Giro d’Italia 2025 : Le théâtre rose aux cent visages [Présentation, parcours, favoris, pronostics]

Il y a des courses qui sentent le bitume fondu de juillet, les tournesols et le vacarme des férias. Et il y a le Giro. Celui qui, depuis 1909, s’écrit comme un opéra cycliste, à mi-chemin entre Verdi et Dino Buzzati. Une course où le rose n’est pas une tendresse mais une épreuve, une lente cuisson des hommes dans l’eau salée des Dolomites, des Strade Bianche ou de la Via Santa Caterina. Le Giro d’Italia, c’est le charme discret de l’agonie sportive dans les villages perchés, sur les routes en lacets et dans les jambes qui s’effondrent. Et cette année, la 108e édition — du 9 mai au 1er juin 2025 — promet un feu d’artifice en trois actes.

Cyclisme. Tour d’Italie 2025. Le parcours du Giro dévoilé

Acte I — L’histoire, la patine, les héros

Avant d’être un événement télévisé multilingue, le Giro fut un défi lancé par la Gazzetta dello Sport, imprimée sur du papier rose. Il s’agissait d’opposer l’Italie ouvrière et montagnarde à sa version romaine et aristocratique. De 1909 à Coppi, de Bartali à Pantani, en passant par les déchus comme Riccò (meilleur jeune 2008, 3 étapes) ou les poètes comme Chiappucci, le Giro a produit plus de figures tragiques que de triomphateurs sereins.

Aujourd’hui encore, la course garde ce parfum d’épopée, avec ses routes en ruines et ses descentes malveillantes. Ce n’est pas une ligne droite vers la gloire : c’est un chemin de croix asphalté, un roman dont chaque étape serait un chapitre de fatigue.

Acte II — Le parcours : l’Italie (et l’Albanie) à la dure

Le Giro 2025 débute à l’Est. Très à l’Est. Trois jours d’ouverture en Albanie, une première dans l’histoire de la course. Durrës, Tirana, Vlorë… Des noms exotiques pour un Grand Départ tendu, piégeux, nerveux. L’ascension de Llogara, dès la 3e étape, pourrait déjà briser quelques jambes fragiles et révéler qui est venu en touriste.

Puis, après une journée de repos et de traversée de l’Adriatique, la course entre dans le vif du sujet. L’Italie profonde : Lecce, Matera, Naples, Sienne. Le sud ensoleillé précède l’enfer blanc : la 9e étape vers Sienne et ses 29 kilomètres de chemins de terre, les strade bianche, feront voler les ambitions trop rigides. Les crevaisons parleront plus fort que les watts.

Le second contre-la-montre, de Lucques à Pise, long de 28,6 kilomètres (étape 10), viendra trancher entre grimpeurs et rouleurs. Mais le Giro, c’est surtout une attente — celle de la dernière semaine.

Et là, tout se joue dans un crescendo cruel : San Valentino, Mortirolo, Champoluc, puis l’orgue final — le Colle delle Finestre, ses 18,5 km à 9,2 % dont les 8 derniers sur des chemins de pierre et de poussière. Un monument de souffrance. Le Giro se jouera ici, dans cette ode à l’effort brut. Le lendemain, l’arrivée à Rome, presque paisible, viendra saluer ceux qui auront survécu.

Acte III — Les acteurs du drame

Primoz Roglic : L’homme au sourire en biais. Le Slovène revient là où il avait déjà triomphé en 2023, prêt à confirmer que le temps n’a pas encore brisé sa domination. Il est favori. Il en a l’habitude. Mais attention à l’usure du pouvoir.

Juan Ayuso : 22 ans et toutes ses dents. L’Espagnol est la comète qui monte. Rapide contre la montre, habile en montagne, entouré d’une armée (Del Toro, Adam Yates), il est là pour prendre le relais de Pogacar sur le trône ibérique.

Mikel Landa, le damné magnifique, revient encore et toujours, armé de ses illusions solides comme le granit basque. Chez Soudal Quick-Step, il est l’alternative romantique aux calculs froids de ses rivaux.

Simon Yates, fraîchement chez Visma Lease a Bike, incarne l’élégance anglaise et la fragilité chronique. Il peut tout gagner… ou tout perdre dans un virage mouillé.

Antonio Tiberi, le petit prince italien, veut faire vibrer la Botte. Régulier, intelligent, rapide contre le chrono, il a le profil d’un podium.

Et puis il y a les seconds rôles brillants, les Arensman, Hindley, Bernal ou Derek Gee, coureur canadien aussi improbable que courageux.

Et du côté des Français ? David Gaudu, revenu d’une Vuelta 2024 encourageante, s’avance comme un outsider. Blessé, tombé, mais encore debout, il espère briller dans la dernière semaine. Romain Bardet, lui, rêve d’un baroud d’honneur et peut toujours viser une étape.

