Alors que l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » touche à sa fin en juin 2026, la Cour des comptes vient de publier un rapport évaluant son efficacité, sa gouvernance et sa viabilité financière. Ce dispositif, salué pour son ambition sociale, soulève cependant de nombreuses interrogations sur sa pérennité et son intégration dans le droit commun.
Un modèle d’insertion original mais cloisonné
Lancé en 2016 à l’initiative d’ATD Quart-Monde et élargi en 2020, ce projet vise à offrir un emploi en CDI à des personnes durablement éloignées du marché du travail, en s’appuyant sur des « entreprises à but d’emploi » (EBE). Ces structures, implantées dans des territoires volontaires, proposent des activités locales à faible productivité mais à forte utilité sociale : lutte contre l’isolement, précarité alimentaire, fracture numérique ou encore transition écologique.
La spécificité du dispositif repose sur l’adaptation des postes aux contraintes individuelles (handicap, parentalité, âge, etc.), avec des temps de travail choisis. Selon la Cour, ce modèle permet à certains bénéficiaires de retrouver un emploi classique, quand d’autres y trouvent un ancrage plus durable.
Mais le fonctionnement du programme s’est fait en marge du droit commun. Le pilotage est confié à une association nationale, le Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD), avec une implication minimale des services de l’État ou de France Travail. Résultat : une coordination faible avec les politiques publiques d’insertion existantes, et une certaine défiance des acteurs économiques locaux.
Une efficacité réelle mais un modèle coûteux
Sur le terrain, les résultats sont jugés positifs par les collectivités impliquées : l’expérimentation redonne un sens à l’action locale, dans une logique de coopération et de reconstruction du lien social. Mais cette efficacité humaine a un prix élevé. En 2023, le coût annuel public par emploi équivalent temps plein atteint 28 000 €, sans que les économies attendues sur les dépenses sociales soient démontrées.
Pire, les EBE restent fragiles économiquement : 85 % de leurs ressources proviennent des subventions publiques, malgré des efforts pour développer une activité propre. La Cour alerte sur le risque d’emballement budgétaire en l’absence de plafonnement des recrutements. Elle recommande une rationalisation urgente et un retour à une gestion plus encadrée par les institutions de l’emploi.
Quel avenir pour l’expérimentation ?
La fin programmée du dispositif en juin 2026 pose la question de sa pérennisation. Le Parlement devra décider s’il souhaite intégrer ces structures dans le cadre général de l’accompagnement vers l’emploi, ou s’il s’agit d’une parenthèse sociale, coûteuse mais transitoire. Pour la Cour des comptes, il est indispensable d’inscrire l’expérimentation dans le droit commun du réseau pour l’emploi, avec une meilleure coordination et une logique de parcours vers l’emploi ordinaire.
En somme, « Territoire zéro chômeur de longue durée » incarne une volonté de réinsertion inclusive et territorialisée. Mais son avenir repose désormais sur une clarification des objectifs politiques et sur la capacité de l’État à intégrer ce modèle dans une stratégie cohérente et soutenable d’insertion professionnelle.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine