Les Vikings ! On les connaît pour leurs raids et pillages, depuis le IXe siècle. Tout l’intérêt de la série de bandes dessinées Svein compagnon d’Hasting est de révéler également au grand public la société viking.
Svein, un jeune garçon de 10 ans, découvre les raids vikings lorsque des anciens lui en font le récit. Son grand-père lui raconte ainsi le premier raid, le 8 juin 793, dans le nord-est de l’Angleterre, leur permettant de mettre la main sur le trésor d’un monastère. Puis son père Einar lui rappelle les raids plus récents, à Rouen, Fécamp… Installés sur l’île de Noirmoutier, ils attaquent Nantes. Allant de plus en plus loin, ils pénètrent même dans la ville de Cordoue, mais à l’embouchure du Guadalquivir, une flotte sarrasine les attend. Le 28 mars 845, les vikings s’emparent de Paris, l’armée de Charles le Chauve s’étant réfugiée à Saint-Denis. Petit à petit, le jeune Svein va découvrir toutes les règles de la société scandinave, la construction navale, les jeux, les funérailles ainsi que la mythologie nordique. En fin d’album Svein a 16 ans. A la mort de son oncle Erlend, il embarque pour l’aventure aux côtés du célèbre chef viking Hasting.
Dans le deuxième tome, en 859, Hasting et Bjorn décident de monter une expédition sur les côtes espagnoles. Leur flotte est forte de 62 navires. Après une première escarmouche en Galice, la flotte viking se trouve au contact des galères sarrasines, rangées en ligne de bataille, qui leur barrent la route. Hasting attaque en plein terre musulmane. Sa flotte débarque à Nekor (Maroc actuel), où les vikings enlèvent deux princesses arabes. Survient l’hiver. Les vikings attaquent la côte italienne. A Luna, ville de Ligurie qu’il confondent avec Rome, Hasting, feignant d’être mort, fait demander par ses hommes à être inhumé dans l’église. Il surgit alors de son cercueil, en pleine messe, pour passer à l’attaque !
Le troisième tome se déroule en printemps 861. Une terrible tempête sépare Svein et ses compagnons du reste de la flotte. Ils sont capturés par les hommes de l’émir Abd-er-Rahman. Ils parviennent à s’évader, avec l’aide d’une belle musulmane éprise de Svein. Puis Svein accompagne les vikings en Charente et assiste au combat mortel qui oppose Màr, le chef viking, à Turpion, Comte de Saintes. Les vikings vont s’allier à Pépin d’Aquitaine, cet arrière-petit-fils de Charlemagne, que ses oncles Lothaire, Louis et Charles ont spolié lors du traité de Verdun, vingt ans plus tôt…
Le quatrième tome commence fin 864. Sur l’ile de Noirmoutier, Bard, à la tête de quarante navires, décide de remonter la Loire. La ville d’Orléans est pillée, ainsi que le monastère de Saint Benoît sur Loire. Dans son palais de Doué, Robert le Fort (ancêtre d’Hugues Capet), comte d’Anjou, est bien décidé à exterminer tous les vikings remontant la Loire. Mais les forteresses de Robert, comme Rochefort sur Loire, n’empêchent pas les vikings de remonter le fleuve. Svein, devenu l’homme de confiance d’Hasting, se voit chargé d’une mission capitale : contacter Salomon, duc de Bretagne, dont le territoire s’étend jusqu’aux portes d’Angers. Les Vikings s’allient alors aux Bretons pour mieux lutter contre les Francs. Ensemble, ils attaquent le Mans.
Dans le tome 5, en 866, une armée viking se dirige vers le nord de l’Angleterre et pénètre dans York. Ragnar, sur le point de succomber à la morsure des serpents, meurt « en riant », heureux de rejoindre les guerriers d’Odin au Walhalla…
Le scénariste de bandes dessinées historiques Thierry Lemaire, né en 1952, connu sous le pseudonyme d’Eriamel, est spécialisé dans l’histoire des Vikings et du monde normand médiéval. Vivant entre Étretat et Le Havre, il se définit comme Normand. Pour bâtir un scenario, il ne se contente pas d’ouvrir des ouvrages historiques. Il lit même les chroniques de l’époque et les comptes rendus de fouilles archéologiques. C’est pourquoi une bande dessinée lui demande deux à trois ans de travail.
L’époque médiévale est sa période de prédilection. Eriamel crée en 1992 le personnage fictif de « Svein », compagnon du viking Hasting, dont les aventures sont dessinées par Darvil puis Jean-Marie Woehrel. Avec Darvil, il entame, en 1997, la série L’Epte, des Vikings aux Plantagenets qui détaille les conflits entre le roi de France et le duc de Normandie, roi d’Angleterre. En 2000, associé au dessinateur J.C. Vergne, il relate dans » Le Cœur de Lion « , la jeunesse de Richard. En 2010, avec le dessinateur Woehrel, il crée la série de trois tomes Les fils de Guillaume, qui raconte également la première croisade. Il signe enfin le scenario de deux albums sur la guerre des Gaules : Gergovie (2017) et Alésia, l’alliance brisée (2020).
