La défaite est venue du lieu même qui, hier encore, semblait au service de l’Exécutif : le Sénat. Ce jeudi 10 juillet, une majorité transversale de 39 voix a adopté contre 29 une motion exigeant de l’État national le paiement immédiat de sommes dues aux provinces. Une rébellion parlementaire. Le vote, obtenant l’appui de l’Union civique radicale, de la force provinciale Las Provincias Unidas, de deux sénatrices du Pro et, bien entendu, des péronistes de Union por la Patria, s’est tenu sous la présidence de Victoria Villarruel, vice-présidente de la Nation et présidente du Sénat, élue sur le même ticket que Javier Milei.
La scène politique fut éclairée d’une lueur tragique et presque shakespearienne : Villarruel, en conflit ouvert avec la Casa Rosada, décida de ne pas lever la séance comme le lui demandaient ses alliés de La Libertad Avanza. Elle laissa les provinces parler et les votes s’exprimer. On crut voir, le temps d’une journée, resurgir les fantômes de l’Argentine fédérale, que les unitaires de Buenos Aires croyaient définitivement enterrés.
Cette défaite parlementaire est d’autant plus cuisante que les circonstances politiques semblaient favorables au gouvernement : une inflation en recul, une monnaie stabilisée, une perspective de reprise à moyen terme. Si le peuple votait demain, Milei l’emporterait haut la main. Or, c’est justement cette position de force dans l’opinion qui fait ressortir par contraste l’incapacité du président à construire un pouvoir réel.
Les commentateurs les plus lucides, à l’image de Gustavo Ybarra ou Claudio Jacquelin dans La Nacion, ne s’y trompent pas : le principal obstacle au progrès politique de Milei n’est ni le péronisme, ni les syndicats, ni les journalistes, mais Milei lui-même. Son hubris dévore ses alliances, corrode ses appuis, divise même sa propre majorité.
L’affaire des valises, dont la passagère María Fernanda Arrieta, militante libertarienne, est la propriétaire, et qui n’ont pas été soumises au contrôle douanier à l’atterrissage d’un avion appartenant à un proche du pouvoir (Eduardo Scatturice), aurait pu être clarifiée en un communiqué. Elle devint un scandale. L’opération Libra, mélange d’enthousiasme technolibertarien et de spéculation hasardeuse, a prêté le flanc à une accusation de conflit d’intérêt. Le président, loin de calmer le jeu, choisit l’escalade verbale.
Et voici que l’on en vient à s’interroger à nouveau sur l’état de sa relation avec sa vice-présidente. L’altercation, par réseaux sociaux interposés, entre Victoria Villarruel et la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, a déclenché une véritable foire d’empoigne. Villarruel défend la souveraineté du Sénat et son rôle de garant du fédéralisme, Bullrich l’accuse de trahison. On a même vu la vice-présidente rappeler à la ministre son passé de militante dans les rangs de la gauche armée, une attaque d’une rare violence, mais qui éclaire le degré de tension entre les piliers d’un même gouvernement.
Le spectacle est désastreux. Alors même que la conjoncture économique offrait une occasion inespérée de réformer, c’est le politique qui se dérobe. Milei, qui se présentait en restaurateur de la vérité contre le mensonge démocratique, finit par apparaître comme un agitateur impuissant, piégé par ses propres impatiences.
L’Argentine, répétons-le, va mieux. Les provinces, elles, veulent être payées. Ce sont là deux faits. Le réel, comme toujours, ne cède pas.
Balbino Katz Chroniqueur des vents et des marées
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Une réponse à “Argentine. Javier Milei, son hubris et ses déboires”
Il faut que tout change pour que rien ne change (Prince Tomasi), bon le prochain putsch est déjà peut être en préparation avec une agence chinetoque pour changer des yankees.