Dans le Finistère, une communauté religieuse discrète est aujourd’hui dans le collimateur du diocèse et du curé de Morlaix. En cause ? L’organisation d’une messe traditionnelle sans autorisation. Mais au-delà du conflit de procédure, c’est une fracture profonde au sein de l’Église catholique qui se révèle.
À Plougasnou, dans le nord du Finistère, une communauté de moines carmes, majoritairement brésiliens, installée depuis 2020 dans un manoir privé, fait aujourd’hui l’objet d’une plainte du curé de Morlaix. Leur crime ? Avoir célébré, sans autorisation diocésaine, une messe selon le rite carmélite ancien dans l’église Saint-Pierre.
Mais la réaction du diocèse et de l’abbé Jean-Michel Moysan, curé de la paroisse Saint-Yves, soulève bien des interrogations. Pourquoi cette virulence à l’encontre de quelques moines discrets, vivant de manière ascétique, priant, travaillant et entretenant une propriété sans bruit ? Pourquoi cette dénonciation publique auprès de la justice civile plutôt qu’un règlement fraternel, à l’intérieur même du monde catholique ? L’affaire révèle un malaise plus profond, celui d’une Église en crise, qui semble préférer la répression à l’introspection.
Une Église vide… et intolérante
Dans une vidéo diffusée sur leurs canaux YouTube, les moines de Plougasnou ont tenu à se défendre. Ils rappellent que les églises du Finistère, désertées par les fidèles, accueillent régulièrement des expositions artistiques profanes, des concerts de musique païenne, voire des manifestations culturelles sans lien aucun avec la foi catholique.
« Pourquoi tolérer des installations d’art contemporain ou des performances absurdes dans des sanctuaires vides, et hurler lorsque quelques fidèles demandent une messe selon le rite ancien ? », s’interroge l’un d’eux. Leur message est clair : ils ne cherchent ni conflit, ni reconnaissance officielle, mais simplement à vivre leur foi dans la tradition. Un crime devenu impardonnable pour certains dans l’Église contemporaine.
Une plainte… et des relents d’hostilité idéologique
Le curé de Morlaix n’hésite pas à parler de « clandestinité ecclésiastique », de « dérives sectaires », voire d’un danger pour les âmes fragiles. Il affirme ne pas juger l’idéologie des moines, tout en dénonçant… leur opposition au concile Vatican II, leur critique du progressisme ecclésial, ou encore leur refus de se soumettre à l’autorité de l’évêque local.
Mais depuis quand l’Église, qui se veut maison de miséricorde, dénonce-t-elle ses fidèles à l’État pour des désaccords doctrinaux ? À quel moment une dispute interne devient-elle matière à intervention de la justice civile ? Ces moines n’ont ni fraudé, ni escroqué, ni commis le moindre acte de violence. Leur présence dérange, non pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils représentent : un retour à une foi rigoureuse, hiérarchique, virile, et fermement catholique.
L’accusation de sectarisme, brandie avec légèreté par l’évêché et relayée par la presse, peine à convaincre. La Miviludes, mission gouvernementale chargée de surveiller les dérives sectaires, admet n’avoir reçu qu’un seul signalement, isolé, en 2024, et n’a engagé aucune procédure. La gendarmerie ne mène aucune enquête. Le parquet, lui, n’a même pas été saisi. On est donc loin d’une affaire d’État.
Quant à Christian Montandon, alias père Jacques de Saint-Joseph, s’il critique ouvertement le concile Vatican II et la sécularisation de l’Église, il ne cache ni son parcours, ni sa théologie. Ordonné au Brésil, il a évolué vers un traditionalisme assumé, mais pacifique. Il ne prêche ni la haine, ni la rupture violente. Il refuse simplement de courber l’échine devant une Église qu’il juge infidèle à sa mission.
Une fracture au sein du catholicisme
L’affaire de Plougasnou est symptomatique de la fracture qui traverse aujourd’hui l’Église catholique. D’un côté, une hiérarchie diocésaine souvent plus prompte à dialoguer avec l’islam qu’avec ses propres brebis traditionalistes. De l’autre, des communautés ferventes, désireuses de vivre leur foi dans la continuité de la Tradition, mais régulièrement traitées comme des intrus, voire des ennemis.
Que l’on adhère ou non aux positions de ces moines carmes, on ne peut que s’interroger sur la disproportion de la réaction de l’Église officielle. Au lieu de chercher le dialogue, elle brandit l’exclusion et la menace judiciaire. Dans un monde en pleine déchristianisation, ce choix de combattre les siens plutôt que l’ennemi extérieur ressemble à une forme de suicide spirituel.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine