Le monde loyaliste nord-irlandais traverse une période de turbulences. Gary Fisher, figure de proue de la South East Antrim UDA (SEA UDA), songerait à se lancer en politique afin d’échapper à une existence marquée par le crime et la clandestinité. Mais cette tentative de reconversion intervient alors que son organisation, sous pression des autorités britanniques, se fragilise et voit émerger une concurrence interne de plus en plus agressive.
Une fuite en avant politique
Selon plusieurs sources relayées par la presse britannique, Fisher aurait confié à ses proches vouloir se présenter comme un « nouvel homme » en se tournant vers la politique. Cette reconversion serait aussi motivée par la volonté de se protéger de potentielles poursuites judiciaires, alors que la Paramilitary Crime Task Force multiplie ses opérations contre la SEA UDA.
Il y a quelques années déjà, Fisher avait envisagé de quitter discrètement l’organisation, après un grave problème de santé, en s’installant à Liverpool avec une partie des profits du groupe. Le projet avait finalement échoué face à l’opposition d’autres chefs de l’organisation.
Aujourd’hui, la SEA UDA a annoncé la suspension de ses recrutements et la fin du versement de cotisations, signe d’une volonté affichée de s’éloigner des activités paramilitaires. Mais cette stratégie d’apaisement ouvre paradoxalement la voie à d’autres acteurs criminels.
Dans l’ombre de Fisher, Colin Simms, ancien homme de main de confiance, tente désormais de s’imposer. Condamné pour divers trafics, soupçonné d’avoir participé au meurtre brutal de Glenn Quinn en 2020 (un crime pour lequel il n’a jamais été inculpé), Simms chercherait à prendre le contrôle du lucratif réseau de drogue de la SEA.
Il bénéficie du soutien financier d’un concessionnaire automobile de la région, lui-même soupçonné de trafic de stupéfiants et actuellement dans le viseur de la National Crime Agency (NCA) britannique. Ensemble, ils utiliseraient les circuits de l’automobile et même une compagnie de taxis clandestine pour importer chaque semaine plusieurs kilos de cocaïne depuis Liverpool vers l’Irlande du Nord.
Le stratagème est simple : une voiture commandée en Angleterre, convoyée par bateau, arrive déjà « chargée » de drogue avant d’être distribuée par des chauffeurs complices.
Une SEA UDA sur la défensive
Face à cette concurrence, Fisher et ses alliés se disent furieux. Mais les engagements pris auprès de Londres pour réduire les activités criminelles du groupe limitent leur marge de manœuvre. Punir Simms risquerait d’apparaître comme une rupture de la « désescalade » promise.
Ironie de la situation : Fisher lui-même avait déjà sanctionné durement Simms pour ses trafics personnels, allant jusqu’à le soumettre à une simulation d’exécution avant de le rouer de coups. Désormais, l’exécuteur semble avoir pris sa revanche, profitant du vide créé par le désengagement officiel de la SEA.
La situation dans le sud-est d’Antrim illustre une recomposition classique des organisations paramilitaires : une partie de l’appareil annonce sa sortie du crime organisé, tandis que d’anciens lieutenants se réorganisent autour de réseaux de drogue toujours plus lucratifs.
Si Gary Fisher tente réellement de se bâtir une image d’homme politique, son passé de chef loyaliste et de criminel pèsera lourd. Quant à Simms, il incarne une nouvelle génération de voyous sans véritable agenda politique, davantage motivés par le profit que par l’idéologie.
Un scénario qui risque de prolonger la confusion dans le paysage loyaliste, alors que Londres pousse à la dissolution effective des groupes paramilitaires encore actifs.
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