Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

David Chanteranne (Chronique des territoires) : « Les anciens duchés ou comtés, puis les provinces et départements ont été à l’origine de notre actuelle France » [Interview]

Les éditions Passés composés ont sorti un livre signé David Chanteranne, historien, journaliste, intitulé « Chronique des territoires, comment les régions ont construit la nation », présenté ainsi par l’éditeur :

Il n’y aurait de France que parisienne. À l’image de notre pouvoir, l’histoire serait « centralisée ». Or, de la fin de l’Antiquité au XXe siècle, les événements démontrent exactement le contraire. Les drames et les triomphes de la France ont eu, au moins à parts égales, pour théâtre la province et Paris. De la fondation de Marseille par les Phocéens à la rencontre du chancelier Adenauer et du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, en passant par la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc, l’entrée de Napoléon à Grenoble au début des Cent-Jours ou encore la défense de Belfort par Denfert-Rochereau pendant la guerre de 1870, David Chanteranne revient sur le rôle décisif et parfois méconnu des régions dans la construction de la nation. Outre de rappeler, avec verve et clarté, le récit de ces événements fondateurs, l’historien mène une enquête de terrain afin d’identifier ce qu’il reste, concrètement ou symboliquement, de ces vestiges du passé. Il interroge la force des lieux, les raisons de leur puissance, les causes qui en ont fait des mythes et, parfois, celles qui les ont fait oublier. 

Pour évoquer cet ouvrage, nous avons interviewé l’auteur.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

David Chanteranne : Historien et journaliste, je suis rédacteur en chef de plusieurs magazines d’histoire et directeur des sites patrimoniaux de Rueil-Malmaison. Né à Épinal, j’ai passé ma jeunesse à Plombières-les-Bains, station thermale vosgienne et, après des études à Strasbourg, ai achevé ma formation à Paris avec Jean Tulard. Je suis l’auteur de nombreux articles et livres, en particulier spécialiste de la période consulaire et impériale, et à ce titre j’ai signé plusieurs livres dont Les douze morts de Napoléon (Passés Composés, 2021, réédité cette année en poche chez Alpha).

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a inspiré à explorer le rôle des régions dans la construction de la nation française ? Comment votre livre s’intègre-t-il dans le débat actuel sur la centralisation et la décentralisation en France ?

David Chanteranne : Le double héritage de l’Ancien Régime et de l’Empire, à la fois au temps de Louis XIV puis des influences jacobines, a cherché à concentrer la représentation nationale et, par extension, à résumer l’histoire de la construction étatique à partir de Paris. Or, bien au contraire, les anciens duchés ou comtés, puis les provinces et départements ont été à l’origine de notre actuelle France. Sans les régions et leurs particularismes, sans les épisodes historiques qui ont à la fois bouleversé l’équilibre et rebattu les cartes dynastiques ou politiques, rien n’aurait été pareil.

Breizh-info.com : Comment avez-vous choisi les régions et les événements à mettre en avant dans votre livre ?

David Chanteranne : L’ouvrage n’est ni systématique dans la sélection proposée, ni exhaustif dans les épisodes relatés. Au gré de pérégrinations, de sites choisis ou d’événements qui s’y sont déroulés, cette série de chapitres cherche avant tout à brosser les portraits et de couvrir les époques en insistant sur les moments de rupture ou parfois de construction.

Breizh-info.com : Sur les épisodes napoléoniens, pourquoi avoir choisi de consacrer deux chapitres aux figures de Napoléon Ier et Napoléon III ? Comment ces figures napoléoniennes incarnent-elles l’interaction entre le local et le national ?

David Chanteranne : Évidemment, spécialisé sur les périodes napoléoniennes, je ne pouvais faire l’impasse sur ces deux souverains. Mais le choix des événements relatés est caractéristique : Grenoble en 1815 est le moment où deux France – royaliste et bonapartiste – s’opposent frontalement au moment du retour de Napoléon Ier de son exil de l’île d’Elbe avant les Cent-Jours ; et la visite de Napoléon III à Nice en 1860 avec son épouse Eugénie marque le rattachement de la ville avec son territoire (ainsi que la Savoie) à la France.

Breizh-info.com : Comment la mémoire collective et le patrimoine matériel et immatériel jouent-ils un rôle dans la construction de la nation ?

David Chanteranne : Par les sources, tout autant manuscrites, qu’imprimées ou archéologiques, par les sites patrimoniaux qu’il s’agisse d’églises, de châteaux, monuments, demeures privées mais aussi de terres parfois méconnues, le livre cherche à montrer la diversité de ces moments d’histoire, leurs répartitions géographiques et ce qu’il reste aujourd’hui de cet héritage, dont nous sommes les dépositaires.

Breizh-info.com : Certaines régions ne sont pas évoquées. La Bretagne en tête mais pas que. Est-ce une forme de reconnaissance que si des régions ont construit la nation, d’autres, en hexagone, ont toujours été plus ou moins hostiles, ou réfractaires à cette construction ?

