Il est des nouvelles qui, en ce monde saturé de nouvelles mauvaises, brillent d’un éclat singulier, presque grisant. La quasi-faillite de Media Matters for America, machine inquisitoriale au service de la gauche américaine, en est une. Une sorte de jubilé du réel, où les justiciers masqués de la désinformation se retrouvent nus, ruinés, et seuls, dans l’arène qu’ils avaient eux-mêmes ensanglantée.
Fondé en 2003 par un certain David Brock, transfuge des milieux conservateurs devenu auxiliaire zélé du Parti démocrate, Media Matters s’est donné pour mission de surveiller, salir et faire taire tout ce qui s’écarte de la ligne progressiste. Financé par les officines de la bien-pensance, au premier rang desquelles l’inévitable George Soros et sa ménagerie de milliardaires dévots, le groupe s’est spécialisé dans les campagnes de pression sur les annonceurs, les attaques diffamatoires, la publication de pseudo « fact checks » et les chantages moraux pour obtenir des censures. Un tribunal révolutionnaire à l’âge numérique, aussi méthodique qu’impitoyable.
Mais à force de se prendre pour Torquemada, on finit par croiser plus rusé que soi. En novembre 2023, dans une opération de manipulation algorithmique aux relents de false flag, Media Matters fabrique de toutes pièces une controverse sur la plateforme X (anciennement Twitter), accusée de juxtaposer des publicités d’entreprises à des contenus néonazis. L’indignation programmée produit son effet : 75 millions de dollars d’annonceurs fuient, et l’on crie haro sur Elon Musk, maître des lieux. Problème : tout était truqué. La supercherie, une fois mise à jour, déclenche une riposte foudroyante.
Musk, ce mélange d’ingénieur libertarien et de gladiateur technologique, ne se contente pas de gémir. Il attaque. Plainte pour diffamation, actions en justice dans plusieurs pays, déclaration de guerre aux bailleurs de fonds. « Nous poursuivrons non seulement l’organisation, mais également quiconque la finance », tonne-t-il. Et les donateurs de détaler, tels des rats quittant le navire. Même les fidèles du début, comme Susie Tompkins Buell, héritière du prêt-à-porter éthique et mécène du wokisme, se volatilisent.
En coulisse, c’est la panique. Le cabinet Elias, pilier juridique du Parti démocrate, réclame 4 millions de dollars d’honoraires impayés. Les salariés se mutinent. Les caisses se vident. Quinze millions de dettes judiciaires s’accumulent. Et quand Media Matters propose de régler l’affaire par un petit « explicatif méthodologique » assorti d’un don caritatif, Musk exige tout simplement la fermeture définitive. Il ne s’agit plus de se défendre, il s’agit de châtier.
À cette offensive s’ajoutent les enquêtes fédérales. La Federal Trade Commission (FTC), désormais entre les mains d’un exécutif trumpiste, suspecte une collusion illégale entre Media Matters, d’autres ONG du même tonneau, et de grands annonceurs comme Disney. Le délit ? Entrave concertée à la liberté du commerce, conspiration visant à étrangler une entreprise (X) pour des raisons idéologiques. Si cela devait être prouvé, c’est tout l’édifice du censorship-industrial complex, cet entrelacs obscur de fondations, d’activistes, d’agences publiques et de multinationales progressistes, qui serait menacé de démantèlement.
La gauche américaine, si habile à se draper dans les mots de la liberté et de la démocratie, découvre soudain que la justice, même lente, peut mordre. Ceux qui ont passé vingt ans à traquer la moindre parole déviante, à faire perdre leur emploi à des animateurs radio, à faire interdire des livres, à bannir des chaînes YouTube, à faire pression sur les banques pour qu’elles ferment les comptes d’opposants, en viennent à découvrir la morsure du réel.
Et la France ? Elle suit, comme toujours, avec un temps de retard mais une fidélité remarquable à l’original.
Certes, nous n’avons pas, sur notre sol, l’équivalent institutionnel de Media Matters. Pas encore. Mais l’esprit y est, comme une buée sur la vitre, invisible si l’on ne regarde pas en biais. Le journal Libération a son CheckNews, sorte de concierge idéologique déguisé en service client. Le Monde, tout en gravité bourgeoise, dégaine son Décodex, outil de signalement vertueux à usage des âmes délicates. Acrimed, Basta !, ou encore les cellules d’analyse des contenus dits « haineux » de la LICRA ou du CRIF, assurent la patrouille permanente. RSF, enfin, autrefois sentinelle des libertés, devient parfois sélective dans ses indignations.
Mais c’est surtout dans les pratiques que la filiation est manifeste. Comme aux États-Unis, une organisation comme Sleeping Giants France, ramification francophone du groupe de pression états-unien, se charge de traquer les annonceurs coupables de financer des médias jugés déviants. Il ne s’agit pas d’argumenter, de débattre ou de réfuter, mais de priver d’oxygène publicitaire les médias qui déplaisent.Indépendants ou non. Breizh Info et d’autres, plus mainstream, en ont fait l’expérience. Ces campagnes ont, sous des dehors philanthropiques, l’odeur rance de la délation.
Le même glissement s’observe dans la haute administration : CNCDH, Arcom, Conseil d’État, toutes ces instances, autrefois garantes d’équilibres, deviennent les auxiliaires zélés d’une morale officielle qui n’a plus grand-chose de républicain. La censure, chez nous, ne dit pas son nom. Elle s’habille de lois mémorielles, de chartes déontologiques, de chartes contre la haine, de contrôles algorithmiques, de modération « responsable ».
Il serait temps de rappeler, comme le fit Ernst Jünger en son temps, que « la liberté n’est pas un état, mais un combat ». Elle se joue désormais non dans les hautes sphères, mais dans les marges, dans les bastions menacés, chez ceux qui tiennent, avec des bouts de ficelle et une obstination presque mystique, des lieux de parole libre.
La débâcle de Media Matters n’est pas un épilogue. Elle est un signal. Si l’Inquisiteur peut tomber, c’est que l’Inquisition est vulnérable. À condition de parler haut. De nommer les censeurs. Et de refuser de s’agenouiller.
Balbino Katz
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2 réponses à “La chute de l’Inquisiteur : Media Matters vacille, et avec lui, la censure militante — Résonances françaises”
une pétition en ligne a l’assemblée nationale pour supprimer arcom a été mise en place.
la pétition contre la loi Duplomb a réuni 2 millions de personnes.
Raisons invoquées son coût démentiel .
https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3346?locale=fr
Et pour tout ce qui a été écrit dans cet article, ne plus rater le coche (cf. Gilets Jaunes novembre 2018) et observer, voire accompagner ce qui circule : le 10 septembre. Fini le terrorisme intellectuel, les Français dignes mais rincés se mobilisent…