Il arrive parfois que le Tour abandonne sa logique de métronome pour renouer avec la folie du cirque. Mercredi, la 11e étape, boucle toulousaine de 156 kilomètres, aura été l’une de ces journées incandescentes où la raison prend congé, où le peloton devient troupeau, et où les échappés ne fuient pas la meute mais foncent dans la légende.
Abrahamsen, le Viking de l’aube
Le coup est parti au kilomètre zéro, comme dans les livres d’antan, ceux où l’on courait à l’instinct, sans wattmètre ni oreillette. Jonas Abrahamsen, coureur scandinave à la carrure d’ouvrier forgeron, a enfourché la liberté avec une poignée de compagnons pour ne plus jamais la rendre. Pendant que les cadors s’observaient et se piégeaient et tandis que durant pas loin de 100 bornes, le peloton s’est disloqué puis recomposé suite à des attaques successives, lui a labouré le bitume comme un paysan entêté. L’arrivée sur Toulouse fut le théâtre d’un sprint à deux dantesque, une affaire de demi-roue, d’orgueil et de mollets fumants : Abrahamsen bat Schmid et offre à son équipe Uno-X, modeste invitée du bal, une victoire aussi rare que méritée. Van der Poel, qui a longtemps circulé à 20-30 secondes des hommes de tête avec De Lie, Van Aert, Laurance, Simmons, tous rescapés d’une course folle depuis le départ, termine troisième.
Il y a des victoires attendues, programmées. Celle-ci est un pied-de-nez. Le genre de coup d’éclat qui rappelle à tous que le cyclisme, parfois, n’a pas besoin de scénario : juste d’un coureur qui refuse de baisser la tête.
Derrière, dans un reste de peloton en fusion, les géants ont un tout petit peu livré bataille dans les derniers kilomètres. Pogacar, en jaune dans la tête mais pas sur le dos, s’est retrouvé au sol avant d’être attendu par ses concurrents. Le classement général reste figé pour une journée encore : Ben Healy conserve sa tunique dorée avec 29 secondes d’avance sur Pogacar. Vingegaard, Evenepoel, Jorgenson : les grands fauves ont grogné, mais pas encore mordu.
Hautacam en approche : le sommet du vrai Tour
Jeudi, le Tour abandonne ses amuse-bouches pour le plat de résistance : la montagne. Et pas n’importe laquelle. La 12e étape, entre Auch et Hautacam, marque l’entrée dans les Pyrénées et la fin des préliminaires. Les 180 kilomètres de parcours n’ont qu’un seul but : éliminer les rêveurs.
Derrière les noms anodins de la côte de Labatmale, du Soulor ou des Bordères, se cache une montée finale qui, elle, ne bluffe jamais : Hautacam. Treize kilomètres à 7,8 %, une rampe vers le ciel où les jambes ne mentent plus. Ici, on ne joue pas à la guerre psychologique : on grimpe ou on explose.
Pogacar voudra laver l’affront de 2022. Vingegaard, fidèle à son style monacal, n’attaquera pas pour briller mais pour punir. Evenepoel comptera les secondes, Lipowitz les pulsations, et Roglic les regrets. Derrière eux, des jeunes aux dents longues et des anciens au regard fatigué espéreront que la pente écrive une fable dont ils seraient, pour une fois, les héros.
Le vent sera discret, mais le destin, lui, soufflera fort. Car Hautacam, dans l’imaginaire du Tour, n’est pas un col comme les autres. C’est un purgatoire. On y croise ses limites. Et parfois, un peu de gloire.
YV
Crédit photo : Charly Lopez (ASO)
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Une réponse à “Tour de France 2025 – Toulouse, théâtre de la fureur : Abrahamsen triomphe au terme d’une étape folle..avant Hautacam”
Bonjour,
Article qui nous ferait presque oublier… allez, il est tellement bien, que pour une fois, je vais oublier.
Cdt.
M.D