Alors que la course mondiale à l’intelligence artificielle s’intensifie dans un contexte de dérégulation généralisée, une initiative citoyenne inédite vient d’émerger, portée par des catholiques mais également soutenue par des chercheurs, ingénieurs, infirmiers, agriculteurs ou musiciens. Tous lancent un appel solennel à l’Église catholique pour qu’elle prenne la tête d’un effort international de régulation de l’IA, face à un danger qu’ils jugent « comparable à celui de l’arme nucléaire ».
Cette lettre ouverte, rédigée à la veille du futur conclave qui désignera un nouveau pape, est disponible en ligne sur le site lettreia.cyberethique.fr. Elle s’appuie sur les alertes lancées depuis plusieurs années par des figures majeures du domaine de l’intelligence artificielle, comme Geoffrey Hinton ou Yoshua Bengio — tous deux co-lauréats du prix Turing 2018, l’équivalent du Nobel en informatique — qui dénoncent publiquement les risques majeurs d’une perte de contrôle de ces systèmes.
Un appel à l’Église comme ultime recours
Selon les signataires, les États-nations sont aujourd’hui incapables d’imposer une pause ou un encadrement éthique sérieux du développement de l’IA. La pression géopolitique et la logique d’armement l’emporteraient sur toute prudence. Ainsi, ils estiment que seule l’Église catholique, forte de son autorité morale universelle et de sa neutralité technique et diplomatique, peut initier un consensus global à l’image de son rôle lors de la guerre froide face au péril nucléaire.
La lettre s’inscrit également dans la continuité du document Antiqua et Nova, publié le 28 janvier 2025, dans lequel le Vatican reconnaît les défis posés par les intelligences artificielles dites « génératives » tout en réaffirmant la primauté de l’homme sur la machine. Mais selon les auteurs, ce texte reste en deçà des enjeux actuels, en ne proposant pas de réponse claire au problème de la perte de contrôle et à la course en cours vers une « intelligence artificielle générale » susceptible de supplanter les capacités humaines.
Des chercheurs en alerte, une opinion publique désinformée
Le message est sans équivoque : « Les experts en sécurité de l’IA sont unanimes : la perte de contrôle de l’IA au détriment de l’humanité dans les années à venir est fortement probable. » Pourtant, alertent les auteurs, ces avertissements ne sont que très peu relayés dans les médias. La priorité semble donnée à l’optimisme technologique et à la compétitivité industrielle, plutôt qu’à la prudence et à la défense du bien commun.
Le texte souligne également que les ingénieurs eux-mêmes quittent leurs postes par inquiétude éthique, tandis que les armées du monde entier s’empressent d’implémenter l’autonomie décisionnelle dans des systèmes d’armes. Un basculement qui pourrait rapidement devenir irréversible.
L’initiative propose donc un retournement stratégique : faire de l’Église le médiateur d’un traité international de limitation et de contrôle de l’IA. Un appel à la responsabilité morale qui dépasse les clivages religieux, dans une démarche de coopération inédite entre croyants et non-croyants. Elle s’accompagne d’un acte de foi : que l’Église, gardienne d’une vision intégrale de l’homme, puisse peser sur les choix politiques et scientifiques en faveur de la dignité humaine.
En ces temps d’inquiétudes croissantes sur l’avenir de nos sociétés, cette lettre ouverte pourrait bien marquer le début d’une prise de conscience collective. À condition que les autorités ecclésiales s’en saisissent.
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Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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