Dans un essai percutant, Paul Graham, figure influente de la Silicon Valley et cofondateur de Y Combinator, prédit un bouleversement majeur : avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle, la capacité à écrire, et donc à penser de manière structurée, pourrait bien disparaître pour une majorité d’individus. Selon lui, d’ici quelques décennies, l’écriture, qui exige un haut degré de clarté et de concentration, pourrait devenir une compétence rare, réservée à ceux qui choisiront de l’entretenir.
Une division entre “écriveurs” et “non-écriveurs”
Graham observe depuis longtemps que l’écriture est une tâche difficile, nécessitant une réflexion approfondie. Dans de nombreux métiers, en particulier les plus prestigieux, la rédaction est devenue une compétence essentielle. Cependant, la complexité de cette tâche conduit souvent à des dérives, comme le plagiat, révélateur de la difficulté pour certains de s’exprimer de manière authentique. Aujourd’hui, avec l’avènement de l’IA, cet effort devient facilement évitable. Les intelligences artificielles peuvent générer des textes, que ce soit pour des projets scolaires, des rapports professionnels ou même des communications personnelles, sans qu’aucun effort cognitif ne soit nécessaire.
Le risque, selon Graham, est de voir émerger une société divisée en deux catégories : les “écriveurs” — ceux qui maîtrisent encore l’art d’écrire et, par extension, de penser — et les “non-écriveurs”, dépendants de la technologie pour structurer et exprimer leurs idées.
L’écriture comme reflet de la pensée
Pour Graham, l’écriture n’est pas une simple mise en mots de la pensée, elle est le processus même de la pensée. Sans l’exercice d’écrire, il est difficile de réfléchir en profondeur. Il cite Leslie Lamport, qui affirme : “Si vous pensez sans écrire, vous ne faites que croire que vous pensez.” En d’autres termes, sans le processus de rédaction, la qualité de la réflexion humaine pourrait s’appauvrir. L’écriture permet de clarifier, de nuancer et d’organiser des idées, qualités que l’IA ne peut pas inculquer aux utilisateurs.
Paul Graham établit un parallèle avec la société préindustrielle où la majorité des gens étaient physiquement forts du fait de leur travail. Aujourd’hui, si quelqu’un veut développer sa force, il doit activement choisir de s’entraîner. De même, il anticipe que dans un avenir dominé par l’IA, seuls ceux qui voudront véritablement penser de manière autonome continueront à cultiver leurs capacités rédactionnelles.
Un risque pour la culture de l’écrit
La montée en puissance de l’IA survient à un moment critique où la culture de l’écrit est à la fois omniprésente et fragilisée. L’accès aux idées d’autrui, la compréhension des œuvres et la transmission de la pensée dépendent en grande partie de l’écrit. Pourtant, comme le souligne Graham, l’intelligence artificielle pourrait finir par masquer l’incapacité de certains à structurer leur pensée, et encourager une société de “prêt-à-penser”. Le risque, à terme, est de voir des individus incapables d’exprimer leurs émotions ou idées, ce qui pourrait mener à une frustration croissante, voire à des formes de violence.
L’observation de Paul Graham résonne comme un appel : il invite chacun à réfléchir aux implications de l’automatisation de l’écriture pour la société. Si la technologie facilite grandement la production de contenu, elle risque de rendre superflue la discipline intellectuelle nécessaire à l’écriture. En abandonnant cette compétence, l’humanité pourrait se priver d’une capacité précieuse à penser par elle-même.
Dans un futur dominé par l’IA, ceux qui aspirent à rester maîtres de leur pensée devront faire un choix conscient de préserver cette habileté fondamentale.
Crédit photo : Pixabay (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
6 réponses à “L’IA et le déclin de l’écriture : un monde divisé entre penseurs et non-penseurs”
Déclin de l’écriture. Voici les résultats :
« Ville de Rochefort (B)) Une fois par semaine, sur rendez-vous, notre écrivaine publique tient une permanence à la Maison Citoyenne de la Ville de Rochefort afin d’aider et d’accompagner les personnes demandeuses dans la compréhension et/ou rédaction de documents. Que ce soit un document officiel ou personnel, l’écrivaine publique peut vous aider à transcrire votre parole, à reformuler le contenu d’un document afin de la rendre compréhensible. » Pendant la guerre de 14-18, les soldats au front envoyaient des lettres dans un français impeccable à la famille. »
On ne lit plus, on ne s’informe plus correctement, accroché à son smartphone comme à une bouée de sauvetage et le soir, il y a les nouvelles, distillées par les journalistes, aux ordres, version novlangue. Le peuple ne pourra plus s’exprimer correctement et faire valoir ses droits (ceux qui restent) vis-à-vis d’une administration inhumaine, tatillonne, hors sol.
C’est redoutable et terrifiant de penser que des gens pourront émettre des pensées sans même en comprendre le contenu ! Un peu comme si l’IA traduisait en langue étrangère un texte que vous ne comprenez pas….Le discernement et le libre arbitre de chacun de nous passe par des systèmes de compréhension complexes qui détermine vos choix et vos idées. Un peu comme avec un téléphone portable que vous utilisez sans comprendre comment ça marche, l’IA vous sortira de belles phrases et un raisonnement qui passera au dessus de vos têtes. Vu l’abaissement programmé du niveau scolaire, l’ IA remplacera le cerveau des imbéciles !
l’illustration , de ce phénomène , dès aujourd’hui , on le trouve dans les « discours » de macron , que personne n’écoute tant ils sont creux et contradictoires….Rédigés à la demande par des « plumes » salariées utilisant l’IA !
ORWEL…C’est ce que veulent les puissances sataniques comme la Trilatérale Mondialiste et autres du même tonneau diabolique!
Merci pour cette recension courte et efficace…
Cependant, pourquoi n’est-elle pas signée ?
Pourquoi ne pas mettre un lien direct vers Paul Graham, son livre…
Merci de nous tenir alertés lorsqu’il sera disponible en français…
Apparemment, il se pourrait qu’il y ait une autre piste à suivre que celle d’un essai, compte tenu du commentaire suivant que je viens de repérer :
“Paul Graham en parle sur son article de blog : The age of the essay.”