Nantes : l’affaire se présente bien pour Johanna Rolland (PS)

Cumuler les histoires, c’est le privilège des insoumis nantais. Ils avaient Andy Kerbrat, ils ont maintenant Marina Ferreruela. Dans cette grande famille qu’est LFI, on se déchire volontiers. Ce qui est certainement contre-productif à six mois des élections municipales. Situation qui facilitera la tâche de Johanna Rolland.

A Nantes, les militants de La France insoumise caressaient de grandes ambitions pour les élections municipales de mars 2026. Tout démarre sur les chapeaux de roues lorsque, en mars, William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire, et Marina Ferreruela, suppléante du député Andy Kerbrat (Nantes centre), sont intronisés chefs de file de leur parti « pour mener la bataille des municipales à Nantes ». Objectif affiché et assumé : élaborer « un projet de rupture » afin d’opérer, en lien avec les militants, « un tournant pour Nantes » (Presse Océan, vendredi 21 mars 2025). Effectivement, les Insoumis présentent un programme de 650 mesures. Des mesures très concrètes : « le retour des conciergeries dans les quartiers, pour avoir un interlocuteur quand il y a des petits travaux à réaliser ou lorsque des dégradations ont été commises », mais aussi des trucs bizarres comme des salles de shoot. « Des endroits très sécurisés, pour éviter que ces personnes prennent des risques, et les aider à sortir de leur dépendance», promet Marina Ferreruela (Ouest-France, Nantes, mardi 17  juin 2025). Pour William Aucant, c’est d’un programme de rupture qu’il s’agit, « rupture démocratique, on verra si nos partenaires sont d’accord, s’ils veulent aller vers cette rupture. Ce programme amorce un débat politique avec les autres formations de gauche » (Ouest-France, Nantes, mardi 17 juin 2025). Aucant se montre ferme sur plusieurs points sur lesquels il ne transigera pas dans les discussions avec les partenaires de gauche, par exemple le refus de l’installation d’un centre de rétention administrative à Nantes : « S’il y a une union de second tour, le programme qui sera présenté sera un programme accepté en intégralité par toutes les forces qui composent cette union. Chez les insoumis, il n’y a pas de renoncement : on dit ce qu’on fera et on fera ce qu’on dit. » (Presse Océan, mardi 17 juin 2025) Fermez le ban !

Avec ces propos un brin menaçant, Ferreruela et Aucant comptent bien faire pression sur Johanna Rolland. Surtout si cette dernière a besoin des électeurs insoumis au second tour – ne serait-ce que pour faire face à la liste d’union droite-centre qui pourrait réaliser un beau score au premier tour. Cela dit la maire de Nantes a de la mémoire. Elle se souvient qu’au premier tour des élections municipales de mars 2020, la liste «Nantes en commun » conduite  par Margot Medkour et soutenue par LFI n’avait pas été qualifiée pour le second tour, faute d’atteindre les 10 % des suffrages exprimés (6 479 voix, 8,95 %), tandis que la liste « Nantes en confiance » dirigée par Johanna Rolland (PS) arrivait en tête (22 713 voix, 31,36 %) et celle des écolos « Nantes ensemble » pilotée par Julie Laernoes occupait la troisième place (14 181 voix, 19,58 %). « Nous ne ferons pas d’alliance. On ne veut pas participer à une majorité avec Johanna Rolland. Nos projets sont trop incompatibles. On ne peut pas travailler ensemble », assurait Margot Medkour (Presse Océan, lundi 16 mars 2020)

Les sondages ne sont pas favorables à LFI

Johanna Rolland se souvient également du résultat des élections européennes de juin 2024 à Nantes. N°1 Raphaël Glucksmann (Parti socialiste, Place publique) : 25 234 voix, 26,36 %. N°2 Manon Aubry (LFI) : 16 373 voix, 15,42 %. N°4 Marie Toussaint (EELV) : 14 540 voix, 13,70 %. « Le sujet, c’est d’œuvrer tout de suite au rassemblement de la gauche, comme avec la Nupes. Et ce ne sont pas les propos de Raphaël Glucksmann ce soir qui me rassurent », admet Andy Kerbrat (LFI), député de Nantes centre (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 10 juin 2024). Ce n’est pas le grand amour ! Evidemment, Johanna Rolland observe de près les différents sondages – aucun n’est favorable à Jean-Luc Mélenchon et à ses troupes. Seulement 13 % des personnes interrogées seraient satisfaites si “Méluche“ devenait président de la République (Ipsos, La Tribune Dimanche, 15 juin 2025). On ne trouve que 27 % des électeurs à avoir une bonne opinion du “Lider maximo“ (Ifop-Fiducial, Paris Match, 17 juillet 2025). La popularité de Jean-Luc Mélenchon se limite à 20 % (12 % pour le soutien et 8 % pour la sympathie), d’après Cluster 17 (Le Point, 17 juillet 2025). On ne peut donc pas parler de véritable dynamique… Il y a donc une absence de courant porteur pour les insoumis nantais, mais ils conservent tout de même une solide base électorale (immigrés et bobos).

Les choses vont se compliquer en deux temps. D’abord en octobre 2024 lorsque Andy Kerbrat (LFI), député de Nantes centre, est interpellé dans le métro parisien par des policiers alors qu’il est en train d’acheter de la drogue (3-MMC) à un mineur – d’après Médiapart  (vendredi 15 novembre 2025), Kerbrat utilisait « son compte d’avance de frais de mandat (AFM), abondé chaque mois de 4 700 euros par l’Assemblée nationale, pour financer sa consommation de stupéfiants » (Presse Océan, dimanche 17 novembre 2025).

La malheureuse  Marina collectionne les ennuis

Mais ce n’était que le début des “emmerdements »“ pour les insoumis nantais. Voilà qu’une « ancienne sympathisante du mouvement politique publiait un billet dans Le Club de Médiapart, intitulé “ De militante à victime : quand la culture du viol gangrène la gauche “. Dans ce long texte, elle accuse un cadre nantais du parti de l’avoir violée et une autre “cadre locale très influente“, de ne pas l’avoir crue et de s’être rangée du côté de l’agresseur présumé » (Ouest-France, Nantes, jeudi 26 juin 2025). Prudente, la victime ne cite pas le nom de cette cadre. « Mais, au sein du mouvement, tous reconnaissent Marina Ferreruela, l’ancienne collaboratrice du député Andy Kerbrat. » Si le cadre accusé a été exclu par les instances nationales, il demeure « actif » au sein de la section nantaise. Quant à Marina Ferreruela, elle connaît d’autres ennuis puisque le collectif nantais Isonomia, spécialisé dans la lutte contre le racisme, la pointe du doigt sans citer son nom. Elle est accusée de« propos envers des personnes racisées qui ne sont pas dans ligne de La France insoumise ». Pour le viol, Ferreruela dénonce « une manœuvre politique grossière » ; elle réfute également les accusations de racisme car « elles ne reposent que sur une volonté de disqualification politique » (Ouest-France, Nantes, jeudi 26 juin 2025). Pour démarrer la campagne des municipales, LFI ne pouvait pas faire mieux à Nantes : Kerbrat + Ferreruela.

Pas de pitié : les sanctions tombent

Vendredi 1er août : Maria Ferreruela est suspendue de tous ses mandats. Il s’agit d’une « réponse claire et transparente dans le respect des victimes », indique le mouvement. « Les violences faites aux femmes sont une priorité absolue. Le militant accusé d’agression sexuelle a été exclu en avril. Marina Ferreruela  vient d’être suspendue de tous ses mandats et n’est plus autorisée à se prévaloir de son appartenance à la France insoumise. Au niveau local, cette situation a suscité une prise de conscience collective. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, 2-3 août 2025) Si Marina Ferreruela est suspendue pour un an, William Aucant, l’autre chef de file, reçoit un avertissement par rapport à la gestion de cette affaire, comme quatre autres militants (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 5 août 2025). « C’est une manœuvre, une cabale. Cette affaire intervient au lendemain du lancement de la campagne. Je me sens salie », s’insurge Marina Ferreruela (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 5 août 2025). La carrière de « Marina » chez les Insoumis est-elle brisée ? On se souvient qu’elle avait pris position contre les zones à faibles émissions (ZFE) : «Pour nous, c’est une ligne rouge. L’opposition aux ZFE est régulièrement revenue lors de notre consultation populaire. Les gens sont très attentifs aux injustices sociales. » (Le Nouvel Obs, 19 juin 2025). Puisqu’elle est « suspendue », Marina n’aura plus à s’occuper ni des ZFE, ni de la campagne électorale… Voilà qui ressemble à des vacances…

Dans ces conditions, à Nantes, LFI se retrouve avec une cheffe de file « suspendue » et l’autre chef de file frappé d’un « avertissement ». Avec un attelage pareillement fragilisé et contesté, il faudra bien trouver des remplaçants… Une annonce dans LeBoncoin pourrait permettre de trouver des candidats qui soient dans la ligne, mais  pas concernés par les histoires et querelles locales du mouvement. Il paraît qu’ « à Paris, ils en ont ras le bol de la situation nantaise »… (Ouest-France, Nantes, jeudi 26 juin 2025).

