Depuis plusieurs semaines, les rues anglaises se parent de drapeaux rouges et blancs de saint Georges, aux côtés de l’Union Jack. Ce n’est plus seulement lors des matchs de football ou des commémorations royales : des habitants les accrochent désormais aux lampadaires, aux balcons, ou les peignent sur les ronds-points. Derrière ce geste en apparence banal se cache une contestation profonde : celle d’un peuple qui se demande encore qui il est et ce qu’il veut devenir.
Le drapeau comme symbole de révolte
Autrefois, brandir le drapeau national signifiait loyauté et stabilité. Aujourd’hui, il est devenu l’étendard du mécontentement. Lorsque des municipalités retirent ces emblèmes au motif qu’ils seraient « dangereux » pour la circulation, elles ne font que renforcer l’impression d’un divorce entre la base et les élites. Comme l’avait déjà pressenti l’écrivain GK Chesterton au début du XXᵉ siècle : « Le peuple anglais n’a pas encore parlé. »
Les drapeaux britanniques, longtemps utilisés sans excès ni passion, sont désormais les marqueurs d’une identité menacée, que beaucoup refusent de voir disparaître dans l’indifférence des gouvernants.
L’Angleterre, une nation forgée dans les crises
L’histoire anglaise est traversée de bouleversements qui ont façonné son identité. De la conquête normande à la Réforme, des guerres civiles du XVIIᵉ siècle à la révolution industrielle, chaque génération a cru voir son monde s’effondrer. Pourtant, à chaque fois, une nouvelle Angleterre est sortie des ruines : plus riche, plus puissante, plus moderne.
Mais aujourd’hui, la situation paraît différente. Le pays fait face à une triple crise : démographique, avec une immigration massive qui bouscule les équilibres culturels ; économique, avec une stagnation durable et la désindustrialisation des régions entières ; identitaire, enfin, avec une élite politique et médiatique qui, loin de défendre la nation, semble vouloir déconstruire son histoire et ses traditions.
Jadis, qu’ils soient rois, nobles ou députés, les dirigeants britanniques avaient au moins en commun de chercher à servir l’intérêt de la nation, selon leur conception. Aujourd’hui, une partie des élites s’affiche fièrement « cosmopolite », prône un monde sans frontières, se dit honteuse du passé impérial et pratique une politique de la repentance permanente.
Dans les écoles et les universités, l’histoire nationale est régulièrement attaquée, dévalorisée, quand elle n’est pas réécrite au prisme du colonialisme ou de la culpabilité. Résultat : une jeunesse désorientée, qu’on pousse à se sentir étrangère dans son propre pays.
La multiplication des drapeaux, les manifestations autour de l’identité anglaise, mais aussi la montée en puissance de mouvements comme Reform UK de Nigel Farage, traduisent un phénomène plus large : une rébellion contre l’élite dirigeante.
Ce réveil ne prend pas la forme d’une révolution violente, mais il pourrait bien déboucher sur un basculement politique majeur, comparable aux grandes secousses du passé : la réforme électorale de 1832, le suffrage féminin, la victoire travailliste de 1945 ou encore l’ère Thatcher.
Les signes ne trompent pas : les mères de famille s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants, des quartiers entiers refusent l’arrivée de nouveaux centres pour migrants, et les électeurs, lassés des promesses creuses, cherchent une alternative qui redonnerait sens à leur appartenance nationale.
Quel avenir pour l’Angleterre ?
La question est désormais posée : qu’est-ce qu’être anglais aujourd’hui ? Est-ce une question d’ascendance, de culture, de valeurs, ou simplement de loyauté à une nation commune ? L’Angleterre a toujours absorbé des influences étrangères – françaises, italiennes, indiennes – tout en restant elle-même. Mais l’immigration de masse, combinée au refus d’intégrer et à la haine de soi encouragée par une partie des élites, menace cet équilibre fragile.
Sans un sursaut, l’Angleterre pourrait bien connaître non pas une renaissance, mais une lente dissolution de son identité. À l’inverse, si ce réveil patriotique s’organise, il pourrait marquer le début d’une nouvelle ère, où l’attachement au drapeau redeviendrait un ciment national.
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