Qu’il est doux, pour les âmes tièdes, de désigner l’ennemi là où il ne se trouve pas. Tel est le tour de passe-passe auquel s’adonne, avec une naïveté confondante et une suffisance sans borne, le collectif catholique dit P.A.I.X, en publiant dans Mediapart une tribune où l’on apprend que le véritable danger pour la République, tenez-vous bien, ne vient pas des coupeurs de têtes ni des attentats au couteau, mais des catholiques conservateurs. Il fallait oser, ces dames et ces messieurs l’ont fait.
On chercherait en vain dans leur salmigondis le moindre aveu de lucidité. Tout ce qui, depuis vingt ans, mine notre société, le communautarisme, l’effondrement de l’école, l’imposition rampante de normes exotiques dans l’espace public, les zones de non-droit, tout cela est balayé d’un revers de main pour faire place à une rhétorique digne de la Ligue de l’enseignement sous anesthésie. Le péril, ce ne sont pas les incendiaires d’églises ni les profanateurs de cimetières chrétiens, ce sont Retailleau, Bellamy et des éditorialistes qui récitent encore leur chapelet.
L’argumentaire, cousu de fil rose, ne vaut guère plus qu’une homélie rédigée par un clerc stagiaire qui lit Témoignage chrétien. On y cite l’État de droit comme d’autres brandissent des chapelets en plastique, sans comprendre qu’il ne protège plus rien dès lors qu’il devient indifférent à la réalité. Qu’un catholique ose dire que la République n’est pas sacrée, ce qui est une vérité banale en philosophie politique, le voilà aussitôt promu à la dignité d’ennemi intérieur. La laïcité, dans cette prose, ne vaut que si elle sert à défendre le voile islamique contre les discrètes visites d’un ministre à la messe.
Le deux poids deux mesures est ici élevé au rang de catéchisme civique. On dénonce avec des trémolos les propos de Bruno Retailleau, tout en glissant pudiquement sur les assassinats de fidèles en plein office, les églises dévastées, les prêtres égorgés. Rien ne trouve grâce aux yeux de ces catholiques d’obédience macronienne sinon le droit pour les autres de les haïr sans retour. La haine du catholicisme identitaire leur sert de sésame pour participer à la grande fête républicaine, ce bal des aveugles où l’on danse en prétendant ne pas voir l’incendie qui crépite dans les rues.
Il faut relire la tribune avec l’œil d’un moraliste du XVIIIe siècle pour mesurer l’abîme entre le verbe et la réalité. Ce n’est pas un texte, c’est un acte de dévotion idéologique. Le Pape François y est convoqué comme jadis les oracles, pour couvrir de baume tiède une abdication collective. L’amour du prochain, disent-ils, impose de renoncer à toute lucidité. Ainsi donc, aimer son frère, c’est ne rien dire quand il vous crache au visage, quand il vous traite de croisé, quand il vous somme de disparaître.
La religion de ces gens-là n’est pas le catholicisme, mais un humanitarisme déguisé, un angélisme qui prend le Christ pour un assistant social et la Vierge pour une assistante de vie scolaire. Ils croient désamorcer la haine en désarmant ceux qui en sont les premières cibles. C’est la mystique du sacrifice unilatéral, sauce P.A.I.X, servie froide, sans sel ni croûte.
On aurait pu leur pardonner leur candeur s’ils n’étaient pas si enragés à l’égard de ceux qui, tout simplement, ne veulent pas que l’Église devienne un guichet de la CAF. À les lire, mieux vaudrait un islam politique puissant qu’un catholicisme enraciné. L’ennemi, ce n’est pas celui qui nie la divinité du Christ, mais celui qui y croit trop fort. Cette inversion des repères tient du délire. Il n’est pas certain qu’elle résiste longtemps à l’épreuve des faits. On peut encore écrire ce genre de prose à Paris, dans les permanences feutrées de Mediapart. On aura plus de mal à le déclamer dans une église vide, surveillée par des caméras, sous l’œil blasé d’un agent de sécurité.
Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées
5 réponses à “Les bigotes de la République”
les idiots utiles disait Lénine.
cela fait longtemps que je ne met plus les pieds dans les églises.
trop proimmgrationistes
Si cet article de PAIX date d’après l’homélie du 26/7 du Cardinal Robert Sarah à Ste. Anne d’Auray, cela signifie qu’il a fait mouche, si c’est avant le Cardinal a bien répondu.
Effectivement, les catholiques conservateurs ne sont pas dangereux, parce que leur nombre est extrêmement réduit et que le christianisme disparaît rapidement en Europe, y compris en Irlande et en Pologne.
Franchement, on n’a pas mieux à faire à B.I. que de consacrer une chronique à un groupuscule crépusculaire ? A quand des campagnes d’abonnement pour mediapart sur B.I. ???
Ce groupuscule gazeux et bientôt Gazaoui me fait penser au dernier pet malodorant d’un cadavre en voie de décomposition…nous avons connu la JAC révolutionnaire…la JOC complètement inféodée aux rouges! Et n’oubliez pas les pourris, les faux jetons de la CFDT dans l’Enseignement Catho…ah je les retiens ces petits péteux bourges bien pensants! Des donneurs de leçons! Bon article de don Balbino.