Toute la liste des participants à découvrir ic

Les autres maillots : cyclamen, azzurro, blanc…

Chez les sprinteurs, la lutte sera ouverte. Pas de Jonathan Milan, pas de Merlier. Olav Kooij (Visma) semble en tête d’affiche, mais devra composer avec Mads Pedersen, l’élégant puncheur danois, ou encore Kaden Groves, capable de survivre aux bosses. Le jeune Paul Magnier, novice français, découvrira les affres du Grand Tour avec ambition.

En montagne, l’absence de Pogacar laisse le champ libre. Scaroni (Astana) est cité comme favori pour le maillot azzurro, mais attention à Carapaz, s’il abandonne le général, ou encore à Jefferson Cepeda, capable de collectionner les points en échappée.

Le maillot blanc du meilleur jeune semble promis à Ayuso, à moins qu’un Isaac Del Toro ne vienne troubler la hiérarchie.

Le Giro, miroir du cyclisme moderne

Le Giro 2025, c’est plus qu’un itinéraire et une startlist. C’est une lutte entre deux visions : celle des puissants (UAE, Visma, Ineos) contre les aventuriers, les solitaires, les échappés matinaux et les rêveurs du fond de classement. C’est aussi le théâtre où l’on mesure la science des directeurs sportifs à la poésie du panache.

Dans un cyclisme aseptisé par les capteurs de puissance et les gels énergétiques, l’Italie offre encore une part d’imprévisible. Des routes mauvaises. Des cols de terre. Des crevaisons fatales. Un vent mauvais sur les plaines de la Vénétie. Et cette lueur — si rare — de folie stratégique. Le Giro, c’est la course où l’on grimpe pour se faire descendre. Mais aussi celle où l’on rêve de remonter. Dans les lacets de l’Alpe San Pellegrino ou les sables de Monteaperti, quelque chose d’indomptable persiste.

Le maillot rose, on ne le conquiert pas. On le mérite. À force de courbatures, de solitude, et d’un brin de grâce.

YV

Giro : Le parcours 2025

Etape 1 (9 mai) — Durrës > Tirana (164 km) : première mise en jambes sur les routes albanaises. Une boucle accidentée avec circuit final autour de Tirana. L’occasion pour les puncheurs de s’emparer du premier maillot rose.

Etape 2 (10 mai) — Tirana > Tirana (13,7 km, CLM) : contre-la-montre urbain piégeux avec une bosse en fin de parcours. Premiers écarts à prévoir.

Etape 3 (11 mai) — Vlorë > Vlorë (160 km) : ascension de Llogara (10,7 km à 7,4 %), à 39 km de l’arrivée. Idéale pour les baroudeurs.

Etape 4 (13 mai) — Alberobello > Lecce (187 km) : retour en Italie, première chance pour les sprinteurs.

Etape 5 (14 mai) — Ceglie Messapica > Matera (145 km) : final escarpé. Journée ouverte pour les puncheurs et les échappées.

Etape 6 (15 mai) — Potenza > Napoli (210 km) : longue journée vers Naples. Sprint attendu.

Etape 7 (16 mai) — Castel di Sangro > Tagliacozzo (168 km) : première arrivée en altitude. Montée finale très irrégulière.

Etape 8 (17 mai) — Giulianova > Castelraimondo (197 km) : profil casse-pattes. Opportunité pour les baroudeurs.

Etape 9 (18 mai) — Gubbio > Sienne (181 km) : 29 km de chemins blancs, final dans les rues étroites de Sienne. Journée à hauts risques.

Etape 10 (20 mai) — Lucques > Pise (28,6 km, CLM) : contre-la-montre plat. Grosse étape pour les rouleurs.

Etape 11 (21 mai) — Viareggio > Castelnovo Ne’ Monti (185 km) : l’Alpe San Pellegrino (14 km à 8,2 %) pour animer la journée.

Etape 12 (22 mai) — Modène > Viadana (172 km) : pour les sprinteurs.

Etape 13 (23 mai) — Rovigo > Vicenza (180 km) : final en faux plat montant.

Etape 14 (24 mai) — Trévise > Nova Gorica (186 km) : sprint attendu.

Etape 15 (25 mai) — Fiume Veneto > Asiago (214 km) : journée longue avec le Monte Grappa en milieu d’étape.

Etape 16 (27 mai) — Piazzola sul Brenta > San Valentino (199 km) : véritable étape de montagne.

Etape 17 (28 mai) — San Michele all’Adige > Bormio (154 km) : avec le Mortirolo. L’histoire s’invite.

Etape 18 (29 mai) — San Morbegno > Cesano Maderno (144 km) : transition, potentiellement pour les sprinteurs.

Etape 19 (30 mai) — Biella > Champoluc (166 km) : 3 cols redoutables. Une étape reine.

Etape 20 (31 mai) — Verrès > Sestrière (203 km) : Colle delle Finestre + Sestrière. À elle seule, elle peut tout décider.

Etape 21 (1er juin) — Rome > Rome (141 km) : parade pour les sprinteurs, couronnement final.

Crédit photos : DR
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