On a longtemps répété que « les sociétés occidentales étaient divisées ». C’était faux : elles sont désormais fracturées, irréconciliables. Ce qui se joue sous nos yeux n’est pas une divergence passagère entre deux camps politiques, mais une rupture civilisationnelle. Deux peuples, deux anthropologies, deux visions du monde cohabitent encore dans nos pays sous les mêmes drapeaux, mais ne partagent plus rien – ni valeurs, ni langage, ni espérance.
D’un côté, les apôtres du sans-frontiérisme, du cosmopolitisme liquide, de l’effacement des traditions et des identités. De l’autre, les tenants de l’enracinement, de la souveraineté, du local, de la mémoire et du sang. Entre les deux, plus de ponts. Le fossé est devenu un précipice.
La grande dissociation : villes contre campagnes, communautés contre communautés
On le voit partout : les fractures ne sont plus seulement idéologiques, elles sont spatiales, géographiques, presque tribales. Les métropoles votent d’un côté, les campagnes de l’autre. Les cités périphériques s’organisent en enclaves, tandis que les villages cherchent à préserver leur mode de vie ancestral. Les religions se regardent en chiens de faïence. Les classes sociales, elles aussi, n’habitent plus le même univers : entre la start-up nation des centres urbains et la France périphérique des ronds-points, c’est la guerre froide.
Les réseaux sociaux n’ont fait qu’accélérer ce processus : chacun vit dans sa bulle algorithmique, nourri de contenus qui renforcent ses certitudes et son hostilité à l’autre camp. Résultat : le dialogue n’existe plus, seule subsiste la haine.
On nous répète que « la République », « la démocratie », « l’État de droit » ou « l’Europe » seraient encore des cadres communs. Mais qui y croit encore sérieusement ? Ces mots ne sont plus que des coquilles vides, brandies comme des armes rhétoriques pour légitimer une domination. Car la vérité est simple : plus rien n’unit aujourd’hui les nations occidentales. Les drapeaux flottent encore, mais ce sont des voiles trouées sur des navires à la dérive.
Ce que nous vivons n’est pas un débat démocratique, c’est une sécession larvée. Les uns rêvent d’abolir les frontières, les autres veulent les relever. Les uns ne jurent que par le « progrès » technologique et sociétal, les autres veulent préserver l’ordre naturel et les traditions. Les uns veulent dissoudre l’histoire, les autres veulent la transmettre.
Le spectre de la guerre civile froide
Face à cette fracture, deux options se profilent. La première – celle qui domine aujourd’hui – consiste à chercher l’écrasement de l’adversaire : imposer son camp, faire taire l’autre, l’humilier, le criminaliser, épurer. Cette logique ne peut mener qu’au sang et aux larmes, à une guerre civile froide qui menace à tout instant de s’embraser.
La seconde – la seule raisonnable – est d’accepter la réalité : nous ne vivons plus dans une seule nation, mais dans plusieurs mondes parallèles, qui se superposent sans jamais se rencontrer. Forcer l’un à capituler face à l’autre, c’est ouvrir la voie à la tyrannie.
Alors quelle solution ? Elle est radicale, mais elle est la seule pacifique : la reconnaissance de micro-sociétés autonomes, de micro-États, dans lesquels chacun pourrait vivre selon sa culture, son identité, sa vision du monde. Ce ne serait pas la fin de la civilisation, mais peut-être sa renaissance. Mieux vaut mille communautés souveraines qu’une seule nation zombifiée, vidée de son âme et rongée par la haine. Mieux vaut la coexistence de micro-démocraties enracinées que l’illusion mensongère d’une unité nationale qui n’existe plus.
Ce n’est ni bien ni mal : c’est un fait historique, irréversible. L’Occident n’est plus un bloc, c’est une mosaïque qui éclate. Le nier, c’est préparer les affrontements de demain. L’assumer, c’est offrir une chance d’avenir. Le XXIᵉ siècle ne sera pas celui de la réconciliation des masses, mais celui de leur séparation organisée. Le reste n’est que bavardage pour éditorialistes du dimanche.
À nous de choisir : la sécession pacifique des peuples ou la guerre civile des nations mortes.
Julien Dir
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