Immigration. La stratégie de l’étouffoir : quand débattre devient un crime

Il faut lire, relire, méditer la tribune que Dominique Reynié vient de publier dans Le Figaro du 20 juin 2025. Car elle nomme, enfin, l’un des procédés les plus délétères de la vie intellectuelle française contemporaine : ce que l’auteur appelle fort justement la « stratégie de l’étouffoir ». Manière sournoise et systématique de couper la langue à quiconque tenterait de penser lucidement, ou seulement factuellement, la question de l’immigration. Non pas y répondre avec rudesse ou avec audace, mais simplement l’évoquer avec un peu de gravité.

Le fait d’armes à l’origine de cette réflexion est symptomatique. Didier Leschi, préfet et directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, venait présenter une étude sur l’immigration afghane. Il se vit aussitôt voué aux gémonies par Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre devenue vestale du droit d’asile, qui, sans prendre la peine d’argumenter, accusa l’étude d’être frappée d’illégitimité par le seul fait de ses soutiens supposés. Non par ce qu’elle disait, ce qui eût nécessité lecture et compréhension, mais par qui la publiait. Le soupçon fait office de preuve ; l’intimidation remplace la réfutation. Nous ne sommes plus dans la critique mais dans l’auto-da-fé.

Cette tactique d’asphyxie intellectuelle, que Reynié analyse avec une précision chirurgicale, est désormais le mode opératoire ordinaire d’une gauche réduite à la défensive. En ce sens, elle est bien fidèle à l’enseignement gramscien, mais au rabais : occuper l’espace symbolique, non plus pour convaincre mais pour faire taire. Ce n’est plus l’hégémonie culturelle, c’est le bâillon moral.

La France, à force de ne pas débattre de ce qui l’ébranle, se trouve dans la situation du malade auquel on interdirait de nommer sa fièvre sous peine d’être traité de contagieux. On préfère accuser de « racisme », de « lepénisme » ou de « connivence avec l’extrême droite » tous ceux qui s’avisent de tirer la sonnette d’alarme. Cette disqualification a pour objet de délégitimer le sujet lui-même, de le rendre imprononçable, inabordable, comme si la seule façon de garder la paix civile était d’interdire aux citoyens de constater ce qu’ils vivent. Ce réflexe pavlovien traduit, chez ceux qui le pratiquent, une forme de panique symbolique : la peur que la réalité ne résiste pas à leur catéchisme.

Dominique Reynié a le mérite de dénoncer, sans emphase ni pathos, ce climat d’intimidation sourde. Il montre que l’accusation d’essentialisme, de stigmatisation, de dérive droitière, n’est qu’un paravent destiné à éviter que l’on ne mette en cause certains faits têtus. Il n’est pas un observateur sérieux, pas même dans les rangs de la gauche européenne, qui ignore les difficultés spécifiques que posent certains flux migratoires, en particulier afghans. L’étude de Leschi, que nul n’a encore réfutée sur le fond, établit simplement que les arrivants sont majoritairement masculins, souvent porteurs de représentations culturelles peu compatibles avec l’univers moral européen, notamment sur la question des femmes. Où est l’hérésie ?

Le refus du débat rationnel, la diabolisation des interlocuteurs, le soupçon systématique, rappellent par certains aspects ce que Carl Schmitt appellerait la « criminalisation de l’adversaire politique ». Ce n’est plus un désaccord, c’est une faute morale. De là à juger que toute parole dissidente est une violence, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi. La censure, hier théologique, est désormais progressiste.

Que ce verrouillage du débat condamne la gauche à la marginalité, comme le note Reynié, est une évidence. Elle n’a plus de projet, seulement des tabous. En refusant le réel, elle laisse à d’autres, souvent moins bien intentionnés,le soin de le nommer. Or, comme l’aurait dit Ernst Jünger, « ce n’est pas l’homme qui maîtrise la tempête, c’est celui qui sait lui donner un nom ».

La tribune de Dominique Reynié n’est pas un coup de gueule, c’est un diagnostic. Elle nous rappelle que le débat d’idées ne peut survivre qu’à la condition que la parole reste libre, que la contradiction soit possible, que l’analyse ne soit pas confondue avec le militantisme. Et que les faits ne se laissent pas censurer.

Tant que l’on persistera à confondre le débat avec le délit, l’analyse avec l’agression, et la lucidité avec la haine, la France poursuivra sa dérive dans une brume d’irresponsabilité. Il ne s’agit plus seulement d’immigration, mais de vérité, de courage civique, et d’avenir politique. Et sur ces points, le silence est un suicide.

Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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