C’est un nouveau type de fraude qui illustre les dérives de l’intelligence artificielle dans une société technocratique et perméable : aux États-Unis, des escrocs exploitent des bots IA pour se faire passer pour des étudiants et détourner des millions de dollars d’aides publiques destinées à l’enseignement supérieur. Un phénomène en pleine expansion qui menace l’intégrité même du système éducatif, particulièrement dans les établissements en ligne et les community colleges.
Des « étudiants fantômes » dopés à l’intelligence artificielle
Les escrocs ont mis au point un dispositif automatisé capable de remplir l’ensemble des démarches nécessaires pour obtenir des aides publiques étudiantes : dépôt de dossier, inscription à des cours, interactions en ligne avec les enseignants, voire soumission de devoirs. Tout cela sans aucune intervention humaine. Ces bots génèrent ce que l’on appelle des ghost students, des « étudiants fantômes » qui prennent la place de vrais candidats dans des cours déjà saturés.
Le phénomène est d’une ampleur telle que certains enseignants ont découvert que la quasi-totalité des inscrits à leurs cours était constituée de faux profils. Conséquence immédiate : des étudiants légitimes se retrouvent exclus de formations essentielles à leur diplôme, tandis que l’argent public est siphonné par les fraudeurs.
Une facture salée pour les contribuables
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Rien qu’en 2024, les community colleges de Californie ont recensé 1,2 million de candidatures suspectes, dont plus de 220 000 inscriptions probablement frauduleuses. Résultat : 11,1 millions de dollars d’aides publiques irrécupérables, envolés dans la nature.
Le système est d’autant plus vulnérable dans ces établissements à faible coût d’inscription, où une plus grande partie des aides étudiantes est directement versée aux étudiants pour leurs frais de vie. Ces sommes représentent donc une cible facile pour les arnaqueurs organisés.
Si les bots sont fictifs, les conséquences, elles, sont bien réelles pour les personnes dont l’identité a été usurpée. Heather Brady, habitante de San Francisco, a découvert que quelqu’un avait utilisé ses données personnelles pour obtenir une aide fédérale et l’inscrire, à son insu, dans un collège de l’Arizona. Elle a ainsi découvert une dette de plus de 9 000 dollars contractée en son nom.
Même mésaventure pour Brittnee Nelson, entrepreneuse en Louisiane, qui a mis deux ans à effacer les dettes contractées frauduleusement à son nom par ces systèmes automatisés. Elle avait pourtant pris soin de surveiller régulièrement son crédit et de protéger son identité numérique.
Des établissements dépassés, un État fédéral impuissant
Face à ce fléau, les établissements affirment être impuissants. L’approbation finale des aides dépend des agences fédérales, mais cela ne les excuse pas d’avoir accepté dans leurs cours des bots au détriment de vrais étudiants. L’administration Biden a récemment imposé une mesure temporaire exigeant que les nouveaux demandeurs d’aide fédérale prouvent leur identité avec une pièce officielle. Une mesure jugée tardive, mais nécessaire.
Dans un communiqué, le Département de l’Éducation a admis que « le taux de fraude via l’usurpation d’identité atteint un niveau qui met en péril l’ensemble du programme d’aide fédérale aux étudiants ».
Ce scandale illustre une fois encore la dérive d’un système aveugle, où l’automatisation massive, la bureaucratie numérique et l’absence de contrôle humain offrent un boulevard aux cybercriminels. Il met aussi en lumière l’incapacité chronique des autorités à sécuriser des dispositifs pourtant critiques pour l’avenir de la jeunesse et la justice sociale.
En attendant une réforme de fond, la leçon américaine mérite d’être méditée en France, où la numérisation de l’administration avance à grands pas, souvent sans les garde-fous nécessaires. Demain, ces bots parasites pourraient très bien envahir notre propre système éducatif. À force de vouloir tout dématérialiser, on finit par déshumaniser — jusqu’à faire des aides sociales le terrain de jeu de machines sans visage.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Fraude numérique : aux États-Unis, des bots IA détournent des millions de dollars d’aides étudiantes”
Bien venue dans le monde du tout informatique , ou tout doit ce faire a distance.
Un monde a la Matrix et des policiers Robocop n’est pas loin ; l’humain lui est en voie de disparition.