Critérium du Dauphiné 2025 : Trois hommes et un maillot… et les fantômes de juillet

Dans les routes cabossées de l’Auvergne-Rhône-Alpes, là où l’asphalte transpire déjà sous le soleil de juin, s’ouvre un théâtre de répétition grandeur nature pour les acteurs du mois de juillet. Le Critérium du Dauphiné, ce prélude sacré au Tour de France, dresse une fois encore son échafaud pour les ambitions, ses mirages pour les journalistes, ses bosses pour les grimpeurs, et ses promesses d’éternité pour ceux qui voudraient s’en approcher.

Cette 78e édition, qui s’élance le 8 juin de Domérat, a déjà un parfum de légende. Non pas parce qu’elle est la plus corsée — le parcours 2025, moins montagneux qu’à l’accoutumée, a déçu les puristes — mais parce qu’elle convoque trois figures mythologiques de notre temps cycliste, trois mutants également qui ont tendance à gâcher la course des autres : Tadej PogacarJonas Vingegaard et Remco Evenepoel. Trois hommes, un maillot, et une question : qui régnera sur le Dauphiné avant la grande conquête de la France ?

Les Titans en préambule

Pogacar arrive bardé de gloire et d’appétit. Depuis qu’il a drapé ses épaules du maillot arc-en-ciel, il gagne avec une insolence qui ferait rougir Merckx lui-même. Neuf victoires en 2025, avec la classe d’un maestro et la régularité d’un métronome. Il danse plus qu’il ne pédale, il attaque plus qu’il ne calcule. Il est le cycliste de l’instant, celui qui transforme chaque bosse en scène de théâtre.

Vingegaard, lui, revient de l’ombre, blessé, peut-être moins brillant, mais sans jamais baisser les yeux. Le Danois avance en silence, comme un Viking sous la pluie. Il n’est jamais aussi dangereux que lorsqu’on l’oublie.

Quant à Evenepoel, enfant prodige et prodigue de la Soudal-Quick Step, il grimpe les cols comme on remonte le temps, à coup d’accélérations brèves et brutales. Il veut enfin crier qu’il peut être autre chose qu’un champion du chrono. L’épreuve du contre-la-montre de 17,7 km entre Charmes-sur-Rhône et Saint-Péray, le 11 juin, sera son autel. Il y plantera son drapeau, à moins que Pogacar ne l’y attende avec une seringue de panache.

Des étapes comme des chapitres

Le menu du Dauphiné 2025 est un roman à huit chapitres. Les deux premiers, entre Domérat et Issoire, sont destinés à faire chauffer les mollets et les claviers des suiveurs. De l’attente, du bruit, mais peu de révélation. L’histoire commence véritablement à Brioude, fief de Romain Bardet, qui, pour son dernier tour de piste, pourrait s’offrir un baroud d’honneur en filigrane de ses souvenirs d’enfance.

Puis viendra le premier jugement, le chrono du mercredi, et le plateau d’argent tendu aux spécialistes. Mais c’est à partir du vendredi 13 — symbole à ne pas négliger — que les choses sérieuses s’écriront.

Combloux, le souvenir de la mise à mort de Pogacar en 2023. Valmeinier 1800, avec ses enfilades de cols redoutables : Madeleine, Croix de Fer, montée finale où les meilleurs se regarderont trop, ou pas assez. Et enfin, le Mont-Cenis, clôture de cette pièce en huit actes, montée sèche et rude, où le vainqueur pourra, au choix, rugir ou s’éteindre dans le silence des cimes.

On n’écrit pas une tragédie grecque sans chœur, ni un western sans seconds rôles prêts à sortir de l’ombre. Florian Lipowitz, révélation de Paris-Nice. Mattias Skjelmose, tueur d’Amstel. Carlos Rodriguez, flamme ibérique. Buitrago, l’insaisissable Colombien. Et même Lenny Martinez, pour qui le mot « espoir » ne rime plus avec avenir mais avec présent. Guillaume Martin-Guyonnet, quant à lui, continue sa quête philosophale de la gloire cycliste.

Le Critérium du Dauphiné n’est pas le Tour. C’est pire. C’est le miroir tendu aux vanités, le laboratoire à ciel ouvert, le test de vérité. Gagner le Dauphiné, c’est affirmer son autorité. Le perdre, c’est encore jouer la carte du bluff. Pogacar, Vingegaard, Evenepoel : ils s’observent, s’évaluent, se piquent à blanc.

Mais attention : l’histoire cycliste ne retient pas toujours les gagnants de juin. Elle se souvient de ceux qui, en juillet, gravissent l’Alpe d’Huez ou écrivent des ballades à la pédale sur les Champs-Élysées. Le Dauphiné n’est qu’une promesse. À eux d’en faire un serment.

YV

Crédit photo :

©A.S.O. / Billy Ceusters

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