Jonathan Guémas : de Bédée à l’Elysée

Il y a des gens qui démarrent  tôt en politique ; c’est le cas de Jonathan Guémas qui est candidat aux élections municipales dans sa commune Bédée (entre Rennes et Montfort-sur-Meu) à dix-huit ans. Malheureusement, la liste d’union de la gauche sur laquelle il figure (« La voie citoyenne, des énergies nouvelles pour Bédée –Loïc Berthelot ») n’arrive qu’en seconde position au premier tour (9 mars 2008) et Guémas n’est pas élu. Il retente sa chance aux élections régionales de 2021. L’ancien militant PS – tendance sociale-démocrate – est devenu macroniste et figure donc sur la liste « Nous la Bretagne » (LREM, MoDem, Agir, UDI) conduite par Thierry Burlot. Dans la section Ille-et-Vilaine, Jonatham Guémas occupe modestement la quatrième place avec comme indication professionnelle : « conseiller du président de la République » (sic). Au second tour (27 juin 2021), la liste « Nous la Bretagne » n’obtient que 14,75 % des suffrages exprimés et seulement neuf élus (Olivier Allain, Stéphanie Stoll, Tristan Bréhier, Alexandra Guilloré, Marie-Pierre Vedrenne, Bernard Marboeuf, Anne Patault, Anne le Hénanff, Yves Bleunven) – nouvel échec pour Guémas.

Pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, on trouve Guémas à l’Elysée ; en 2019, il devient « conseiller discours », c’est-à-dire « plume » ou bien « nègre ». « Pour étoffer le logiciel macronien et le mettre à jour, il invite ou visite des philosophes, des universitaires, des économistes, des sondeurs… » (L’Express, 27 janvier 2022). Mais sa préférence va à « un Internet où les influenceurs et les gamers ont plus de notoriété que le Premier ministre ; un Internet qui lui permet d’appréhender les imaginaires d’une jeunesse à laquelle  les responsables politiques ne disent rien. » (L’Express, 27 janvier 2022). Au préalable, « sa plume aussi affûté qu’élégante, est mise à contribution dans l’élaboration du livre programme Révolution (éditions XO) ». « Il s’impose comme l’un des hommes-clés de l’Elysée. Fusionnant ses compétences en écriture avec la vision politique du Président » (Le Journal du dimanche, 7 janvier 2024)

A l’été 2022, Guémas  part chez Publicis, le troisième groupe mondial de com’ ; le salaire y est certainement plus nourrissant qu’à la présidence de la République… Retour au bercail le 9 janvier, après un an et demi passé chez Publicis, jour où il prend officiellement ses fonctions de « conseiller spécial du Président chargé de la communication » – job qu’occupait Franck Louvrier (LR), maire de La Baule, pendant le mandat de Nicolas Sarkozy. « Alors que le chef de l’Etat peine à relancer un second mandat mal né et mal emmanché, ce retour marque une volonté de reprise en main au sein de la maison Elysée. » (Le Figaro, mardi 9 janvier 2024). « Veillant désormais depuis le “Château“ à la communication présidentielle, Jonathan Guémas sait que le challenge s’annonce périlleux. Car, dans une société française  fracturée, il devra trouver les mots pour faire nation malgré le chaos ambiant. » (Le Télégramme, mardi 9 janvier 2024). Il paraît qu’il est convaincu de la nécessité de faire éclater les “bulles cognitives“ depuis qu’il a lu le sociologue Gérald Bronner… (L’Express, 27 janvier 2022).

Guémas a du pain sur la planche

En matière de “bulles cognitives“, on peut faire simple en s’intéressant aux principales préoccupations des Français. Le baromètre « Ipsos-La Tribune Dimanche » répond à la question. Pour 55 % des personnes interrogées, ce sont les difficultés liées au pouvoir d’achat (hausse des prix, salaires, impôts, etc.). Pour 40 %, c’est l’avenir du système social (santé, retraites…). Pour 32 %, c’est le niveau de l’immigration (La Tribune Dimanche, 21 janvier 2024). Guémas peut également se préoccuper de la cote de confiance du président de la République : 24 % des Français font confiance à Emmanuel Macron, 70 % ne lui font pas confiance et 6 % sont sans opinion (Verian-Epoka, Le Figaro Magazine, 12 janvier 2024). Voilà des données simples qui éviteront à Guémas d’avoir à se prendre la tête ; il n’est pas obligé de relire Gérald Bronner !

En Bretagne, tout n’est pas perdu pour Guémas. En effet, si Marie-Pierre Vedrenne était réélue député européen en juin, elle pourrait être priée d’abandonner son siège au conseil régional de Bretagne – elle figurait dans la section Ille-et-Vilaine de la liste de Burlot. « Si l’on suit l’ordre de la liste aux Régionales, le prochain à faire son entrée dans l’hémicycle bretons serait alors… Jonathan Guémas » (Ouest-France, Bretagne, 14-15 janvier 2024). Quand on est proche du Bon Dieu, on peut bénéficier d’un coup de pouce efficace ! On est forcément prioritaire…

Bernard Morvan