C’est Eramiel qui en 1988 fonde Assor BD (devenant AssoR Hist & Bd) avec pour ambition de réaliser des bandes dessinées historiques emplies de sources archéologiques. Cette maison d’édition associative basée en Normandie, spécialisée dans l’édition de bandes dessinées historiques à caractère pédagogique, se focalise dans un premier temps sur le Moyen-Age : époque Viking et Histoire Normande. L’objectif est de respecter l’authenticité, tant dans le récit que dans la reconstitution. Mais elle cesse son activité en 2018, après 30 ans d’activité. Aujourd’hui, Assor Histoire réalise encore des recherches historiques. Ses membres continuent d’écrire, pour d’autres éditeurs, des scénarios et des romans graphiques, ou encore des articles pour la presse spécialisée.
Chez Assor BD, Eramiel réalise six albums avec Darvil (Svein 1 et les cinq tomes de l’Epte) et sept avec Jean-Marie Woehrel (svein 2,3,4,5 et les trois Fils de Guillaume). En 1999, pour les deux premiers tomes de Svein, Eriamel reçoit le Prix Spécial BD Art au salon BD de Rive de Gier. En 2002, l’album Pépin II d »Aquitaine reçoit le prix du public au 13ème salon BD de Bassillac en Périgord.
Dans la série Svein, Eramiel décide de vulgariser, par un scénario dynamique, la vie d’Hasting en lui créant un compagnon fictif, inventé pour les besoins de l’intrigue : Svein. Cette série retrace les grands moments de l’épopée viking en apportant le plus grand soin à la reconstitution historique : bâtiments, navires, armes, vêtements… Sont présentées la mythologie et la société scandinaves.
Eramiel reçoit l’aide de deux spécialistes : Jean Renaud et Patrick Périn. Ils apportent leur caution au travail réalisé, mais aussi aident directement scénaristes et dessinateurs, en leur fournissant cartes, photos, croquis, extraits de textes anciens, commentaires archéologiques…
Jean Renaud, professeur de langues, littérature et civilisation scandinaves à l’université de Caen, y a dirigé le Département d’Études Nordiques. Lors de sa préface du premier tome, il révèle que « les Vikings ont de tous temps frappé les imaginations : ils ont terrorisé leurs propres contemporains, fasciné les générations romantiques qui, au XIXe siècle, ont vanté leurs hauts faits, et nous savons aujourd’hui que, loin d’être les barbares dont les moines nous ont laissé l’image dans leurs chroniques, les Vikings étaient le produit d’une société cultivée et fort bien structurée. Norvégiens et Danois se sont lancés à l’assaut de l’Europe occidentale, avides de butin ou de nouvelles terres : les îles britanniques en ont fait les frais, ainsi que l’ex-empire carolingien, morcelé et affaibli après la mort de Charlemagne. Les manuels d’histoire de France passent rapidement sur ces événements qui en ont pourtant bouleversé le cours : les Vikings ont occupé la Bretagne et fondé le Duché de Normandie. Leurs exploits ont inspiré toutes sortes de littérature, et la bande dessinée y a aussi largement puisé. Par le biais d’un héros fictif, Svein, le présent album retrace quelques grands moments de l’épopée viking en apportant le plus grand soin à la reconstitution historique. Les moindres détails des bâtiments, des navires, des armes, des vêtements, ont été passés au crible, et la trame même de l’histoire repose sur des sources sûres… ».
Patrick Périn, historien et archéologue spécialiste du haut Moyen Âge, était conservateur du Musée des antiquités de la Seine-Maritime (de 1984 à 1996) puis directeur du Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye (de 1996 à 2012). Il a fourni aux auteurs une documentation considérable.
Le premier tome est dessiné par Darvil, de son vrai nom Maurice Villard. Cet artiste peintre, formé aux Beaux-Arts de Marseille, réalise de nombreux tableaux évoquant sa Provence natale. En 1991, avec le scénariste Eriamel, il dessine le tome 1 de Moi Svein, Compagnon d’Hasting. Par un dessin réaliste, il apporte le plus grand soin à la reconstitution historique du monde viking : bâtiments, navires, armes et vêtements. En 1997, il entame la série l’Epte, des vikings aux Plantagenêts – le Sang de Rollon avec le même scénariste, sur les démêlés entre les Rois de France et les Ducs de Normandie, bientôt Rois d’Angleterre. Quand il ne réalise pas une bande dessinée, il peint pour des particuliers, dessine des illustrations, des affiches pour les collectivités ou des entreprises.
Les albums suivants sont dessinés par Jean-Marie Woehrel. Après avoir fréquenté les Beaux-Arts de Besançon, il illustre des romans policiers et publie de courts récits dans les magazines Tintin et Jet, dont « La Saga d’Erik Randa » sur un scénario de Yves Duval. En 1994, il participe à un album collectif « Un jour de soleil, un jour de lumière », biographie de trois prêtres engagés dans les mouvements sociaux. Passionné d’Histoire, il dessine en 1999 la suite de la série « Moi Svein, compagnon d’Hasting ». Son trait réaliste prend du caractère au fil des albums.
Chacun des cinq tomes de cette série s’achève par un cahier pédagogique.
Svein, compagnon d’Hasting. L’initiation, 64 pages, 14,90 euros. Editions Ouest France.
Moi Svein, compagnon d’Hasting, tomes 2 à 5, Assor BD.
Kristol Séhec.