Marina a besoin d’une nouvelle boutique

Avec un pareil mic-mac, les insoumis nantais devront revoir à la baisse leurs prétentions et leur arrogance – pour la plus grande satisfaction de Johanna Rolland (PS). Et les rodomontades d’Andy Kerbrat ne peuvent pas l’impressionner : « C’est le projet, le programme qui compte. S’il y a une seule liste mais qu’il s’agit d’une liste hémiplégique, je ne vois pas l’intérêt » (Presse Océan, samedi 5 juillet 2025). Quant à Marina, elle pourrait songer à sa reconversion : « Mais mon engagement n’a pas commencé avec LFI et ne se termine pas avec LFI. Mon militantisme est inaltérable » (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 5 août 2025). Si, à Rennes, l’Après (Association pour une République écologique et sociale) compte une poignée de militants qui ont rejoint les dissidents de LFI (Clémentine Autain, Danielle Simonnet, Alexis Corbière, Raquel Garrido), il semble qu’à Nantes ce nouveau groupe politique n’existe pas ; il y a donc là une porte de sortie glorieuse pour l’« inaltérable » Marina. Non seulement elle pourrait devenir la patronne de la section nantaise de l’Après, mais aussi jouer un rôle dans la campagne des municipales. En effet  Johanna Rolland gagnerait à utiliser ses services pour contrer LFI. Pour démolir les copains de Mélenchon, Marina est la mieux placée sur le plan de l’efficacité – elle connaît leurs petites magouilles et les haines recuites…

La grande question demeure : « Les Ecologistes s’allieront-ils dans certaines villes avec LFI contre le PS, comme certains militants en rêvent à Montpellier ? Ainsi, à Rennes, Rouen et Nantes, trois villes  dirigées par le PS, il « faudra trouver des solutions », admet David Cormand [député européen] (…) Il se murmurait vendredi que, à Nantes, où la socialiste Johanna Rolland brigue un nouveau mandat, le danger d’une liste Les Ecologistes-LFI aurait été écarté. » (Le Monde, dimanche24- lundi 25 août 2025). La confirmation est apportée à l’échelon local : « Membres de la majorité pilotée par la maire socialiste Johanna Rolland, les écologistes, qui appellent à une union XXL de la gauche en 2026, ont pour l’heure interrompu toute négociation avec les partisans de Jean-Luc Mélenchon. “Le dialogue est suspendu au regard de la gravité de la situation, indique une figure clé de l’équipe écologiste nantaises qui préfère recourir au “off“. Pour que les discussions reprennent, il faudra que LFI désigne une interlocutrice ou un interlocuteur irréprochable sur les questions féministes, qui croit en la parole des victimes.“ » (Presse Océan, samedi 23 août 2025)

Une voie royale pour Johanna Rolland

Les choses étant ce qu’elles sont, Johanna Rolland peut se frotter les mains. S’il n’est plus question d’une liste Les Ecologistes-LFI au premier tour des élections municipales, une alliance Les Ecologistes-PS devient d’actualité ; une « bonne négociation » arrangera tout : par exemple Marie Vitoux, chef de file des écolos, se verrait bien devenir première adjointe… Et d’autres écolos ne demandent qu’à devenir adjoints ou vice-présidents de Nantes Métropole… Avec une indemnité à la clé, on devient  des professionnels, ce qui est le rêve de tout « militant ». Quant à Johanna Rolland, avec une liste PS-Les Ecologistes dès le premier tour, elle peut envisager une campagne paisible et une victoire “dans un fauteuil“. Certes, sa réélection en 2020 n’avait pas été glorieuse puisque, au premier tour, l’abstention atteignait 61,33 % et 69,04 % au second ; mais seule la victoire est jolie… Il suffit que les Nantais qui lui font confiance soient plus nombreux que  ceux qui préfèrent la droite…

Bernard Morvan

Crédit photo : DR
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