David Chanteranne : La Bretagne est au contraire bien représentée. Même si aucun chapitre ne porte un titre en référence à un lieu breton, le destin d’Anne de Bretagne est rappelé jusqu’à son union et poursuivi jusqu’à sa disparition, tandis que la conquête du Canada, décidée lors de la rencontre du roi François Ier avec Jacques Cartier, est surtout organisée à partir de Saint-Malo, en particulier de Rothéneuf où se trouve toujours la maison du grand explorateur. Comme pour la Bretagne, il en va de même des autres régions, qui sont d’une manière ou d’une autre, impliquées dans notre destin commun et rappelées de façon liminaire.

Breizh-info.com : Quels autres livres, sur la même thématique, suggéreriez-vous à nos lecteurs ?

David Chanteranne : Bien évidemment, les grandes histoires de France signées Michelet, Lavisse, Malet et Isaac ou d’autres historiens continuent d’être des références. Pourtant, les ouvrages les plus récents rétablissent une certaine vérité, car les sources sont nombreuses et les techniques ont profondément évolué, notamment depuis la réforme proposée par l’école des Annales et jusqu’aux dernières récentes années. Pour ne retenir qu’un titre, il est évident que les Lieux de mémoire, ouvrage collectif dirigé par Pierre Nora, et paru entre 1984 et 1992, vient immédiatement à l’esprit. À cela s’ajoutent les nombreux livres, notamment dictionnaires, mais aussi revues, émissions de télévision ou de radio, sans omettre les sites internet et vidéos des universitaires et spécialistes.

Propos recueillis par YV.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

5 réponses à “David Chanteranne (Chronique des territoires) : « Les anciens duchés ou comtés, puis les provinces et départements ont été à l’origine de notre actuelle France » [Interview]”

  1. Alan al Louarn dit :

    Pour la France, l’origine est bien évidemment las cités gauloises, dont le nom se retrouve dans la majorité de nos grandes villes (Paris, Lyon, Nantes, Rennes, Tours, Angers, Amiens Caen, Rouen, Chalons, etc etc….) L’autre origine est à trouver dans les évêchés, qui aussi correspondent souvent auc cités gauloises, et que les départements (sauf en Bretagne) reprennent.

  2. Henry Renoul dit :

    Et la Vendée militaire et son histoire ?

  3. Le Celte dit :

    La France n’est qu’un assemblage de régions qui s’est fait dans le sang .
    Certains historiens Français manipule le passé, la France ne va jamais reconnaître le génocide des Vendéens et les exactions des troupes Française sur la population.
    Regardez l’épisode de la guerre 14-18 des soldats Bretons fusillés sur ordres des gradés Français par ce qu’ils n’avaient pas suivit les ordres car ils ne comprenaient et ne parlaient pas Français.
    J’ai découvert la manipulation la France de l’état major , des soldats sont morts après l’armistice par ce que des gradés voulaient continuer et ils ont fait croire qu’ils étaient mort 1 ou 2 jours avant.
    Pendant la première guerre mondiale 200 000 Bretons sont morts et quel à été le remerciement ?
    L’état Français et les instituteurs ceux sont acharnés sur les descendants pour les empêchés de parler leur langue.
    Combien connaissent ce qui s’est passé à Dixmude en Belgique.
    L’état major Belge demandait des renforts et les Français ont fait venir des marins Bretons en se disant cela va calmer leurs demandes et ce n’est pas grave .
    Ont ne va pas leur donner des troupes d’élite.
    Nos ancêtres ceux sont battus comme des guerriers jusqu’à déclencher l’admiration des habitants.
    Un lien très fort existe encore entre les descendants de ces hommes valeureux.
    L’appartenance à une nation ne se fait pas avec le bon vouloir des politiciens et des historiens.

  4. Patrick Yves GIRARD dit :

    Un ouvrage qui ne remet en rien en cause le roman national enseigné aux petits hexagonards victime d’un véritable lavage de cerveau. Ce “travail” ne fait qu’encenser la gloriole nationaliste et même plutôt impérialiste française. L’antidote, à lire absolument, réside dans l’ouvrage de Suzanne CITRON intitulé “Le mythe national” qui démystifie les prétentions des “historiens” français de l’acabit de notre journaliste-historien Mr Dechanteranne depuis nos ancêtres les gaulois, sans rire, en passant par Charlemagne empereur des francs/français s’exprimant en francique idiome germanique et résidant à Aachen Allemagne actuelle jusqu’à la libération de la france qui serait due à l’activité de la résistance française en aux Etazuniens !!!

    • jojo dit :

      Les français disent que Charlemagne était français, les allemands disent qu’il était allemand. Réalité: il n’était ni l’un ni l’autre :-D C’était un roi franc, germanique puis l’empereur d’occident.

      Et oui, le délire de nos ancêtres les gaulois: ok, sauf que les gaulois n’ont jamais formé un peuple, et ce nom vient des romains. Les “gaulois” semble-t-il reconnaissait tout au plus appartenir à la civilisation celtique.

      On est bien dans le roman national…

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Culture, Culture & Patrimoine

Le grand livre des Echecs, Chronique des territoires, Dictionnaire amoureux du rugby des temps modernes, Sauvons nos enfants, le Japon en guerre : la sélection littéraire hebdo

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky