Les élections locales du 7 septembre en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), le Land le plus peuplé d’Allemagne, ont confirmé une évolution politique que beaucoup d’observateurs jugeaient encore improbable il y a quelques années : la progression rapide de l’AfD à l’Ouest du pays.
CDU et SPD en net recul
Officiellement, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a remporté l’élection avec 33,3 % des voix. Mais ce score, salué par les médias publics comme un « soulagement », constitue en réalité le plus mauvais résultat du parti dans la région depuis la guerre. Le Parti social-démocrate (SPD), autrefois hégémonique dans cet ancien bastion ouvrier, s’effondre à 22,1 %, son pire score historique, après une première débâcle il y a cinq ans.
En parallèle, l’AfD enregistre 14,5 % des suffrages. Le parti triple ainsi son score par rapport à 2020, dans des conditions pourtant très défavorables : faute de moyens et sous forte pression, il n’a pu présenter des candidats que dans 60 % des circonscriptions.
Dans les grandes villes industrielles de Gelsenkirchen, Hagen et Duisburg, les candidats de l’AfD sont parvenus à se qualifier pour des seconds tours face aux représentants de la CDU et du SPD. Un résultat inédit qui illustre un basculement électoral profond. Selon Hermann Binkert, de l’institut Insa, cela démontre que l’AfD pourrait, à terme, dépasser le tiers de l’électorat au niveau national.
Le parti reste confronté à un climat hostile : attaques contre ses locaux, menaces, violences contre ses militants et même lourdes conséquences professionnelles pour ses sympathisants. Se présenter sous son étiquette reste un acte risqué en Allemagne de l’Ouest, ce qui explique aussi pourquoi le mouvement s’appuie souvent sur des retraités prêts à assumer ces pressions.
Le « cordon sanitaire » remis en avant
Face à cette dynamique, la réaction des partis établis a été immédiate. Les dirigeants de la CDU comme du SPD ont rappelé qu’aucune alliance ni coopération ne serait tolérée avec l’AfD, y compris au niveau local. Tous les « démocrates », disent-ils, doivent faire barrage, quitte à s’unir contre le vote d’une partie croissante de la population.
Cette stratégie, déjà appliquée depuis dix ans, semble pourtant produire l’effet inverse : l’électorat protestataire se radicalise et renforce l’AfD, convaincu d’être marginalisé par un système fermé.
La portée symbolique de cette poussée est considérable. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie fut longtemps le cœur industriel de l’Allemagne et le bastion du SPD et des syndicats. En 2014, CDU et SPD totalisaient encore près de 70 % des voix. L’AfD, elle, plafonnait à 2,5 %.
Dix ans plus tard, la donne a changé. Pauvreté, désindustrialisation, immigration massive et montée de l’insécurité dans les grandes villes expliquent en partie ce basculement. À Duisburg, par exemple, la campagne électorale s’est focalisée sur la criminalité et la gestion des flux migratoires.
Même sans conquérir de mairie, l’AfD est désormais capable de structurer le débat politique à l’Ouest, ce qui change radicalement l’équation nationale. Comme le résume le journaliste Ulrich Reitz : « C’est à l’Ouest que se joue désormais la musique politique. L’AfD y est devenue une force avec laquelle il faut compter, parce que les électeurs le veulent. »
L’émergence de ce troisième acteur rebat les cartes d’un système longtemps verrouillé par les deux grands partis. L’avenir dira si la stratégie de mise à l’écart renforcera encore le mouvement populiste, ou si le « cordon sanitaire » tiendra. Une chose est sûre : en Allemagne, le paysage politique ne sera plus jamais le même.
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