Jean-Philippe Tanguy, Le Caius Détritus du Rassemblement national

Jean-Philippe Tanguy est un personnage singulier de la politique française, un de ces êtres d’ambition que la Troisième République aurait qualifié de furet de couloir, toujours prompt à flairer le vent pour grimper plus haut dans les replis de la machine parlementaire. Issu de ce que la sociologie tardive nommerait France moyenne, il ne semble porter aucune hérédité idéologique, aucun ferment d’enracinement, aucune fidélité autre que celle qu’on accorde aux circonstances. Et c’est précisément ce caractère liquide qui lui a permis de s’imposer dans l’organigramme rigide du Rassemblement national, parti qui, jadis, tenait son ciment de la doctrine, et non de l’opportunité.

Il est entré dans l’arène avec le ton cassant de ces jeunes gens pressés, qui citent Saint-Just sans l’avoir lu, et trahissent leur mentor à la première embardée. Celui-ci fut Nicolas Dupont-Aignan, chez qui Tanguy servit d’abord, comme directeur de cabinet, avant de jeter le masque et de rejoindre Marine Le Pen en 2020, flanqué de quelques affidés. Depuis lors, il n’a cessé de grimper, jusqu’à devenir président délégué du groupe RN à l’Assemblée, petit César de la députation nationale, distribuant les bons points, traquant l’hérétique identitaire, surveillant l’orthodoxie d’un parti qui, ironie du sort, n’a plus de dogme que dans sa volonté de n’en avoir aucun.

À le lire, à l’écouter, on sent poindre cette maladie de l’époque que Spengler aurait peut-être appelée la politique du ressentiment mou, mélange d’humanitarisme flasque et de virulence calculée. L’homme ne croit pas à l’homogénéité française, la trouve suspecte, rétrograde, trop enracinée. À ceux qui parlent de Français de souche, il répond par un peuple chimérique, hybride, qu’il faudrait accepter tel qu’il est devenu, c’est-à-dire tel qu’il a été fabriqué par les décennies de déracinement, d’immigration incontrôlée et de désidentification volontaire. On dirait une prose issue de Sciences Po trempée dans le bain tiède du progressisme camouflé, une reductio ad inclusionem, si l’on me permet cette boutade.

Jean-Philippe Tanguy incarne ainsi, non sans une certaine jubilation rhétorique, cette ligne hostile à tout sentiment identitaire, considérant que le simple fait de se revendiquer français de culture, d’histoire, ou de sol relève du fantasme ethnique. Il rêve d’une France multicolore, interchangeable, sans mémoire ni lignage, où les Français de papier pourraient, au nom d’une égalité mal comprise, se substituer sans vergogne à ceux que l’on pourrait appeler, faute de mieux, les Français de chair. Tanguy et les Français à son image ne font plus d’enfants, ne chantent plus leur patrie, ne se battent plus que pour conserver une parcelle de pouvoir médiatique — et il semble s’en accommoder. Il ne voit pas de tragédie dans cette substitution. Il y voit l’ordre naturel des choses modernes.

À l’intérieur même du parti, Tanguy semble avoir entrepris une épuration douce, mais systématique. Dès son arrivée au Palais-Bourbon, il s’est mis en tête d’extirper les assistants parlementaires suspects d’idéologie trop marquée à droite. Point de milices ici, point de chemises noires, mais une bureaucratie du soupçon, un fichage mental qui rappelle plus Orwell que Drumont. Tout ce qui, dans le Rassemblement national, portait encore les relents du vieux Front, les odeurs de caserne, les arrière-salles de bistrot, tout cela fut balayé par cet homme du monde moderne, qui préfère les colloques à la tribune, les postures à la conviction et la bénédiction des journalistes de Libération.

C’est là que Pierre Cheynet, ancien cadre du RN et désormais vigie acérée du naufrage idéologique, intervient avec une ironie vengeresse. Sur X, il tient chronique qui évoque celle qu’aurait pu tenir René Goscinny, la Caius Détritusisation du parti. Tel le personnage grotesque de la série Astérix, Jean-Philippe Tanguy instille son poison non par la force, mais par la rumeur, le sarcasme, la division, sapant de l’intérieur les piliers d’un édifice qu’il prétend moderniser. Et Marine Le Pen, telle Bonemine aveuglée, le laisse faire, croyant sans doute que ce petit homme aux lunettes cerclées d’ambition lui assure la respectabilité républicaine.

On se souvient encore, à cet égard, de l’un de ces moments télévisés qui disent tout d’un tempérament. Invité sur BFM face à la journaliste Apolline de Malherbe, Tanguy, emporté par une colère difficile à contenir, s’en est pris sans mesure ni décence à Sarah Knafo et à l’entourage d’Éric Zemmour, les accusant pêle-mêle de «fanatisme religieux», de «pratiques communautaires» et de complotisme larvé. L’homme, que l’on dit fin tacticien, perdit ses nerfs au point de tomber dans la caricature. L’échange tourna à l’hystérie contenue. On crut voir le masque tomber, ne laissant paraître qu’un ressentiment personnel, délié de toute ligne politique. De la politique comme règlement de compte, ce que les Grecs anciens eussent appelé stasis, non gouvernement mais guerre civile en miniature.

Le plus tragique n’est pas qu’un tel personnage ait pris tant d’importance. Après tout, la politique est une scène, et les hommes médiocres y font parfois carrière. Non, le plus affligeant est qu’il soit devenu le symptôme d’un vide. Le Rassemblement national n’est plus un parti, c’est un instrument d’élection, une coquille sans noyau, une formation qui, à force de fuir les mots interdits, a fini par fuir ses propres racines. Il suffit d’écouter Tanguy parler de Reconquête, d’Éric Zemmour, de Sarah Knafo. Le ton est méprisant, les arguments dignes d’un chroniqueur de France Culture, et la cible toujours la même : toute tentative de réhabilitation identitaire, tout retour du réel charnel de la nation, toute exigence de frontière ou de remigration.

Dans Éléments, il fut jadis écrit qu’un peuple sans mémoire est un peuple sans futur. Tanguy, lui, ne veut ni l’un ni l’autre. Il veut la gestion, l’image, l’acceptabilité. Il veut ce que le monde libéral aime : la surface. En cela, il n’est pas seul. Il incarne cette droite molle qui a trahi ses propres morts, qui nie ses saints laïcs, qui confond prudence et abdication.

La tragédie se joue donc en deux temps. D’abord, un parti abandonne ses fidélités pour gagner en respectabilité. Ensuite, il se fait avaler par ceux qu’il prétendait combattre. Tel le scorpion sur le dos de la grenouille, Tanguy, par son zèle normalisateur, finira par tuer le RN, non par perfidie mais par nature. Car l’homme ne croit en rien sinon à son propre rôle dans la comédie parlementaire.

Le village gaulois s’est vidé de ses druides. Il ne reste plus qu’un petit fonctionnaire du consensus woke, qui brandit la potion molle de la dédiabolisation comme si elle avait jamais pu guérir un peuple en détresse.

Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —

Crédit photo : DR
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6 réponses à “Jean-Philippe Tanguy, Le Caius Détritus du Rassemblement national”

  1. Bernard Plouvier dit :

    Ouaouh ! Breizh Info en est réduit aux attaques ad hominem ?!!
    Je ne connais nullement ce Tanguy… dont le comportement rapporté et conspué par Mr Katz est ni plus ni moins celui d’un politicien professionnel hyper-ambitieux (soit cette caste d’arrogants nullards et de grands causeurs qui a détruit notre industrie, nos campagnes et notre homogénéité nationale, qui a transformé la « Justice » en même temps que pourri nos moeurs et laisse détruire notre société par des indésirables venus de tous les gourbis insalubres de la planète)
    On rappelle pour la forme que le grenouillage en couloirs et boudoirs est symptomatique, non d’un individu, mais de toute la caste des rhéteurs professionnels : ce que Mr Katz écrit de ce Tanguy ressemble furieusemenbt au comportement du jeune Léon Blum, ou du jeune Joseph Paul-Boncour durant la IIIe Ripoublique, d’un Mitterrand dans la IVe, ou, dans notre Ve agonisant dans la pourriture et l’abjection, d’un Giscard ou d’un Chirac et autres : coups de poignard dans le dos des rivaux, surenchère démagogique, ambition démesurée avec, au final, un gros néant dans la case « bénéfice pour la Nation » & une Dette à rallonge dans la case « handicap pour l’avenir »
    Il est évident que nos merveilleux media cherchent à nous préparer un nouveau « Génial Timonier », renouvelant le Président-Dictateur-Général : bref un Macron-bis, puis -ter etc !
    L’électorat français est seul responsable de ses choix et de sa mollesse : ne pas réclamer un changement d’institutions pour moraliser davantage notre vie publique et contrôler mieux nos « princes » qui deviennent vite des cinglés alors même que leurs résultats sont catastrophiques, ça c’est plus urgent que de conspuer tel ou tel ambitieux.

