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La revue Eléments : 50 ans de combat culturel, avec François Bousquet

Ecrivain, journaliste, animateur sur TV Libertés des émissions “Le + d’Eléments” et “Orages de papiers”, François Bousquet est aussi et surtout le rédacteur en chef d’Eléments, la revue qui fête cette année ses 50 ans. Eléments a été à l’avant-garde contre le terrorisme intellectuel, la pensée unique ou la police de la pensée. Aujourd’hui, l’équipe rédactionnelle du magazine considère, alors que le Système s’effrite mais se radicalise, que l’ennemi réel des libertés est le wokisme.

Ce thème sera abordé, parmi beaucoup d’autres, au cours du colloque des 50 ans de la revue qui se déroulera le samedi 30 septembre à Paris.

A quelques jours de ce colloque, nous avons interrogé François Bousquet.

Breizh-info.com : Comment décririez-vous l’évolution de la revue “Éléments” au cours de ces 50 dernières années ? Quels ont été les moments clés de cette évolution ?

François Bousquet : Éléments a suivi l’évolution de la Nouvelle Droite (ND) à laquelle il est organiquement, structurellement, philosophiquement lié. C’est une histoire faite de haut et de bas, d’éclaircies et de tempêtes, souvent rythmée par les polémiques : l’été 1979 contre la ND, l’attentat de la rue Copernic en 1980, le complot rouge-brun en 1993, la nouvelle formule en 2015 avec la polémique Michel Onfray-Manuel Valls autour d’Alain de Benoist. C’est donc une histoire qui n’est pas linéaire, mais cyclique, comme notre vision du monde à vrai dire. Raconter l’histoire d’Éléments, c’est raconter celle de la ND. Mais je crois que cette histoire se distingue d’abord par ses permanences. Les grands thèmes ne disparaissent pas, ils peuvent être mis en sourdine, au sens musical du terme, mais ils perdurent. Disant cela, je n’ignore pas qu’il y a dans toute école de pensée des éléments de continuité et de rupture, ne serait-ce que par hygiène intellectuelle préventive contre les risques de pétrification et d’asséchement. Le danger pour toute pensée, c’est de passer en pilotage automatique, sinon même en pilotage dogmatique. Il ne faut donc rien s’interdire.

Breizh-info.com : De Jean-Claude Valla à Pascal Eysseric, en passant par Michel Marmin, Pierre Vial ou Charles Champetier, Éléments, c’est aussi une affaire de patron de la rédaction ?

François Bousquet : Éléments a toujours reflété la personnalité de ses rédacteurs en chef. C’est ce qu’on raconte dans le prochain numéro qui sortira pour le colloque des 50 ans. Ils ont tous imprimé leur marque, les uns plus journalistique, les autres plus intellectuelle. Le premier Éléments, celui de Jean-Claude Valla, en 1973, et le dernier, celui de Pascal Eysseric, en 2023, me semblant les plus aboutis. Pourquoi ? Parce que c’est le bon dosage, un mélange de ton et de fond, de sujets centraux et de sujets transversaux, actuels et inactuels. Éléments est un produit journalistique hybride, par son histoire, sa périodicité, son côté intello et polémique, à mi-chemin de la revue et du news magazine. C’est à la fois un journal vénérable – 50 ans – et rajeuni, sportif, pétulant. C’est le poids des mots et le choc des idées. Secouez et agitez tout ça, et vous avez le bon cocktail, la bonne formule, le ticket gagnant. Être à la fois réac et sexy. The place to be. Les journalistes mainstream sont souvent des robinets d’eau tiède. Ils se fournissent chez le même fournisseur de guimauve idéologique. Ils se copient, ils se polycopient, ils se photocopient. Ce sont des copies conformes au sens administratif du terme : certifiées conformes. Ils dénoncent les stéréotypes, mais eux-mêmes sont des stéréotypes. Tout, sauf ça à Éléments. On est un journal à part, vraiment à part, où il y a toujours eu un heureux mélange d’intellos et de littéraires, de journalistes et d’essayistes, de style et d’idées, avec un éditorialiste hors-norme, Alain de Benoist. 

Breizh-info.com : En tant que rédacteur en chef, quelles ont été vos plus grandes réalisations et défis avec la revue “Éléments” ?

François Bousquet : Si je ne devais répondre qu’à partir des unes, je vous dirais Michel Onfray, Gérard Depardieu, Mathieu Bock-Côté, Marcel Gauchet, Christophe Guilluy, Sylvain Tesson, etc. La pêche aux gros, la pêche aux originaux, la pêche aux couv’. C’est indiscutablement une réussite de la nouvelle formule d’Éléments. Mais les unes ne pérennisent pas un journal sur la longue durée. Plus fondamentalement, plus profondément, notre vraie réussite, c’est, je crois, d’avoir pris date avec les sujets structurants en profondeur les champs politique, sociologique, économique, géopolitique, d’aujourd’hui et de demain. Le suivi de la France périphérique qui vote Marine, les Gilets jaunes, la fin de la classe ouvrière blanche, le libéralisme autoritaire, le gouvernement des juges, le populisme, l’illibéralisme, l’écologie, la guerre contre la Russie, la généalogie du wokisme, l’avènement des États-civilisations, etc. Ce n’est pas tout de traiter ces sujets, encore faut-il les traiter en feuilleton, au long cours. Une gageure pour le journalisme. Rappelez-vous Péguy : « Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. » La différence entre Éléments et je ne sais quel news magazine, c’est qu’on y écrit pour être relu dans six mois ou six ans. Pour enrayer le processus d’obsolescence programmée du journal, pour survivre à la déprogrammation de l’actualité. « Comment construire un univers qui ne tombe pas en morceaux au bout de deux jours », se demandait Philip K. Dick dans une fameuse conférence. Voilà notre objectif.

Breizh-info.com : La revue “Éléments” a été décrite comme étant à l’avant-garde contre le “terrorisme intellectuel” et la “pensée unique”. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette position et comment elle s’est manifestée dans le contenu de la revue ?

François Bousquet : Une des missions de la Nouvelle Droite, à commencer par Alain de Benoist, aura été d’ouvrir de nouvelles voies navigables au débat d’idées, un travail pionnier donc ; cela vaut pour Éléments, être une tête de pont, une tête chercheuse. Un bon journaliste, un bon chercheur, c’est celui qui a des antennes réceptrices qui lui permettent de capter les ondes avant tout le monde et des antennes émettrices qui lui permettent d’envoyer un signal avant tout le monde. Mais le journaliste a ici un avantage décisif sur le chercheur : contrairement à lui, il n’a pas à s’abriter derrière une neutralité axiologique paralysante, il prend parti non pas en militant qui réciterait un catéchisme, mais par des biais et des angles qui lui sont propres, de manière indirecte et suggestive. Sur les sujets que vous évoquez et qui tournent autour des métastases du politiquement correct, depuis le puritanisme jusqu’au wokisme, c’est indispensable. Il y a un continuum chez notre adversaire… et chez nous. Nous en parlons depuis 50 ans, toujours avec un temps d’avance. Au début, les gens vous regardent comme si vous parliez de physique quantique. Hein, quoi, la déconstruction ? Hein, les discours de haine ? Hein, le wokisme ? Késako, de quoi qui cause le monsieur à lunettes ? Et puis ils finissent par comprendre qu’ils y sont plongés jusqu’au cou.

Breizh-info.com : Comment la revue “Éléments” a-t-elle influencé ou reflété les débats culturels et intellectuels en France au cours des 50 dernières années ?

François Bousquet : Dans les années 1970, Éléments n’a fait que cela, mais il serait faux de croire que depuis on fait le service minimum : il a toujours été question pour nous d’investir les grands débats de société. Un des paradoxes d’Alain de Benoist, c’est qu’il a théorisé le combat culturel, la lutte pour l’hégémonie, le gramscisme de droite, et qu’il y a en partie renoncé – lui, pas ÉlémentsÉléments a même été créé en 1973 pour donner le change à Nouvelle École, qui était alors la revue phare de la Nouvelle Droite (le GRECE à l’époque, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), mais très savante, très érudite, très classieuse, pas assez investie dans l’arène publique. Éléments a initialement été conçu comme un journal de combat. Il ne faut pas l’oublier. Il y a des penseurs et des passeurs. Éléments a un rôle de passeur. Si vous regardez le nombre de sujets, de thématiques, de concepts, que nous avons introduit dans le débat public, notamment à droite, c’est impressionnant. Je suis presque confus de le dire. La décroissance, la critique de la valeur, le QI, la génétique, l’économie du don, les communs, l’illibéralisme, le fédéralisme, le localisme, l’identitarisme, le socialisme des origines, les débats communautariens versus libertariens et j’en passe. Toujours en prenant partie, sans se cacher derrière notre petit doigt. Nous sommes dans notre rôle quand nous consacrons un grand dossier au phénomène du youtubing. Les médias centraux, qui vivent en vase clos, ne mesurent pas l’efflorescence des pensées dissidentes sur Internet et ces pensées dissidentes ne parlent pas aux médias centraux. Ce sont deux mondes qui s’ignorent. Éléments est à la croisée, entre les deux, un pied dans le système, un pied en dehors. Cela nous octroie paradoxalement une place centrale, quoique décalée

