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Pilote sacrifié, nouveau manga sur le sacrifice des kamikazes

Depuis une vingtaine d’années, de nombreux mangas exaltent la bravoure, mais s’interrogent aussi sur le sacrifice des soldats nippons. Une nouvelle série, Pilote sacrifié, qui s’inscrit dans cette veine, révèle l’étonnant parcours d’un pilote kamikaze qui a survécu à neuf missions suicide.

1- Tomoji Sasaki, né en 1923 au sein d’une famille nombreuse, aime se rendre sur le toit de la maison pour admirer les avions dans le ciel. Pendant ses études, on lui enseigne à l’école que le Japon est en droit de nourrir des ambitions territoriales, mais s’en désintéresse et n’aspire qu’à devenir pilote. Il s’inscrit à 17 ans au centre de formation des pilotes de la région de Sendai. Le jeune homme peut ainsi vivre sa passion. Mais, après Pearl Harbor, ce centre passe sous le contrôle de l’armée de terre. Sasaki, talentueux, devient rapidement moniteur. Mais, en 1944, le vent de la défaite se lève sur le Japon. L’armée fait alors appel à lui pour devenir pilote au sein de l’une des premières escadrilles de kamikazes. Il doit ainsi piloter un bombardier léger bimoteur Type 99 avec trois tubes longs et minces dans le nez. Il comprend immédiatement qu’il s’agit de détonateurs à percussion des bombes à bord.

Lors de sa première mission de kamikaze, il est porté disparu et considéré comme mort. Le 14 novembre 1944, dans le village de Tôbetsu, ses parents organisent ses funérailles. Son épouse est partagée entre chagrin et honneur. Mais Tomoji est en réalité revenu vivant. Il est parvenu à lancer sa bombe sur un navire, sans se sacrifier, puis à se poser sur une île, avant de rentrer à la base. Mais son retour parmi les vivants est mal perçu par ses chefs. Lors de sa deuxième mission, on lui ordonne de mourir, conformément au rapport déjà remis à l’Empereur. Mais il revient encore vivant… Il ouvre alors les yeux sur le sacrifice inutile de ses camarades et affiche même sa volonté de vivre.

Le scénariste Shoji Kokami révèle ainsi le parcours véridique de Tomoji Sasaki, qui avait intégré Bandatai, la première unité d’ « attaque spéciale », c’est-à-dire composée de kamikazes. Il a survécu à neuf missions suicide en novembre et décembre 1944. Pour certaines, il n’a pas pu approcher des navires ennemis, en raison de l’attaque d’avions américains, du mauvais temps… Mais lors de deux missions, il a été considéré comme mort. Ce pilote prudent et chanceux, désireux de survivre, est décédé le 9 février 2016

Le scénario reste toujours bien rythmé, mais souvent brusque dans ses transitions. Il se garde de toute critique de l’impérialisme du Japon. C’est le principe des missions-suicides qui est présenté comme inutile, puisqu’il aboutit au sacrifice d’excellents pilotes pour des résultats dérisoires. Si les pilotes nippons sont tous prêts à se battre pour leur pays, tout en acceptant le risque de mourir au combat, peu admettent l’idée de se sacrifier en projetant leur avion sur un navire ennemi. A aucun moment n’est critiqué le fait de mourir pour sa patrie, dès lors que c’est dans le cadre d’un véritable combat.

Le dessin réaliste de Naoki Azuma, né en 1978, est d’une noirceur intense. Les scènes aériennes sont spectaculaires.

2- Cette série manga s’inscrit dans la veine d’œuvres, peu nombreuses, révélant la bravoure et le sacrifice des soldats nippons. Au sujet de la seconde guerre mondiale, deux courants coexistent. D’une part, le manga Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa représente le courant de victimisation. On y dénonce les bombardements atomiques. D’autres part, d’autres mangas exaltent le soldat nippon.

Le dessinateur japonais Seihō Takizawa est ainsi connu pour sa représentation souvent élogieuse des pilotes nippons pendant la guerre du Pacifique. Takizawa a multiplié les récits courts (Japanese Interceptors 1945 ; L’as de l’aviation ; Un cri dans le ciel bleu). Spécialisé dans les récits de bataille aérienne, d’une grande rigueur historique, son œuvre la plus connue reste 103e escadrille de chasse. Dans 103e escadrille de chasse, le sous-lieutenant Yoshio Matsumoto, pilote de l’Armée impériale japonaise, affronte les forces aériennes alliées à bord de son Kawasaki Ki-61 «Hien». Mais son œuvre la plus captivante reste Sous le ciel de Tokyo. On est en 1943, en Birmanie. L’issue du conflit commence à tourner au désavantage des forces japonaises. Le capitaine Shirakawa, as de l’aviation japonaise, regrette que les forces américaines imposent leur suprématie grâce à des avions plus performants. Il est, dès lors, soulagé d’être muté dans un centre d’essais aériens comme testeur des prochains modèles. Il pourra ainsi tous les soirs rentrer chez lui, à Tokyo, près de son épouse. Mais il va découvrir que le Japon est survolé par un nouveau bombardier : le Boeing B-29 Superfortress…  Takizawa réalise un superbe travail graphique. De son dessin précis et fluide se dégage subtilement une certaine sensibilité, permettant de faire passer l’émotion des pilotes nippons. Dans une mise en page dynamique, il reproduit avec minutie les avions de combat.

3- L’île des téméraires raconte un épisode méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, celui de “kamikazes des mers”. En septembre 1944, les forces américaines ont pris le contrôle de l’Océan pacifique. Les japonais cherchent à changer le cours de la guerre grâce à une nouvelle arme : la Kaiten (“Départ pour le ciel”). Il s’agit d’une torpille suicide chargée en explosifs avec un poste de pilotage rudimentaire. Les japonais espèrent que cette arme kamikaze, lâchée par de vrais sous-marins, pourra frapper les navires ennemis avec précision… Le dessinateur de mangas Syuho Sato nous fait découvrir le destin des volontaires prêts à mourir pour leur patrie. Le dessin nerveux et hachuré crée une ambiance sombre. L’auteur apporte avec courage une véritable réflexion sur ce sacrifice. Au sein de planches très réalistes, son dessin nerveux et hachuré crée une ambiance sombre qui révèle le crépuscule de la Marine impériale japonaise.

4- La série Zéro pour l’éternité, en cinq volumes, est adaptée d’un roman de Naoki Hyakuta. Kentaro, 26 ans, est un étudiant peu motivé. À la demande de sa sœur, il se plonge dans son passé familial. Kyuzo Miyabe, son grand-père, fut en effet un pilote de chasse de la marine impériale japonaise. Pilotant le célèbre chasseur japonais « Zero », il combattit à Pearl Harbor, Midway et Guadalcanal. A la fin de la guerre, il mourut en kamikaze. Kentaro découvre, à travers des témoignages de vétérans, qui fut véritablement son grand-père. C’était un as de l’aviation, capable de poser à coup sûr son Zéro sur le pont du porte-avion. Mais alors que les autres pilotes ne craignaient pas de mourir pour leur pays, Miyabe désirait vivre et retourner auprès de sa femme… Cette série nous fait découvrir, notamment, la psychologie du soldat nippon, très différente de celle du japonais actuel. Dès le premier jour, sur un cuirassé, les nouveaux marins sont ainsi formés : « à partir de maintenant, on va injecter dans votre caractère trop ramolli de civil l’esprit glorieux et traditionnel de la marine impériale japonaise ». Ce qui plonge Kentaro dans une profonde quête identitaire. Soichi Sumoto, dont le dessin est raffiné, réalise ainsi une œuvre instructive.

Kristol Séhec

Pilote sacrifié, 7 tomes, 8,50 euros chacun, Editions Delcourt Tonkam.

Illustrations : DR
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