Le Tour de France 2025, épilogue : la nostalgie en jaune et le vertige du mois de juillet

Ils étaient deux centaines à rêver d’un jour de gloire et d’un maillot jaune, et des millions à rêver tout court.

Car le Tour de France, ce n’est pas qu’une course. C’est une parenthèse enchantée. Une ligne droite au milieu du chaos. Une religion d’État, sans clergé mais avec martyrs, messes quotidiennes, et saints en pédalier. En ce mois de juillet 2025, la France s’est encore agenouillée devant ses bas-côtés.

Il fallait bien un panache pour gouverner ce chaos : Tadej Pogačar, le Mozart (Où l’Alien ?)  du braquet, a endossé une quatrième fois le maillot jaune à Paris, après trois semaines d’un règne tantôt autoritaire, tantôt fébrile, mais toujours incandescent. Il n’a jamais vacillé sauf à Paris, a chuté dans l’estime des sceptiques, mais s’est relevé tel un phénix sous test PCR. Soupçonné, peut-être. Soupçonnable, sans doute. Admiré ? Absolument.

Le Slovène a remporté quatre étapes, dominé les Pyrénées, avalé le Ventoux sans sourciller, et transformé le contre-la-montre de Peyragudes en récital. Il a roulé, grimpé, attaqué. Il a gagné. Alors, on a douté. Car la France du vélo est parfois une veuve joyeuse : elle pleure d’amour, mais se méfie de trop d’éclat.

Healy, Simmons, Arensman, Abrahamsen : les seigneurs du panache

Mais ce Tour ne fut pas que domination. Il fut aussi résistance. Ben Healy, le troll irlandais au cœur d’acier, a illuminé les routes comme un feu de Bengale. Un maillot jaune arraché un 14 juillet, des échappées buissonnières, une combativité méritée à la sueur des mollets : le Tour a retrouvé, grâce à lui, le sel des grandes échappées.

Et que dire de Thymen Arensman, l’inattendu grimpeur batave, qui a conquis Superbagnères et La Plagne avec le calme des justes. Ou encore de Jonas Abrahamsen, ce géant norvégien que l’on croyait taillé pour l’hiver, et qui s’est offert Toulouse en plein été, après avoir maté les purs-sangs du peloton sur une plaine balayée par le vent.

Et enfin de notre RedNeck préféré, Quinn Simmons l’américain à qui il ne manque qu’un flingue à la ceinture pour être la parfaite image de l’American Rebel. Toujours à l’avant, toujours sans compter, jamais gagnant. Mais toujours motivé dès le lendemain….jusqu’aux Champs Elysées où il eut la classe de demander sa petite amie en mariage. Une belle image de ce Tour 2025.

Milan, le vert accroché aux dents

Dans l’ombre dorée du maillot jaune, Jonathan Milan a cousu son maillot vert avec l’aiguille du mérite. L’Italien à moustache a sprinté plus souvent qu’il n’a souri, et chaque fois avec une précision clinique. Deux victoires, des podiums en rafale, une résistance admirable aux Merlier, Philipsen et Groves. Il n’a pas eu la verve de Cipollini, ni le style de Petacchi, mais il a eu l’essentiel : la constance.

Et pendant que Lidl-Trek assurait le boulot avec la rigueur d’un livreur d’amazon, les Alpecin jouaient au rugby sur roues. Van der Poel en jaune au départ, Philipsen et Groves toujours aux avant-postes., trois victoires d’étapes à trois, chapeau les artistes !

Le retour de Van Aert

Et que dire d’une conclusion parisienne signée Wout van Aert, qui est tout ce que ce sport aime : talentueux, instable, brillant, inclassable ? On fût tellement heureux pour lui, TOUT le peuple du vélo fût heureux pour celui qui mangeait son pain noir depuis deux ans, toujours neutralisé, sur les classiques par Van der Poel, sur les grands tours par son devoir d’équipier. Il la tient cette fois, et une des plus belles rendez-vous compte : c’est le seul homme à avoir fait craquer Pogacar à la pédale depuis des années…

Visma, stratégie de l’ennui ; Cofidis, l’art de l’invisibilité

Ils nous avaient promis un plan. Visma–Lease a Bike avait des tableurs, des données, des rêves d’algorithmes. Mais ce fut du vélo PowerPoint : des attaques tardives, de l’attentisme, un Vingegaard robotisé qu’on aurait cru bridé par un coach mental. Il termine deuxième, comme souvent. On l’admire, mais on ne l’aime pas.

Et puis il y eut Cofidis. Ou plutôt : il n’y eut pas. Pas de victoire, pas d’échappée marquante, pas de frisson. L’équipe hexagonale a traversé ce Tour comme une voiture-balai en mode furtif. Il fallait les chercher derrière les motards, ou sur les tableaux d’abandon.

Les montagnes s’essoufflent, les plaines s’enflamment

Curieusement, ce sont les étapes de plaine qui ont exalté les cœurs. Les sprints, les bordures, les glissades, les miracles. Les étapes de montagne, elles, peinent à surprendre. Les scénarios s’écrivent à l’encre tiède : attaque à 5 km, contrôle à 2 km, explosion à 500 m. Echappées contrôlées, ou qui se disputent la victoire sans soucier l’intérêt d’un peloton au ralenti. Même les sommets mythiques comme le Ventoux – bien que l’affrontement Paret-Peintre Healy fût digne d’une course de F1 en montagne – ou la Loze ne font plus frémir comme avant.

À l’inverse, les échappées de baroudeurs, les sprints sous la pluie, les chutes évitées de justesse sur les Champs, ou le final inédit et pavé de Montmartre, ont rappelé que le cyclisme est plus beau quand il est imprévisible.

Un peuple au bord de la route, et un vide au bout du mois

Mais plus que les écarts de temps, plus que les watts ou les hematocrites, le vrai héros du Tour, c’est le public. Ces familles en camping-car, ces enfants déguisés en diable ou en coq, ces retraités en chaise longue sur les ronds-points, parfois suffisamment débiles pour se bagarrer avec des gamins pour un porte clé Le Gaulois…. Ils crient pour des inconnus. Ils offrent du rêve, et reçoivent de la poussière. Ils sont l’âme du Tour. Le cœur battant de juillet.

Et maintenant ? Maintenant, il y a ce vide. Ce blues de fin de bal. Ce goût amer du quotidien. Heureusement, le Tour de France Femmes prolonge la fête, avec ses héroïnes, ses sprints acharnés, ses montagnes encore vierges de soupçons.

Mais tout le monde devrait suivre le cyclisme toute l’année. Parce qu’il y a du Ben Healy en mars, du Milan en mai, du Pogačar en Lombardie, et des pépites anonymes chaque semaine sur les routes oubliées. Parce que le vélo, c’est la seule guerre où les hommes tombent pour se relever plus grands. Et parce qu’au fond, nous avons tous besoin d’un peu de juillet dans nos vies…et de Jacky Durand aux commentaires, avec son complice Steve Chainel sur Eurosport, la seule et unique vraie chaine du vélo (désolé pour la publicité), rien que pour ce grand moment du Tour 2025 ! Merci à eux.

Et pas à l’année prochaine donc, mais à très rapidement, sur les routes de la Vuelta, de la Bretagne Classic, des championnats du monde, du Lombardie….Le cyclisme, c’est toute l’année !

YV

Crédit photo : © A.S.O / Billy Ceuster
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