Breizh-info.com : Quels sont les auteurs ou les penseurs qui ont le plus influencé la direction et la vision de la revue “Éléments” ?

François Bousquet : Le lundi, je vous répondrais Jérôme Fourquet (La France sous nos yeux, à situer quelque part entre le livre de l’année et le livre de la décennie pour le cas français), le mardi Patrick Buisson, le mercredi Jérôme Sainte-Marie, le jeudi Jean-Claude Michéa, etc. Cela étant dit, s’il y a un nom qui nous accompagne depuis qu’on a lancé la nouvelle formule, c’est Michel Onfray. Il est là à intervalles réguliers, ses sujets recoupent souvent les nôtres, même si chez nous le « front » est plus populiste et chez lui plus populaire. Mais ce sont d’abord des courants de pensée que nous explorons, fidèles en cela à Alain de Benoist. Le renouveau des penseurs anglo-saxons contre le libéralisme avec Thomas Hennetier, le continent largement inexploré par les droites identitaires des « communs » avec Guillaume Travers, l’alter-féminisme avec David L’Épée, etc.

Breizh-info.com : Quels sont vos projets ou aspirations pour les prochaines années ?

François Bousquet : J’espère – c’est un de mes vœux les plus chers – que nous nous assignerons de plus en plus la nécessité d’être une avant-garde porteuse d’un renouveau des formes et des idées. Prendre date avec le futur. Introduire de nouveaux paradigmes. Dresser l’inventaire des ruines et poser de nouvelles fondations. Être d’avant-garde, c’est exclure d’emblée le gros des troupes, le ventre mou, les gnous, le banc de sardines. Ça ne veut pas dire qu’on se réfugie dans une tour d’ivoire splendide et isolé, qu’on ne cherche pas de nouveaux lecteurs. On en cherche, même si par définition notre public ne sera pas le très grand public.

Breizh-info.com : Quelle est la relation entre la Nouvelle librairie et la revue “Éléments” ? Comment ces deux entités se complètent-elles ?

François Bousquet : Inutile de dire que les liens sont forts. La Nouvelle Librairie édite quelques-uns des rédacteurs d’Éléments, mais elle n’est pas la maison d’éditions de la Nouvelle Droite comme ont pu l’être par le passé les éditions Copernic ou celles du Labyrinthe. Le choix de ses fondateurs et de Sixtine Jeay, qui aujourd’hui la dirige, a été d’ouvrir, de désenclaver, de politiser des choix éditoriaux indépendants et distincts d’Éléments, en assumant des partis pris à la fois plus droitiers et plus œcuméniques, si je puis dire.

Propos recueillis par YV

Et pour aller plus loin, ci-dessous :

Crédit photo : DR
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Une réponse à “La revue Eléments : 50 ans de combat culturel, avec François Bousquet”

  1. Brunrouge dit :

    Quand ils soutiennent Miche Onfray et Eric Zemmour, tu comprend bien qu’il s’agit d’une nouvelle nouvelle droite qui ne risquera pas de finir à la 17ème chambre. Trop snobs ils ont le rejet du nationalisme qui est un mot fort et qui engage, pour se dire identitaires et souverainistes. Deux mots de l’auberge espagnole de la réflexion politique. Un confort intellectuel bourgeois dans un club d’anciens qui ont bien pensé à une époque de leur vie mais qui ont choisit l’entre-soi plutôt que le combat.

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