En 1793, la Révolution française est à un tournant. La levée en masse de 300 000 hommes décrétée par la Convention pour défendre la République contre les monarchies européennes coalisées suscite un vif mécontentement dans l’Ouest de la France. Dans les Mauges, ce décret ravive les rancœurs contre la Constitution civile du clergé et les bouleversements révolutionnaires. Le 12 mars 1793, l’insurrection vendéenne éclate à Saint-Florent-le-Vieil, marquant le début d’une guerre civile opposant les « Blancs » (royalistes catholiques) aux « Bleus » (républicains).
Au printemps 1793, l’Armée catholique et royale, forte de son élan, enchaîne les victoires, prenant des villes comme Cholet. Début juin, les Vendéens, estimés entre 20 000 et 30 000 hommes, se rassemblent à Cholet et Châtillon-sur-Sèvre, avec pour objectif stratégique de s’emparer de Saumur, un point clé pour contrôler la Loire et menacer les positions républicaines. Doué-la-Fontaine, située à une quinzaine de kilomètres de Saumur, devient un verrou à conquérir pour ouvrir la voie à cette offensive.
Cette bataille, longtemps occultée par les manuels d’histoire républicains, constitue pourtant l’un des moments clés de la guerre de Vendée.
Une stratégie concertée pour reprendre l’offensive
Depuis le début du mois de juin, les chefs vendéens – Cathelineau, Stofflet, La Rochejaquelein, Lescure ou encore Marigny – coordonnent leur action dans le but d’attaquer Saumur, verrou stratégique aux portes de l’Anjou. Une force de 20 à 30 000 insurgés est rassemblée autour de Cholet et Châtillon-sur-Sèvre. Le 4 juin, ils infligent un premier revers aux Républicains à Trémont. Le 6 juin, ils prennent Vihiers. Le lendemain, l’objectif est clair : déloger les Bleus de Doué-la-Fontaine.
Face aux Vendéens, le général Leigonyer dispose d’environ 3 500 hommes positionnés sur les deux rives du Layon, dans les communes de Concourson, Les Verchers-sur-Layon et Saint-Georges-sur-Layon. Mais les effectifs sont mal armés, démotivés, et souffrent de désertions croissantes. Plusieurs escadrons de cavalerie rejoignent même les rangs royalistes dans les jours précédant l’assaut. Le moral est bas, et les munitions manquent.
L’assaut fulgurant des royalistes
L’attaque débute dans la matinée du 7 juin. Stofflet contourne la batterie des Rochettes, tandis que La Rochejaquelein déborde le flanc opposé. La manœuvre enveloppante fonctionne : les républicains, pris en tenaille, décrochent en désordre. Leur tentative de repli vers Doué tourne au chaos. L’artillerie est abandonnée, les convois sabordés. La panique gagne jusqu’aux rues de la ville, où les Vendéens poursuivent l’ennemi au corps-à-corps.
Le soir même, la ville est entre les mains des insurgés. Plusieurs centaines de Républicains sont tués, près de 500 capturés, cinq canons et une cinquantaine de charrettes tombent entre les mains des Vendéens. Le rapport des commandants vendéens évoque une progression stoppée à un quart de lieue seulement de Saumur.
Une armée paysanne galvanisée
Malgré des conditions difficiles – les soldats vendéens ont combattu sous une pluie battante qui a mouillé les cartouches et rendu les fusils inutilisables – la foi et la détermination catholique et royaliste ont fait la différence. Les chefs insurgés félicitent dans leurs lettres l’intrépidité de leurs troupes, dont une partie, frustrée de ne pas avoir combattu plus tôt, s’illustre d’autant plus farouchement.
La victoire de Doué n’est que la première d’une série : les 8 et 9 juin, les Vendéens remportent également les batailles de Montreuil-Bellay et de Saumur, repoussant même une tentative de renfort républicain venue de Thouars. Le général Leigonyer, discrédité, démissionne. Il sera remplacé par Menou, dont les maladresses stratégiques accéléreront la chute de Saumur.
En quelques jours, l’armée catholique et royale, forte désormais de près de 40 000 hommes, tient les clefs de l’Anjou et menace les bastions républicains de la Loire.
Cependant, cette victoire est de courte durée. Le 5 août 1793, les républicains, sous le commandement du général Jean Antoine Rossignol, reprennent Doué-la-Fontaine. Selon la correspondance de Rossignol, 3 000 républicains délogent les Vendéens en moins d’une heure, tuant environ 600 insurgés et capturant 50 prisonniers, dont des chefs et des prêtres. La ville est fouillée, y compris ses caves, symbole de la résistance vendéenne dans les habitats troglodytiques de la région.
Longtemps réduite à un épisode parmi d’autres de la guerre de Vendée, la bataille de Doué mérite d’être redécouverte comme un haut fait d’armes de l’insurrection vendéenne. Elle incarne à la fois la faiblesse d’une République divisée et mal préparée, et la force d’un soulèvement enraciné dans la foi, la terre et la liberté des peuples de l’Ouest.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine