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K-Obiol sur le site Eureden à Plouisy (22). Des associations de soutien aux victimes des pesticides préocuppées

Les associations de soutien aux victimes de pesticides expriment de vives inquiétudes concernant l’utilisation potentiellement excessive du K-Obiol ULV6 sur le site Eureden de Plouisy, dans les Côtes-d’Armor. Cet insecticide, destiné à protéger les céréales, a suscité des préoccupations après la réception de trois fûts de 1 000 litres chacun en août 2024. Ce volume important soulève des questions, d’autant plus que la quantité de céréales entreposées sur le site est bien inférieure à la capacité de traitement de cet insecticide.

En 2009 et 2010, lorsque deux salariés de Triskalia, aujourd’hui Eureden, ont été intoxiqués par des pesticides sur ce même site et l’affaire portée devant la justice. Ils ont obtenu gain de cause aux Prud’hommes et au tribunal des affaires de Sécurité sociale qui a reconnu la faute inexcusable de l’employeur mais le tribunal de Saint-Brieuc a, en revanche, prononcé un non-lieu sur le volet pénal. Les plaignants ont fait appel devant la cour d’appel de Rennes.

Le K-Obiol : un insecticide autorisé mais controversé

Bien que le K-Obiol ULV6 soit un insecticide autorisé, les associations rappellent qu’autorisation ne signifie pas absence de danger.

Le K-Obiol ULV6 est un insecticide destiné à protéger les céréales stockées contre les infestations d’insectes. Il est formulé à base de deltaméthrine, un pyréthrinoïde de synthèse, et de pipéronyl butoxide, un synergiste qui renforce l’efficacité de l’insecticide. Ce produit est appliqué directement sur les grains ou les surfaces de stockage pour prévenir la contamination par divers insectes nuisibles. Bien qu’il soit autorisé, son utilisation nécessite des précautions rigoureuses en raison de son potentiel impact sur la santé humaine et l’environnement.

Cette quantité de produit livré permettrait de traiter jusqu’à 50 000 tonnes de céréales, alors qu’il n’y en aurait que 5 000 tonnes actuellement stockées sur le site. Cette disproportion entre la quantité de pesticides reçue et le besoin réel interroge. Les moissons étant terminées, et avec un rendement inférieur à la normale ainsi qu’un taux d’humidité des céréales jugé satisfaisant, les raisons de cet approvisionnement massif en K-Obiol restent floues.

Suite aux événements de 2009 et 2010, des investissements considérables ont été réalisés pour améliorer les conditions de travail et les capacités de stockage à Plouisy. Triskalia a bénéficié d’une subvention de quatre millions d’euros pour moderniser ses installations. Cependant, les associations pointent du doigt un problème persistant : la formation des agents en charge des traitements phytosanitaires et des opérations qui sont parfois effectuées par des vacataires non agréés, ce qui augmente les risques d’erreurs et d’exposition aux produits dangereux.

De son côté, Eureden indique avoir acheté du K-Obiol pour traiter des lots de céréales infestés par les charançons, conformément aux recommandations de la profession et dans le respect de la réglementation tout en assurant que les salariés sont formés pour ces opérations.

Des contrôles insuffisants selon l’Union Européenne

Les inquiétudes des associations trouvent un écho dans le rapport de la Commission Européenne publié en juillet 2023. Ce document, issu d’un audit de la Direction générale de la Santé et de la Sécurité alimentaire, met en lumière des faiblesses dans les contrôles exercés par les autorités compétentes. En voici la synthèse effectuée par nos soins.

Contexte et Objectifs de l’Audit

L’audit s’inscrivait dans le cadre du programme de travail de la DG Santé pour 2023 et visait principalement à :

  • Évaluer la conformité des PPP aux réglementations européennes.
  • Vérifier la mise en œuvre des contrôles officiels par les autorités françaises, notamment la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Cadre Juridique et Contexte National

La France, avec la plus grande superficie agricole de l’Union Européenne, est un acteur majeur dans la production et l’utilisation des PPP. Le cadre juridique de ces contrôles repose principalement sur le Règlement (CE) n°1107/2009 qui régit la mise sur le marché des PPP, et la Directive 2009/128/CE qui encadre leur utilisation durable.

L’audit a révélé que la France dispose d’un système de contrôles robuste, bien que complexe, en raison de l’implication de plusieurs autorités. Toutefois, certaines faiblesses ont été identifiées, notamment un manque de coordination entre la DGAL et la DGCCRF, ce qui peut entraîner des incohérences dans les contrôles effectués dans différentes régions.

Points forts du système :

  • Formation et procédures : Les inspecteurs de la DGAL et de la DGCCRF bénéficient d’une formation initiale et continue. Ils disposent de vade-mecum et de listes de contrôle détaillées pour guider leurs inspections.
  • Laboratoires accrédités : Le Service Commun des Laboratoires (SCL) de Lyon, accrédité selon la norme ISO 17025:2017, assure des analyses fiables des formulations de PPP, garantissant ainsi la qualité des contrôles.

Faiblesses identifiées :

  • Préavis des inspections : Les inspections des utilisateurs agricoles de PPP sont souvent annoncées à l’avance, ce qui peut nuire à l’efficacité des contrôles.
  • Coordination entre autorités : L’absence de coopération systématique entre la DGAL et les douanes, ainsi qu’entre la DGAL et la DGCCRF, limite l’efficacité des contrôles, en particulier pour les importations de PPP.

Recommandations de la Commission Européenne

L’audit a formulé plusieurs recommandations pour renforcer le système de contrôles français :

  1. Amélioration de la coordination : Il est crucial d’établir des critères communs de risque et de fréquence d’inspection pour garantir des contrôles cohérents sur l’ensemble du territoire.
  2. Renforcement des contrôles à l’importation : Une coopération plus structurée entre la DGAL et les douanes est nécessaire pour mieux cibler les marchandises à haut risque.
  3. Révision des préavis d’inspection : Réduire ou supprimer les préavis pour les inspections des utilisateurs agricoles pourrait améliorer l’efficacité globale des contrôles.

Bien que le système de contrôles des PPP en France soit globalement solide, l’audit met en lumière des lacunes qui, si elles sont corrigées, pourraient considérablement renforcer l’efficacité des contrôles. Ces ajustements sont essentiels pour maintenir la conformité aux normes européennes et assurer la sécurité sanitaire des produits phytopharmaceutiques sur le marché français.

« L’utilisation massive de pesticides tel le K-OBIOL, pour suppléer à des techniques défaillantes de conservation des céréales stockées, soulève plusieurs inquiétudes : contamination potentielle des aliments pour animaux (poulets, cochons, bovins…) et, par extension, de l’alimentation humaine. Risques pour la santé des travailleurs qui vont les manipuler, les transporter. Impact environnemental sur l’air et sur l’eau … comme en 2010 !

Nous interpellons les élus locaux (maire de Plouisy, président de l’intercommunalité), le préfet des Côtes d’Armor, les administrations (DREETS et DDPP) pour qu’ils interviennent rapidement et faisons un signalement au Procureur de la République. La Commission des Pétitions de l’Union européenne, que nous avons déjà alertée en 2016, sera informée de ces nouveaux développements » indique les responsables du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest.

Crédit photo : DR
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