Il y a des films qui murmurent, qui n’explosent pas sur grand écran mais s’y déposent avec la lenteur d’un matin brumeux sur les cimes. Argoat, le dernier documentaire de Vincent Rannou, est de ceux-là. Un an de patience, de veilles silencieuses et de marches dans les bois bretons ont donné naissance à une œuvre rare, qui fait de la forêt intérieure un sanctuaire cinématographique.
Dans une Bretagne que l’on connaît souvent pour ses côtes battues par les vents, Argoat choisit l’autre versant, celui des terres intérieures. De l’Argoat – littéralement, « pays des bois » en breton – Vincent Rannou extrait une poésie visuelle brute. Ce n’est pas un film à effets, c’est une plongée sensorielle au rythme des saisons, un hommage au sauvage qui subsiste dans nos campagnes.
Chaque plan semble le fruit d’un long guet. Renards, chevreuils, insectes minuscules : la faune bretonne se dévoile sans mise en scène. La caméra se fait humble, observatrice. Et pourtant, le résultat est grandiose. Car ce que capte Rannou, c’est l’invisible : l’attente silencieuse, le frémissement d’un feuillage, la lumière qui bascule. Un monde à part entière qui nous était proche, mais que l’on ne voyait plus.
Produit de manière indépendante, avec une équipe locale et une passion palpable, Argoat s’inscrit dans la lignée de Connexion sauvage (2022), précédent film du réalisateur. Mais ici, la maîtrise est plus aboutie, le propos plus enraciné encore. C’est un film de territoire, un cri muet en faveur d’une nature que l’homme menace sans toujours s’en rendre compte.
À sa sortie en mars 2025, Argoat a touché un public souvent éloigné des salles : ceux qui vivent dans les zones rurales, ceux qui voient chaque jour la forêt reculer. « Habitante du centre Bretagne, loin des lieux touristiques côtiers, j’ai été touchée par ce film. Argoat évoque un monde souvent ignoré : celui des forêts intérieures. On y ressent la lenteur du vivant, la beauté fragile des animaux, le mystère des bois sombres à la tombée du jour. Vincent Rannou capte ce qui ne se laisse pas voir facilement : la présence furtive d’un renard, la lumière dorée d’un matin d’automne. On sent que chaque plan a été patiemment attendu. Je passe du temps en nature mais je n’ai jamais pu voir ce que le réalisateur a filmé. Argoat m’a donné envie de passer plus de temps encore dans les forêts les plus proches, et peut être en statique plusieurs heures pour avoir la chance d’observer dans la réalité ce que j’ai vu dans le film. C’est un film humble, mais vibrant. Un hommage sincère à la terre. Il reste du sauvage en Bretagne intérieure et ce film nous montre sa puissance et aussi sa fragilité face à l’homme »
Argoat n’est pas un manifeste écologique bruyant, mais un chant discret. Il donne envie de ralentir, de marcher dans les bois sans objectif, de s’asseoir et d’attendre. Il rappelle que la nature n’est pas une image de fond, mais un monde en soi – fragile, vivant, indispensable.
Un film à méditer plus qu’à commenter. Une invitation à réapprendre à voir.
C.O
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Argoat, la forêt retrouvée : un documentaire breton au souffle sauvage”
Nous connaissions les vents et les marées comme nous le rappelle don Balbino mais oui l’Intérieur aussi existe. Hélas l’équilibre n’est plus respecté trop de sangliers et trop de vieux cerfs donc la chasse est nécessaire pour réguler l’équilibre et bien sûr la chasse à courre! N’oubliez pas un bon Bourgogne avec le gibier!
Surtout la Chasse à courre, la plus belle, la seule naturelle, loyale et écologique.