  2. Pierre dit :

    Constitution ARTICLE 4.

    « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
    Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi.
    La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

    ARTICLE 27
    « Tout mandat impératif est nul.
    Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.
    La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »

    Autrement dit: le principe est que le parti est la source du pouvoir (et non le peuple) et qu’il a donc tout intérêt à provoquer la division du peuple en tous les domaines de manière à tenir les rênes du pouvoir et une fois qu’il a placé les « élus » aux postes qu’il a décidé, les électeurs n’ont pas le droit de dire aux « élus » ce qu’ils doivent faire!

    Ceci est le principe fondamental de la démocratie représentative, laquelle est une caricature de la démocratie.

    Tanguy est cohérent. J’ai participé à la fondation de 2 (minuscules) partis politiques et c’est par eux que j’ai compris la nature même de la constitution: un texte destiné à tuer les idées par la division au lieu du débat et à diviser par la « partition » plutôt que de favoriser l’unité.

    La raison d’être du débat démocratique est de faire face à l’adversité et de favoriser le bien commun, par conséquent toutes les idées sont valables, et il y est nécessaire de les écouter avec soin pour retirer ce qui est pertinent de chacune d’elles et construire un projet à la fois réaliste et ambitieux pour lutter contre l’adversité ou favoriser l’amélioration du bien commun. Le principe de la démocratie représentative stérilise les idées de chacun au profit des projets d’obscures officines qui préparent à l’avance des « solutions » aux problèmes qu’elles favorisent pour vendre leurs solutions comme étant la seule « raisonnable ». C’est pompiers pyromanes assoient ainsi leur pouvoir dictatorial sans paraître sous les projecteurs médiatiques.

  3. TITUS dit :

    Ce qui est urgent c’est d’informer le peuple appelé ensuite aux urnes. Or les médias aux ordres de l’État profond pratiquent le mensonge par omission. Évidemment un son de cloche différent surprend. Le RN d’aujourd’hui n’a plus rien a voir avec son Géniteur. Pas question de destituer MACRON, complaisance vis à vie de la nomination de FERRAND au Conseil Constitutionnel, acceptation de l’Islam devenu compatible avec la République, pas question de quitter l’Union Européenne et encore moins l’Euro. Bref conspuer les ambitieux et profiteurs éclaire tout de même le débat.

  4. Jacques BRACQUEMONT dit :

    Oui , très bon article , vous avez très bien cerné le personnage et du coup comment le RN se laisse aller à rejoindre les bien pensants .

  5. mouchet dit :

    Triste texte de jalousie comme pour dire que Mr Tanguy qui veut une audit de la France, est un idéologue qui dérange la nomenklatura mondialiste déphasée de nos gouvernants qui vont nul part. Que dire des 40 ans de nos dirigeants qui nous ont fait 8600 milliards de dettes surtout ces 10 dernières années. Car si Mr Tanguy soufre de quelques jalousies de comptoir que dire des macronismes et assimilés, pour mettre la France en faillite assistée par le FMI. La pire des situations financières comme 2 guerre de 1914 1918 le tout pour les 20 prochaines générations. Je pourrai certifier à Mr Katz bambino en tant qu’économiste financier depuis 30 ans que je n’ai jamais vu la France dans un tas de ruines financières pareilles. SVP revoyez votre texte si vous avez des enfants et gagner 9600 euros mensuels.

  6. Franck Boizard dit :

    Merci, excellent article, tant dans la forme que sur le fond.

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