilités d’évolution, 22% ont reçu une formation de la part de leur employeur et 16% ont effectué un bilan de compétences.

Pourtant, ils sont près de 6 sur 10 à vouloir exercer un autre métier, dont 23% qui souhaitent même quitter le secteur de la santé.

Mais ce n’est pas si simple ! Les freins à lever restent nombreux :

  •  52% évoquent n’avoir pas le temps ou les moyens financiers de reprendre une nouvelle formation ;

  • 46% craignent de ne pas améliorer leur situation avec cette transition ;

  • 38% se sentent démunis et pas nécessairement capables et la même proportion manque d’envie ou d’inspiration ;

  • plus de 1 sur 4 (27%) évoquent leur attachement à leur environnement de travail actuel.

Tout le monde constate que la France est un pays en voie de tiers mondisation avancé. L’effondrement progressif du système de santé en est une des preuves, flagrantes. Mais manifestement, les priorités budgétaires des autorités sont ailleurs, et pour d’autres publics…

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Tiers monde médical en France. Près de 6 infirmières sur 10 envisageraient de quitter la profession”

  1. andré dit :

    La dégradation de ” l’humain ” dans la société affecte tous les secteurs notamment ceux de la santé. Pour nos dirigeants managers mondialistes, la rentabilité et le profit financier passe bien avant le bien-être de la population. Des mois pour un rendez-vous médical, des urgences, des cliniques qui ferment, kinés, infirmiers, orthophonistes, psychologues complètement débordés et l’ Hôpital saturé d’administratifs au détriment des soignants…..la profession d’infirmier(e) ne fait plus rêver car si on n’est pas confronté à la maladie ou à la perte d’autonomie, les soins à la personne n’intéressent plus grand’ monde et la médecine à 2 vitesses sera mise en place par les financiers très bientôt.

  2. mouchet dit :

    400 milliards pour l’armement et 2 milliards pour les hôpitaux et la santé, avec des salaires de misère pour tout les professionnels hospitaliers. Cherchez l’erreur même un enfant de 6 ans vous dirait qu’il y a une disproportion effarante. C’est à pleurer de voir le mépris des lobbies de l’armement et du gouvernement envers la population française qui finance par ignorance les guerres et les armes au détriment de leur santé qu’elle finance. Cette population est donc en droit de réclamer des comptes sur la dictature démocratique que nous vivons.

  3. Henri dit :

    Commençons par rendre la gestion de la santé aux soignants, donc fermer les ARS, organismes d’inspiration énarchique responsables de la majorité des dysfonctionnements. Témoignage d’un ex-médecin hospitalier : “Lorsque j’ai commencé ma carrière, il y avait dix médecins et trois administratifs au Conseil de Direction de mon hôpital. Lorsque je suis parti, il y avait le même nombre de médecins (dix), mais trente administratifs.” La Santé française est totalement soviétisée, elle finira par imploser comme la défunte URSS, et il faut agir avant que ça fasse mal, très mal.

  4. Il est essentiel de trouver une solution pour éviter la fuite des métiers de la santé dont il peut créer un cadre du travail agréable et convivial ou lancer la création du métier d’infirmier en pratique avancée (IPA).

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